CinémaPéplum

Les Gladiateurs – Delmer Daves

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Demetrius and the Gladiators. 1954

Origine : Etats-Unis
Genre : Péplum
Réalisation : Delmer Daves
Avec : Victor Mature, Susan Hayward, Michael Rennie, Debra Paget…

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Caligula, empereur tyrannique et déséquilibré, a une dent contre les chrétiens, qu’il persécute. Assoiffé de pouvoir et de reconnaissance, il envoie ses troupes à la recherche de la tunique du Christ, persuadé qu’elle possède le pouvoir de donner la vie éternelle. Ladite tunique se trouve en possession de Demetrius, un potier, qui se l’est vu confier par Saint Pierre en personne. Lorsque les troupes romaines pénètrent dans son village et agressent sa fiancée, Démétrius perd son sang froid et frappe un légionnaire. Ce coup de sang le conduit à l’école des gladiateurs, lieu d’asservissement et de violence, dans lequel il attire l’attention de Messaline, épouse de l’oncle de Caligula.

En 1953, La Tunique de Henry Koster marque les esprits en étant le premier film tourné en cinémascope. La tunique en question appartient à Jésus Christ, alors fraîchement crucifié. Le tribun Marcellus, qui a dirigé l’unité chargée de la crucifixion, gagne la tunique aux dés et s’en retourne à Rome. Torturé par le remord, il se pose des questions sur l’homme qu’il a fait mettre à mort, et finit par se convertir au christianisme. Ce qui n’était pas la voie la plus aisée à emprunter alors que Caligula prenait le pouvoir.

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Les Gladiateurs a été tourné dans la foulée et reprend quelques personnages de La Tunique. Marcellus étant mort en martyr, c’est à l’humble potier Démétrius qu’incombe la lourde tâche de représenter le christianisme. Lors de son entrée à l’école des gladiateurs, il se fait remarquer de tous par une vaine tentative d’évasion. En tant que chrétien, il se refuse à tuer un autre être humain. Ce qui lui vaut de multiples railleries de la part des autres gladiateurs, s’amusant à vérifier la véracité des préceptes prônés par Jésus et ses disciples. Dans ce cadre, le fameux “Tu tendras l’autre joue” rencontre un franc succès. Toutefois, Démétrius fait preuve d’une grande force de caractère, mû par une foi inébranlable en son dieu unique. C’est ce qui fascine Messaline, version antique de la femme fatale incarnée par une spécialiste du genre, Susan Hayward. Elle admire cette force de caractère, mais souhaite aussi en tester les limites. Par ses diverses manipulations, elle amène Démétrius à renier son dieu et ses convictions. La femme décidée et disposant de pouvoirs conséquents l’emporte sur la foi haut la main. Démétrius concevait jusqu’alors la foi de manière naïve, pensant que celle-ci l’épargnerait de tout mauvais coup du sort. Le genre d’homme qui s’imagine que la religion constitue le meilleur rempart à la folie du monde. Demetrius ne peut résister bien longtemps à Messaline, la vile tentatrice entre les bras de laquelle il est initié aux plaisirs. Il n’a subitement que faire des 10 commandements qui régissaient auparavant sa vie. Il goûte au stupre et à la luxure, et cela n’a pas l’air de lui déplaire. Devenu une figure héroïque par la grâce de l’empereur, il sert sans rechigner cet homme, dirigeant d’un peuple polythéiste.
De son côté, Caligula, obnubilé par sa toute puissance, ne peut admettre la moindre concurrence. Jésus, qu’on dit capable de résurrection, lui fait de l’ombre. Sa bonne parole fait de plus en plus d’émules et un chrétien, en l’occurrence Démétrius, se fait davantage acclamer que lui par ses hommes. Il ne croit pas au monothéisme. Par contre, il est persuadé des vertus magiques de la sainte tunique. Telle une quête du Graal avant l’heure, il envoie ses hommes arpenter la région à sa recherche. Une fois en possession de la tunique, il s’imagine que plus personne ne pourra contester sa suprématie et que tout le monde le vénérera. Au fond, il se fiche éperdument des chrétiens, qu’il considère avant tout comme des bêtes de foire. Il attache autrement plus d’importance aux signes ostentatoires du pouvoir, une couronne de laurier, ou s’imagine t-il, la tunique du prétendu messie. Imbu de lui-même, il ne perçoit pas qu’il se coupe petit à petit de son peuple. Il s’amuse des petits jeux de Messaline au détriment de son oncle, et y participe en nommant Démétrius tribun, suite à ses exploits dans l’arène. Il ignore alors que la fin de son règne proviendra de cet homme et de cette foi en un dieu unique et en son fils.

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Les Gladiateurs appartient à la frange biblique du péplum. Cependant, Delmer Daves se refuse à rendre compte de la persécution des chrétiens et préfère se limiter aux doutes qui habitent son personnage principal, tout en nous immergeant dans le monde si particulier des gladiateurs, esclaves voués à amuser le peuple au péril de leur vie. Dans ce milieu, les sentiments n’ont pas leur place. Le gladiateur ne peut recouvrer sa liberté que s’il fait preuve de bravoure au combat, ce qui induit le mort de plusieurs de ses pairs. Dans cet univers, la présence d’un homme qui refuse de tuer son prochain amuse plus qu’elle n’émeut. Ici, point de prise de conscience, pas d’idée de révoltes, ni même de solidarité (ou alors, seulement de manière isolée). Les gladiateurs dépeints se satisfont de leur condition, profitent des orgies qu’on leur organise à la veille de chacun de leurs combats et tentent d’oublier la mort qui plane inlassablement au-dessus de leur tête. Un chrétien parmi eux garantit un combat gagné d’avance à celui qui aura la chance de l’avoir comme adversaire, rien de plus. A la fin du film, les gladiateurs bénéficient du même statut qu’au début. Ils ne servent qu’au bon plaisir du peuple en tant que distraction. Pour nous autres téléspectateurs, leurs joutes jouent un rôle analogue. Elles constituent les passages spectaculaires d’un film qui aurait tout eu du pensum s’il s’était contenté du seul combat intérieur de Démétrius. Hormis une âpre opposition entre Démétrius et des tigres, les combats se révèlent assez pauvres cinématographiquement parlant, la mise en scène manquant d’ampleur alors que la musique gagne en emphase. Pourtant, le film reste agréable à suivre par la grâce d’amusants dialogues et du jeu tellement limité de Victor Mature qu’il en devient délectable. Et puis, on n’est pas obligé d’être chrétien pour savoir pardonner à son prochain.

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