CinémaWestern

Les Chasseurs de scalps – Sidney Pollack

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The Scalphunters. 1968

Origine : Etats-Unis
Genre : Western décontracté
Réalisation : Sidney Pollack
Avec : Burt Lancaster, Ossie Davis, Telly Savalas, Shelley Winters…

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Satisfait de sa chasse, le trappeur Joe Bass s’apprête à regagner la civilisation pour écouler son stock de fourrures. En chemin, il est intercepté par des indiens Kiowa qui convoitent avidement sa marchandise. Toute résistance étant vouée à l’échec, il est contraint d’accepter le marché que les Kiowa lui proposent : sa cargaison en échange de Joseph Lee, un esclave noir récemment capturé. Têtu, Joe Bass veut récupérer son bien et part à leur poursuite, s’accommodant tant bien que mal de la présence de Joseph. Son entêtement l’amène à affronter des chasseurs de scalps, nouveaux propriétaires des fourrures, et entre les mains desquels Joseph est malencontreusement tombé.

A partir des années 60, le western amorce son déclin qui est plus d’ordre quantitatif que qualitatif. Son âge d’or est passé, et avec lui, ce sont tous les westerns de série B qui disparaissent totalement. Pourtant, le genre intéresse toujours les cinéastes, sauf que ceux-ci s’inscrivent davantage dans une mouvance démystificatrice, que dans le servile respect de ses stéréotypes. Les cinéastes qui bâtissent l’essentiel de leur carrière en mettant en scène des westerns tendent à disparaître au profit de réalisateurs issus de tous horizons. C’est le cas de Sidney Pollack qui a débuté sa carrière à la télévision en se spécialisant dans les dramatiques. Pour sa première incursion dans le western, il opte pour un ton humoristique teinté d’espérance qui contraste avec la vision désenchantée et morbide de bon nombre de ses pairs, Sam Peckinpah en tête.

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Les Chasseurs de scalps peut se résumer en une longue course-poursuite qui se nourrit du fort entêtement de Joe Bass. Solitaire, il ne cherche noise à personne et, juste retour des choses, il souhait qu’on le laisse tranquille. Il n’est pas du genre à se plaire au sein de la civilisation qu’il ne fréquente que pour améliorer son ordinaire (whisky et femmes). Il ne fait qu’un avec la nature qu’il connaît par coeur, ce qui le rapproche des indiens et explique qu’il en connaisse le langage. Mais la vie en tribu ne lui sied guère, il tient trop à son indépendance pour consentir à de tels sacrifices. Tout le film se joue sur son terrain, Sidney Pollack choisissant de dérouler son récit uniquement en espaces naturels. Toutefois, il ne cherche jamais à magnifier les paysages comme il le fera quelques années plus tard pour Jeremiah Johnson. Pour récupérer son bien, Joe Bass se mue en véritable Rambo avant la lettre. Il se fond dans le décor, attend le moment propice pour agir et, lorsqu’il le faut, fait usage de la force avec habileté et précision. Il représente une menace constante qui plane au-dessus de John Howie et de sa bande, une menace autant invisible qu’imprévisible. Dans la défroque du trappeur, Burt Lancaster retranscrit à merveille toute la détermination qui anime son personnage. Il est à des lieues des personnages bouffis de suffisance qu’il a pu interpréter par le passé, et l’humilité dont fait preuve son personnage le rend particulièrement attachant. Cette reconquête de la marchandise volée donne son impulsion au récit, le sous-tend mais n’en constitue pas l’unique intérêt. Sidney Pollack choisit de se focaliser essentiellement sur trois hommes : Joe Bass, donc, mais aussi Joseph Lee et John Howie, le chef des chasseurs de scalps. Comme le trappeur, ces deux personnages se caractérisent par leur attitude butée. Joseph Lee tranche à plus d’un titre avec les autres protagonistes, d’une part de façon évidente, du fait de la couleur de sa peau et de son statut d’esclave et, d’autre part de manière inédite, du fait de ses bonnes manières et de son érudition. Au milieu de tous ces rustres croisés dans ces contrées désertiques, il dénote en déclamant du latin et en évoquant l’Antiquité. Nous sommes bien loin de l’image habituelle de l’esclave, qui nous est généralement dépeint soit docile, soit révolté. Joseph Lee n’est pas fou, il désire plus que tout se débarrasser de ce statut misérable. Pour cela, il lui faut gagner le Mexique, pays où l’esclavage est interdit. Patient et intelligent, il assume son statut avec malice en attendant de parvenir à ses fins. L’humour du film naît essentiellement de ses échanges avec Joe Bass ou John Howie. Ossie Davis campe son personnage avec une sorte de détachement amusé qui n’est pas sans rappeler le rôle qu’il a tenu dans le mémorable La Colline des hommes perdus. On retrouve son aisance à alterner les registres, aussi convainquant dans les moments légers que lors des scènes plus graves. Quant à John Howie, tout chef qu’il soit, il n’en demeure pas moins un grotesque personnage, facilement manipulable, ce dont ne se privent ni Joseph, ni la copine de John. C’est un homme fier que Sidney Pollack n’hésite pas à tourner en ridicule. Telly Savalas se met au diapason de ses camarades et réussit à rendre son personnage sympathique, sans pour autant lui ôter toute dangerosité. Et puis il pouvait bien se permettre de jouer ce méchant bouseux, sachant que l’année suivante l’attendait le rôle autrement plus classieux de Blofeld dans Au Service secret de sa majesté.

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Film bon enfant, Les Chasseurs de scalps se veut plein d’espoir. La main tendue de Joe Bass à l’intention de Joseph Lee à la fin du film pourrait être celle d’une nation toute entière prenant enfin compte de ses minorités et les considérant comme son égal. La longue bagarre qui oppose les deux hommes amène à cette interprétation. Joe et Joseph se rendent coup pour coup pour finalement terminer épuisés et couverts de boue, pour le plus grand amusement des indiens. Blanc comme noir, tous savent se rendre ridicules avec un égal savoir faire. Il n’est alors plus question ni de couleur de peau, ni de statut social, juste de deux hommes qui ont appris à s’estimer et qui, désormais, marchent dans la même direction. Les Chasseurs de scalps n’a rien d’ “un des plus grands classiques du cinéma western” comme s’en vante la jaquette, mais il fait incontestablement passer un bon moment.

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