CinémaComédie

Harvey – Henry Coster

harvey

Harvey. 1950

Origine : Etats-Unis
Genre : Comédie
Réalisation : Henry Koster
Avec : James Stewart, Josephine Hull, Peggy Dow, Charles Drake…

Parce qu’elles ne supportaient plus de voir leur vie sociale et mondaine entravée par lui, une femme d’âge mur et sa fille décident de faire interner en asile celui qui est respectivement pour eux leur frère et leur oncle : Elwood P. Dowd. Car celui-ci vit en permanence comme si il était accompagné d’un lapin de deux mètres nommé Harvey, à qui il parle en tant qu’ami et qu’il souhaite ardemment présenter aux gens…

Comédie réputée adaptée d’une pièce de théâtre ayant obtenu le prix Pulitzer en 1945, Harvey est un film qui ne dépareille pas dans la filmographie de James Stewart, alors toujours associé aux comédies sociales de Frank Capra. Le message du film ainsi que sa tonalité en reprennent les grandes lignes et oppose une société aisée, superficielle, foncièrement hypocrite et élitiste à un personnage de marginal qui de son côté n’éprouve pas une once de mépris et de mauvais sentiments. Elwood, bénéficiant de la présence de Harvey, est ainsi un homme riche, mais qui pourtant passe son temps à rechercher la présence de ses semblables, quels que soit leur niveau social, s’intéressant à eux, leur parlant de leur vie et voulant les présenter à Harvey, ce qui bien sûr pose grand problème, puisque Harvey n’est visible de personne. Même pas du spectateur : Stewart doit ainsi passer tout le film à parler à du vide et à agir comme si il était accompagné. L’acteur se sort plutôt bien de cette difficulté, et même si son jeu corporel est toujours le même (regarder en l’air, céder le passage, accompagner son ami par un geste de la main..), il rend tout à fait crédible la présence d’Harvey. A tel point que l’on se prend à croire nous aussi à l’existence du pooka (un esprit mythologique celte prenant la forme d’un animal et apparaissant uniquement à certaines personnes). La fin du film viendra répondre sans ambiguïté à la question de savoir si oui ou non Harvey existe réellement. Mais peu importe, après tout, puisque rien que le fait de croire en lui permet à Elwood de passer pour une personne totalement saine et généreuse, à mille lieu du fou psychopathe que sa sœur tente de placer à l’asile. Ce qui, et c’est là un élément très théâtral, conduira les médecins à croire que le fou n’est pas Elwood, mais bel et bien sa sœur (Josephine Hull, déjà dans la pièce originale et qui pour le film reçu un Academy Award), qui tenta de prouver la folie de son frère en se livrant à une scène d’hystérie pure et simple. De là naîtra donc un malentendu duquel partira toute l’intrigue, avec ses quiproquos, ses allers et venues, ses personnages de médecins trop matérialistes et ses histoires d’amour nées justement grâce à la recherche de Elwood et de son lapin géant.

Dans le processus, l’humour aura bien entendu une énorme place et permettra à la fois de condamner ceux qui ont eux-même condamnés Harvey pour des raisons purement moralisatrices et plutôt coincées (la respectabilité d’une vie mondaine toute en apparences s’en prend ainsi plein les dents), totalement opposées à la soit-disante folie d’Elwood, qui n’est d’ailleurs pas franchement discutable (surtout qu’il demeure une certaine ambiguïté sur l’alcoolisme du personnage), mais qui fait en tout cas de lui quelqu’un de bon, d’attentionné et ouvert d’esprit. Harvey apparaît donc comme un ami influent, dont l’existence, une fois admise, ouvre un tout autre monde aux personnages. Un monde idéaliste, ou l’esprit d’arrivisme n’existe plus et où les préjugés s’écroulent. C’est ainsi que dans son sillon se créeront beaucoup d’amitiés et que même les esprits les plus obtus devront se plier à un mode de vie plus tolérant. La force du film est justement de laisser le choix aux personnages, et de ne pas leur imposer quoi que ce soit. C’est pourquoi le personnage campé par Stewart ne sera jamais véhément contre ses apparents ennemis. Il ne se rendra d’ailleurs même pas compte qu’on lui veut du mal. Naïf et fou, peut-être, mais le film juge qu’une telle folie est mille fois préférable à la société dans laquelle la soeur et la nièce d’Elwood tentent de s’imposer. Du reste, certains personnages antipathiques au départ retourneront progressivement leur veste, et en décidant de croire en Harvey, se laisseront aller à davantage de rêve et de fantaisie (le psychiatre en chef sera ainsi psychanalysé par Elwood !). La scène la plus importante du film se déroulera à l’extérieur d’un bar, lorsque Elwood, momentanément séparé de Harvey, expliquera sa rencontre avec son ami pooka aux médecins qui le recherchait. C’est en tout cas celle qui démontrera le mieux l’impact d’Harvey sur les personnalités…

Harvey est un excellent film, une excellente comédie dotée d’une vision sociale pertinente, flirtant avec un fantastique léger, qui ne prend jamais le pas sur les vrais objectifs du film (et pourtant il aurait été aisé de faire du lapin tout le centre du film), un peu à l’instar de La Vie est belle de Capra. James Stewart lui-même considéra d’ailleurs le rôle de Elwood P. Dowd comme l’un de ses tout meilleurs, et le reprendra une nouvelle fois en 1970 pour la ressortie de la pièce de théâtre à Broadway.

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