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Interview d’Ivan Mitifiot, co-créateur du ciné-club Strawberry Films Forever

Ça bouge à Lyon !

interviewivanmitifiot1Interview d’Ivan Mitifiot,
Co-créateur du ciné-club
Strawberry Films Forever,
à l’occasion de la projection de
The Wicker Man le Jeudi 22 septembre à 20h au Cinéma Opéra, à Lyon.

Propos recueillis par Bénédict Arellano en septembre 2011.

Depuis que je me suis intéressé au cinéma, j’ai toujours ressenti comme un manque. Je ne comprenais pas que la ville des frères Lumière, inventeur du cinématographe, n’abrite pas un festival de cinéma digne de ce nom. Par digne de ce nom, j’entendais festival prestigieux dans la lignée de ceux de Berlin, Cannes, Venise voire Deauville dont on nous rabat les oreilles chaque année. Par la suite, j’ai compris qu’un festival réussi ne se jaugeait pas à l’aune des noms ronflants qu’il parvient à attirer. Et j’ai aussi compris que Lyon fourmillait de grands raouts cinématographiques, certes plus confidentiels, mais à dimension plus humaine et à l’ambiance chaleureuse. Je pense notamment aux Reflets du cinéma ibérique et latino-américain, qui compte à ce jour 27 éditions, ou au festival du cinéma asiatique Asian connection (ex festival cinémas et cultures d’Asie). Et depuis trois-quatre ans, Lyon voit émerger de toutes parts une offre aussi considérable que très diversifiée en nouveaux rendez-vous cinématographiques, arguant d’une réelle envie de cinéma chez les gones et proches voisins.
Strawberry films forever participe de cette effervescence, se proposant une fois par mois de nous faire découvrir un fleuron du cinéma britannique. Et quel fleuron pour démarrer ! Nul autre que le génial et envoûtant
The Wicker man de Robin Hardy, sorte d’heureux accident qui aurait pu à tout moment sombrer dans le ridicule et qui au contraire se maintient dans un parfait équilibre mêlant l’excentricité à l’anglaise à un discours intelligent sur le fanatisme quel qu’il soit. Mais il est maintenant temps de faire plus ample connaissance avec ce nouveau rendez-vous, appelé à un bel avenir, en compagnie de Ivan Mitifiot, l’un de ses créateurs.

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A but introductif, pourriez-vous revenir sur les origines de Strawberry films forever ?

Ce nouveau ciné-club est né de la rencontre de trois cinéphiles fous qui ont en commun la passion du cinéma britannique : Homero Vladimir Arellano, programmateur au festival “Reflets du cinéma ibérique et latino américain de Villeurbanne”, Tanguy Thévenot, étudiant en cinéma et bénévole sur le Festival Lumière et moi même, coordinateur du Festival Écrans Mixtes. Quand un jeune de 21 ans comme Tanguy nous parle pendant des heures de Colonel Blimp d’Emerich Pressburger et Michael Powell, ou qu’un cinéphile d’une autre génération comme Homero nous parle avec passion de Christopher Lee, croyez moi, ça donne envie réaliser de grandes choses avec eux. Et enfin, saluons l’engagement du directeur du Cinéma Opéra, toujours partant pour de nouvelles initiatives cinéphiles.
Cette initiative est surtout née d’un amour pour le cinéma britannique. Le cinéma britannique est d’une richesse insoupçonnée. De Tony Richardson à Derek Jarman, de Cavalcanti en passant par Karel Reisz ou David Lean, il a su s’inscrire dans tous les genres du cinéma : le drame social, le film policier, la comédie, le fantastique, le film historique, en se renouvelant sans cesse. Il s’agit d’un cinéma doté d’une incroyable capacité à se régénérer, toujours avec une attention profonde portée sur la réalité de son époque. Nous rêverions de montrer des films comme Rapt de Michael Crichton (1952) avec Dick Bogarde, ou A Taste of Honey (1961) de Tony Richardson.
Les séances se dérouleront le troisième jeudi de chaque mois au Cinéma Opéra.
Nous considérons que Le Cinéma Opéra est encore une des dernières terres d’expérimentation à Lyon. Beaucoup de festivals font leurs premières armes dans ce cinéma douillet, rassurant, ce cinéma qu’un spectateur du Festival Écrans Mixtes a un jour qualifié de “cinéma ventre”.

Au sein de l’offre de plus en plus importante en ce qui concerne la diffusion de films dits “du patrimoine”, en quoi votre démarche se démarque t-elle ?

Cette démarche est la même que celle qui nous a poussé à créer Écrans Mixtes : proposer autre chose, susciter éveil, curiosité, mais aussi réflexion, émotions, tout en soulevant des questions de société. Le cinéma est un art mais aussi un moyen d’expression. Le cinéma vit par ceux qui le font, et par ceux qui désirent le montrer. L’offre patrimoine a beau être très large à Lyon, personne n’a encore montré The Wicker Man ! Preuve est qu’il y a de la place pour tout le monde. Si les gens continuent d’aller au cinéma, c’est que la société se porte bien !

Se cache t-il derrière ce nouvel événement une volonté d’éduquer le spectateur, dans le sens l’ouvrir à des films moins évidents d’accès ? A ce titre, le choix d’ouvrir ce ciné-club par The Wicker man, film inclassable s’il en est, est éloquent…

Le but d’un ciné-club ou d’un festival est de proposer autre chose. Il doit découler d’une envie de montrer ou de remontrer des films qu’on n’a jamais vus, ou des films que l’on ne peut plus voir.
On voulait démarrer ce cycle dédié au cinéma “made in Britain” avec un film qui exprime avec éclat la particularité et la singularité de la culture britannique. Ce film est autant anglais que L’Atalante est français. Nous étions séduits aussi par l’idée de montrer au public qu’un film classé dans la catégorie fantastique (alors que le film est tout simplement inclassable), méritait son statut de chef d’œuvre et de classique. Enfin, le film est inédit à Lyon. Nous allons pouvoir voir ou revoir The Wicker Man dans une salle de cinéma !
The Wicker Man est un cas d’école de chef d’œuvre maudit. Incompris de ses producteurs, du public, il a été invisible pendant 25 années, ce qui fait que le film n’a jamais été copié et garde encore aujourd’hui intact son pouvoir de fascination.

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Depuis 1995, le festival Ciné O’clock au Zola consacre une semaine au cinéma britannique et irlandais. Comment va se situer Strawberry films forever par rapport à cet événement voisin ? Peut-on imaginer une collaboration entre vous ou, au contraire, souhaitez-vous vous poser en alternative, notamment en créant plus de liens avec les spectateurs ? Je pense notamment à des débats à l’issue des séances…

Ciné O’clock, a le mérite d’exister. Les spectateurs auront le loisir de se rendre à ces deux manifestations bien différentes et complémentaires.
Il n’y a pas de films anciens et de films récents. Il y a tout simplement des films. Nous trouvons très intéressant de proposer une programmation patrimoine dans une salle de cinéma généraliste. L’Institut Lumière mis à part, il manquait à Lyon un lieu pour débattre et échanger autour de Karel Reisz, de Tony Richardson, de Michael Balcon ou Christopher Lee ! Parce que le cinéma est une expérience collective, chaque séance sera accompagnée d’une présentation et d’un échange avec le public à l’issue de la projection.

Le cinéma britannique est particulièrement riche en films injustement méconnus. Je pense notamment à Enfants de salauds de André de Toth (1968) ou La Vallée perdue de James Clavell (1970). Je m’avance un peu mais peut-on espérer la diffusion de ce genre de pépites, si tant est que le public soit au rendez-vous, bien sûr ?

Je crois, cher Benedict, qu’avec cette dernière question, vous venez de passer votre entretien pour faire partie de l’équipe de programmation de Strawberry Films Forever !!
Il y a la programmation que l’on rêve, et celle que l’on peut réaliser ! Travailler sur le patrimoine relève plus de l’archéologie que d’autre chose. Les films s’abîment, les ayants droits se succèdent et rechercher des copies exploitables, relève très souvent du parcours du combattant. Il faut ensuite négocier avec les ayants droits, réaliser un budget pour chaque séance en essayant d’équilibrer au mieux le coût d’une soirée. Vous voyez que c’est un travail de passionnés !
Je me souviens d’une rétrospective passionnante de Karel Reisz à l’Institut Lumière qui avait fait naître en moi une volonté d’approfondir toujours plus ma connaissance du cinéma britannique. C’est là que je me suis découvert une passion pour le “Free cinema”, la nouvelle vague du cinéma anglais. Nous espérons que cette nouvelle initiative, toujours poussée par l’amour du cinéma, suscitera également de la curiosité chez les spectateurs.

Heureux d’apprendre que j’aurais un point de chute dans le cas où mes collègues de Tortillafilms ne toléreraient plus ma présence… Et pour être complet sur le sujet, voici, amis lecteurs, tout ce qu’il faut savoir pour ne pas passer à côté de cet événement !

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Prochaines projection du ciné-club Strawberry Films Forever
The Wicker Man de Robin Hardy avec Christopher Lee (1973)
Jeudi 22 septembre à 20h au Cinéma Opéra

Breakfast On Pluto de Neil Jordan, avec Cillian Murphy et Liam Neeson (2005)
Jeudi 20 octobre à 20h au Cinéma Opéra

Cinéma Opéra
6 Rue Joseph Serlin, Lyon 1er
Tarif pour chaque séance :
Plein tarif : 6,50 €.
Tarif réduit : 5,50 €
Chèques Grac acceptés.

strawberryfilmsforever.blogspot.com

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