Histoires fantastiques 2-08 : La Mauvaise tête – Robert Zemeckis
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Amazing Stories. Saison 2, épisode 8
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Enseignant en lettres classiques, le professeur B.O. Beanes ne ménage pas ses élèves qu’il considère comme invariablement médiocres. Jamais avare en sentence humiliante, il tente de faire un exemple en mettant Peter Brand au supplice aux yeux de tous, coupable d’avoir bêtement recopié le devoir de sa camarade Cynthia Simpson. Cette dernière en a marre de ce professeur tyrannique. Elle souhaite lui jeter un sort, lui faire subir la malédiction du dalkite (drakkar dans la version française – sic) qui inflige à sa victime un puissant hoquet. Pour cela, elle demande à Peter de l’assister. Rendez-vous le soir-même à 23 heures, direction le cimetière de la ville. Car au milieu de tous les ingrédients nécessaires, le plus important réside dans l’apport du doigt d’un membre de la famille de la personne ciblée. En récupérer un n’est pas chose aisée mais Peter y parvient, au prix de nombreux efforts, au moment fatidique des 12 coups de minuit. Il ne leur reste plus qu’à vérifier la réussite de l’opération. Sauf qu’arrivés chef le professeur, il découvre son corps inanimé sur le sol. L’auraient-ils tué ?
Voir le nom de Robert Zemeckis au générique d’un épisode de la série Histoires fantastiques relève d’une logique implacable, sa carrière étant depuis ses débuts liée à celle de Steven Spielberg. Robert Zemeckis fait partie de ses nombreux poulains. Crazy Day et La Grosse magouille, ses deux premiers films, ont pu compter avec son nom au générique en tant que producteur exécutif. Et si Spielberg n’a pas toujours conservé un lien fort avec les jeunes réalisateurs dont il a accompagné les premiers pas, il en va tout autrement avec Robert Zemeckis qui a contribué au rayonnement du studio Amblin en réalisant Retour vers le futur. Sa contribution à la série bénéficie donc d’une place de choix, La Mauvaise tête faisant partie des épisodes choisis pour former l’anthologie dédiée à une exploitation en salles aux côtés de La Mascotte et de Papa momie. Un épisode plus long que la moyenne (Zemeckis aime bien s’octroyer cette liberté comme en attestera l’épisode Trouillard qui clôture la saison 3 des Contes de la crypte) qui dans sa version cinéma s’ouvre par un long extrait d’un film avec Vincent Price. Une citation qui vaut note d’intention. Robert Zemeckis joue ouvertement la carte d’une horreur gothique avec son cimetière embrumé et la bâtisse imposante du professeur qui ne jurerait pas dans une histoire de maison hantée.
En ce sens, sa démarche rejoint celle de Tom Holland pour Vampire… vous avez dit vampire ?. Confronter la jeunesse des années 80 à des mythes ou univers ancrés dans l’imaginaire collectif. Ici il est question de magie noire dont la formule s’écoute en passant un disque vinyl des Blood Sausage à l’envers mâtiné d’un soupçon de la légende du cavalier sans tête. Difficile également de ne pas penser au Dr. Hill, la némésis de Herbert West dans Re-Animator, lorsque la tête coupée se dispute avec son corps. Dans un registre nettement plus familial, cependant. Car si la vision d’une tête coupée tenue à bout de bras par le propre corps du décapité peut légitimement susciter des cauchemars chez les plus jeunes spectateurs, le ton de La Mauvaise tête n’est pas à l’horreur pure. Robert Zemeckis lorgne plus ouvertement du côté du cartoon où toutes les excentricités sont permises, conférant à son professeur à la tête plus vraiment sur les épaules des airs de Sylvestre ou de Tom, ces chats malheureux qui s’en prenaient plein la figure dans les dessins animés. Christopher Lloyd interprète son tyrannique professeur tout en démesure, grimaçant à outrance et éructant à la moindre occasion. Face à lui, Peter et Cynthia ne sont pas en reste. C’est presque à celui qui criera le plus fort. En résulte un épisode éreintant dans sa soif de démesure qui ne propose finalement rien d’autre que sa construction en mode train fantôme. A ce titre, Peter est de ces adolescents comme il y en avait pléthore sur les écrans durant les années 80, même au sein de la série (cf. Un vrai cauchemar), fan de films d’horreur au-delà de l’imaginable (son combiné téléphonique sort tout droit d’un magasin de farces et attrapes) et vivant presque en autarcie. De sa mère, on n’entendra que la voix. Sa maison se résume à sa chambre par la fenêtre de laquelle il rentre et il sort, ne s’embarrassant pas de vie familiale. Il ne vit que pour Cynthia pour laquelle il se dévoue tout entier, quitte à se faire punir à sa place. Au moins, cette folle nuit lui aura permis d’avoir un peu d’intimité avec l’objet de toute ses attentions.
La Mauvaise tête n’a rien gagné à durer plus longtemps que la moyenne des épisodes de la série, bien au contraire. Toutefois, il demeure intéressant pour ce qu’il annonce de la suite de la carrière de Robert Zemeckis. S’y télescopent un certain goût pour l’humour noir et le macabre (dans le domaine, il s’en donnera à coeur joie en participant à l’aventure des Contes de la crypte) et un style cartoonesque qu’il déploiera de manière plus frontale dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? et La Mort vous va si bien. Il se sera servi de la série comme d’un terrain d’expérimentations, un test grandeur nature pour des projets qui lui tiendront plus à coeur.