Masters of Horror 2-07 : La Guerre des sexes – Joe Dante
Masters of Horror. Saison 2, épisode 07The Screwfly Solution. 2006.Origine : États-Unis
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Aux côtés de John Carpenter, Tobe Hooper, Stuart Gordon ou encore Dario Argento et John Landis, Joe Dante fait partie des grands noms sur lesquels s’est développée la série à remettre le couvert lors de cette seconde livraison des Masters of Horror. Il peut même s’enorgueillir d’avoir réalisé avec son segment Vote ou crève le meilleur épisode de la première saison. Auréolé de cette réussite, il n’est pas peu dire que ce nouvel épisode de son crû était très attendu.
Un curieux virus s’abat sur les États-Unis : dans plusieurs états, les hommes sont pris d’une folie homicide à l’égard des femmes. Très vite, le gouvernement tente de prendre les choses en main -notamment en faisant appel à des épidémiologistes- mais rien ne parvient à endiguer la propagation du virus qui s’étend bien au-delà du sol américain. Alan, l’un des épidémiologistes contactés par le gouvernement, sent que la situation leur échappe. Il s’empresse de prévenir son épouse pour qu’elle se mette à l’abri en compagnie de leur fille, car très bientôt, il deviendra lui-même une menace pour sa famille.
Pour son deuxième épisode des Masters of Horror, Joe Dante troque le pamphlet politique de Vote ou crève pour une attaque en règle du machisme. En voulant être percutant, le titre français résume assez mal l’affaire dans la mesure où de guerre, il n’en est nullement question ici. Les femmes sont les pauvres victimes d’un génocide organisé par la force dominante -les hommes- sans qu’elles ne puissent à aucun moment s’organiser pour se défendre, la faute à des autorités bien peu enclines à révéler la véritable teneur de ces tueries. Et quand bien même l’auraient-elles pu que le résultat aurait été le même, les hommes étant à la tête des principaux organes du pouvoir et, par conséquent, disposant d’une force de frappe bien supérieure. Dans la première partie, Joe Dante multiplie les scènes d’agression, à la fois pour poser les bases de son récit mais aussi pour rendre compte de l’extrême vulnérabilité des femmes dans ce monde de brutes. Le malaise naît de cette espèce d’impunité dont semblent jouir les hommes au moment d’accomplir leurs forfaits : c’est cet homme qui a tout le temps de s’acharner à coups de couteau sur cette pauvre stripteaseuse avant que quelqu’un n’intervienne ; ou encore ce steward qui, excédé par les cris d’une passagère, lui rompt le cou sous les remerciements et la totale indifférence des autres passagers. Tout concourt à réduire à néant la gent féminine, et par extension l’humanité dans son intégralité. En prenant des scientifiques comme personnages principaux, Joe Dante semble vouloir s’orienter vers une approche plus sérieuse et crédible de son récit. C’est qu’il est quand même question, à terme, de l’extinction de la race humaine ! Or, Joe Dante manie l’ironie comme personne et il serait impensable qu’il s’en prive, et nous avec. Ainsi, il n’hésite pas à donner un aspect religieux à son histoire. Tous les hommes qui se sont rendus coupables de meurtres à l’encontre de femmes disent la même chose : le seigneur leur a ouvert les yeux et leur a accordé son pardon en les purifiant. Réduire la gent féminine à néant devient un acte divin dont le but est de corriger le péché originel perpétré par Eve, cette vile pécheresse qui en soumettant Adam à la tentation a mis en péril tout l’avenir de l’humanité. Une bonne partie de la population se transforme alors en fous de dieu, tuant sans relâche et sans le moindre remord épouses, filles, mères, grand-mères… La justification divine de certains meurtres mis en parallèle avec l’explication scientifique que Alan donne de ces événements (en gros, les hommes seraient victimes d’une enzyme qui perturberait durablement leur instinct sexuel, transformant leur désir en agressivité) oriente l’épisode dans la satire d’une société par trop puritaine. Davantage qu’une réponse à un appel divin, ces meurtres témoignent du profond désir éprouvé par ces hommes qui se veulent si vertueux. Leur croyance nouvelle ne leur sert que de paravent à l’assouvissement de leurs pulsions les plus inavouables. Et Joe Dante de se moquer du puritanisme de ses contemporains, source de trop de frustrations et bien souvent mère d’actes répréhensibles.
A l’origine, Joe Dante souhaitait développer ce scénario pour le cinéma mais aucun producteur n’a voulu financer le projet. Dommage, car le format contraignant d’un épisode de série télé ne rend pas justice à l’ambition d’un tel sujet. Format court oblige, Joe Dante ne peut rendre compte de l’ampleur de l’holocauste avec moult détails (quoiqu’il se sert habilement des médias pour contourner cette contrainte) et décide donc de se concentrer sur une poignée de personnages. L’ennui est que s’il parvient à poser efficacement les bases de son récit, celui-ci perd d’un coup tout intérêt lorsqu’il se concentre sur la survie de l’épouse de Alan, présentée comme l’une des dernières (la dernière ?) survivantes à l’éradication des femmes. La faute au manque de crédit du personnage en question, pas assez fort pour que son calvaire nous émeuve. Après avoir brassé beaucoup de thèmes durant la première partie (la peur du terrorisme, incontournable depuis le 11 septembre ; la détérioration par l’homme de l’environnement ; le féminisme), Joe Dante laisse tout en suspend pour clore son épisode sur un mode survival qu’il ne maîtrise guère, et se hasardant même à nous fournir une explication à base d’extraterrestres qui ne nous convainc pas davantage.
La Guerre des sexes est un épisode inégal et finalement décevant de la part d’un réalisateur qui paraît s’être perdu en cours de route. Peut-être s’est-il senti trop seul, cet épisode ne comptant pas un seul (à ma connaissance) de ses collaborateurs habituels (acteurs comme techniciens), et qui plus est, dénué de ses habituelles références cinématographiques. Tout au plus peut-on voir dans ces gros plans sur la neige des écrans de télévision, un clin d’œil à la série Au-delà du réel, bien que leur présence soit avant tout justifiée par les coupures publicitaires.