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Masters of Horror 2-04 : Un son qui déchire – Brad Anderson

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Masters of Horror. Saison 2, épisode 04
Sounds like. 2006

Origine : Etats-Unis / Canada
Genre : Horreur
Réalisation : Brad Anderson
Avec : Chris Bauer, Laura Margolis, Richard Kahan, Michael Daingerfield…

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Larry travaille en tant que responsable qualité d’un centre d’appel d’aides informatiques. Depuis la mort de son fils unique, il promène avec lui une profonde tristesse qui contribue à le renfermer un peu plus chaque jour. De surcroît, il a développé une ouïe particulièrement affinée qui lui rend le moindre bruit insupportable. La folie le guette.

Plus encore que lors de la première saison, cette seconde livraison des Masters of horror fait office de consécration pour bon nombre de réalisateurs qui, s’ils ont effectivement œuvré au moins à une reprise dans le fantastique, ne comptent pas parmi les plus représentatifs du genre. Pour Brad Anderson -qui doit sa présence au sein de cette seconde promotion au Machiniste (2004), un thriller à l’ambiance teintée de fantastique porté par la performance physique de Christian Bale- intégrer les Masters of horror constitue une sorte de retour aux sources, lui dont la carrière est jusqu’à présent davantage passée par la petite lucarne que par le grand écran. Sa contribution à la série –Un Son qui déchire– partage d’ailleurs énormément de similitude avec Le Machiniste en se concentrant lui aussi sur un personnage central torturé par la culpabilité (insidieuse dans le cas de Trevor Reznik, plus prégnante dans celui de Larry).

Avant même de développer son incroyable ouïe, Larry vivait déjà dans son propre univers. Sur le plan professionnel, son poste de responsable qualité l’isole dans un bureau qui surplombe les dizaines d’opérateurs dont il est chargé de suivre la moindre communication téléphonique. A charge pour lui de détecter les opérateurs qui manquent de respect à la clientèle en usant d’un ton par trop cassant ou péremptoire. Ces opérateurs sont là pour dispenser leur aide, et non pour rabaisser leurs interlocuteurs. Les oreilles de Larry représentent son principal outil de travail, et ce n’est pas anodin que le mal qui le ronge se manifeste via ses tympans. C’est symptomatique du profond mal être qui s’empare de lui au moment où la santé de son garçon décline. Il en résulte un profond rejet du monde qui l’entoure. Il ne supporte plus cet environnement duquel son fils a été si brutalement écarté. Il n’aspire plus qu’au calme, au silence. Un silence si profond qu’il s’apparente à la quiétude de la mort. Au fond, Larry n’a plus la force de vivre, plus la force de supporter son épouse qui, pour pallier l’absence de leur fils, se réfugie dans des envies de maternité très poussées. Plus son ouïe se développe, plus celle-ci capte les sons les plus imperceptibles, et moins Larry écoute ce que les gens lui disent. Son cerveau n’est plus qu’un maelström de sons divers dont émerge encore quelques fois le son audible d’une voix humaine, lui rappelant sa condition. Son cœur souffre de l’absence de son fils lorsque son cerveau souffre du trop plein de bruit. A force de trop se renfermer sur lui-même, il en oublie d’exprimer par des mots l’intense douleur qui l’habite. Les bruits qui l’assaillent avec violence ne sont que l’émanation de celle-ci. Brad Anderson traite de l’incommunicabilité de notre société par l’extrême. Pour peu que Larry et son épouse aient un jour formé un couple heureux et uni, depuis le décès de leur enfant, chacun vit dans sa bulle avec ses propres obsessions. Ils communiquent sans vraiment s’entendre et entretiennent vainement l’illusion d’un couple en s’attachant à maintenir un semblant de liant. Le dîner romantique se transforme en dialogue de sourd, et l’étreinte charnelle en passage obligé dénué de toute passion. Lorsque lui développe cette ouïe hyper sensible, elle, se découvre des dons quasi mystiques pour détecter le moindre enfantement. Néanmoins, tous deux se rejoignent dans ce même mouvement de repli sur soi et par l’apparition d’un don en tant que signe extérieur de cette douleur intérieure qui les a envahi. Autre signe d’incommunicabilité, le déjeuner que Larry propose à l’un de ses opérateurs de partager avec lui. Larry croit avoir décelé en cet homme une personne capable d’écouter, de prêter une oreille attentive aux malheurs d’autrui, et de faire preuve d’un minimum d’humanité. Pour la première fois depuis longtemps, Larry se sent bien avec quelqu’un. Il se laisse aller à la conversation et se surprend à vouloir organiser des projets de sorties avec cet homme. Pendant ce laps de temps, les bruits alentours s’estompent, et il retrouve un tant soi peu de quiétude. Mais tout cela n’est qu’un leurre. Larry ne partage pas vraiment, il se contente de s’écouter parler. Quant à son interlocuteur, il s’avère bien peu psychologue et considère ce monologue davantage comme une forme d’harcèlement sexuel que comme un appel de détresse. Et le sol de se dérober pour de bon sous les pieds de ce pauvre Larry, pris au piège d’une société aussi individualiste que méfiante.

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Brad Anderson tente de donner du sens à une histoire qui se réclame davantage du drame que de l’horreur. Il nous plonge dans le désespoir qu’engendre la mort d’un enfant, décrit ici comme le ciment du couple. L’enfant disparu, le couple se distend, s’ignore et finalement se détruit. Il retarde au maximum les effets chocs sans lesquels son épisode n’aurait pas pu briguer une place au sein de l’anthologie. Des effets chocs efficaces mais qui paraissent ici déplacés tant ils collent mal au propos du réalisateur, qui préfère s’appuyer sur la bonne prestation de son interprète principal, Chris Bauer. Il multiplie les gros plans et les zooms sur le visage de l’acteur pour capter au mieux ses moindres expressions et le moment où il sombrera pleinement dans la folie. Les autres personnages n’existent que pour ce qu’ils provoquent en lui, et pour bien illustrer son isolement progressif. Episode reposant entièrement sur le bruit, un énorme travail est accompli sur le son. Le moindre bruit est amplifié jusqu’au plus incongru comme celui provoqué par le clignement des paupières. D’ailleurs, pour plus d’efficacité, Brad Anderson aurait dû se passer de toute musique additionnelle qui en l’état ne fait que surligner le drame qui se joue au détriment de toute finesse. C’est sur ce point précis que le bât blesse. Pas plus inintéressant qu’un autre, le scénario de Un Son qui déchire pêche par son manque de légèreté. Tout est trop évident, trop outré, à l’image des crises de plus en plus fortes de Larry. Et puis l’histoire est par trop répétitive. Une fois la pathologie de Larry cernée, on se lasse de ses sautes d’humeur et des gros plans sur les divers objets source de bruit. Brad Anderson tourne rapidement en rond et ne parvient plus à capter notre intérêt au-delà du tiers du récit. Comme quoi, le personnage de Larry ne suffisait pas à porter seul tout le poids de l’épisode, et il aurait gagné à se voir épaulé par celui de son épouse, dont le développement de l’attitude post mortem aurait pu contribuer à apporter un éclairage différent et non moins intéressant. En l’état, Un Son qui déchire fait beaucoup de bruit pour rien.

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