Histoires fantastiques 1-12 : Vanessa – Clint Eastwood
Amazing Stories. Saison 1, épisode 12
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Byron Sullivan est un homme heureux. Artiste peintre, il dispose en Vanessa d’une charmante épouse doublée d’une muse, source d’inspiration intarissable et motif essentiel de ses toiles. En outre, son ami et promoteur Teddy lui a obtenu d’exposer ses œuvres dans une célèbre galerie de New-York. Malheureusement, le bonheur est une petite chose fragile qui peut s’effondrer en un éclair. Byron l’apprend à ses dépends, perdant sa femme lors d’un accident de calèche. Et avec elle, c’est tout son art qui s’évapore, l’artiste sombrant dans une profonde dépression et refusant de reprendre les pinceaux. Jusqu’au jour où, au détour d’un regard, il croit l’apercevoir dans le jardin…
Attention, épisode prestigieux ! Alors que pour la plupart des épisodes, Steven Spielberg se contentait d’initier l’idée de départ, ici, il se fend tout seul du scénario. Pour le mettre en images, il a obtenu rien de moins que le concours de Clint Eastwood, dont il s’agit de la première incursion à la télévision en tant que réalisateur. Et pour couronner le tout, c’est le grand Harvey Keitel, qu’on ne présente plus, qui incarne le personnage principal.
Tout ce beau monde s’est réuni pour un épisode au fantastique discret, presque désuet dans ses effets. Si ce n’était l’usage de la couleur, sans doute pour retranscrire au mieux le travail pictural du peintre Byron Sullivan, on pourrait aisément rapprocher cet épisode du cinéma fantastique des années 40, tout en suggestion et avec un minimum d’effets. Ce n’est pas la première fois que Clint Eastwood se confronte au fantastique mais c’est la première fois qu’il l’aborde de manière aussi directe. Jusqu’à présent, il laissait sciemment planer le doute sur la nature de mystérieux pistoleros mi vengeurs mi redresseurs de torts (L’Homme des hautes plaines – 1973, Pale Rider – 1985). Ici, même si les apparitions de Vanessa peuvent s’apparenter à des hallucinations, fruits de l’imagination d’un Byron inconsolable et totalement défait, elles n’en restent pas moins des visions purement fantasmagoriques et assumées comme telles. Mais ce n’est pas cela le plus important. Au-delà de leur portée fantastique évidente, ces apparitions appuient l’idée de la pérennité de l’art. Vanessa “revit” grâce et au travers des toiles de son époux. Sans elles, elle aurait sombré dans l’oubli, ce à quoi la profonde détresse de son époux la prédisposait, lui qui fou de douleur s’était empressé de brûler toutes ses toiles sur lesquelles elle apparaissait. Or l’une d’entre elles a échappé à son courroux, et par là même l’image de Vanessa, errant continuellement dans la fraîcheur du jardin, à l’endroit même où le tableau la représentait. Lorsqu’il comprend l’origine de cette apparition, le lien très fort qui les unissait de leur vivant se renforce encore par delà la mort, chacun se nourrissant l’un l’autre. Les actes de Vanessa dépendent désormais de l’imaginaire de Victor, ce dernier n’ayant jamais été aussi prolifique. Il devient plus que jamais l’auteur de sa propre vie, s’aménageant des moments complices avec sa défunte épouse à loisir. Série tout public oblige, Clint Eastwood nous épargne les nus et autres scènes charnelles que Byron ne manquera pas de peindre afin de profiter à nouveau pleinement de son épouse. Il s’en tient à une vision purement romantique des deux amants s’enlaçant au-dessus d’un piano. Tout aussi romantique est la présence de Sondra Locke dans le rôle de Vanessa. Alors compagne de Clint Eastwood, la comédienne tient souvent le premier rôle féminin dans ses films (Josey Wales, hors-la-loi, L’Épreuve de force, Le Retour de l’inspecteur Harry), marquant une réelle complicité entre les deux. De par son thème –l’amour éternel à travers l’art– Vanessa s’apparente à la plus belle preuve d’amour d’un cinéaste encore sous le charme.
On retrouve dans cet épisode toutes les qualités du cinéaste Clint Eastwood, notamment l’élégance et la sobriété de la mise en scène. Toutefois, compte tenu du thème abordé, cet épisode manque un tant soit peu de chaleur. C’est beau et plaisant à regarder mais plutôt désincarné. Sans être déshonorant, Vanessa demeure une parenthèse récréative au sein d’une filmographie qui, en ce milieu des années 80, s’apprêtait à prendre un nouvel envol.