Histoires fantastiques 1-01 : Le Train fantôme – Steven Spielberg
Amazing Stories. Saison 1, épisode 01
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Avoir décliné La Quatrième dimension au cinéma semble avoir donné des idées à Steven Spielberg qui dans la foulée s’est empressé de développer son propre projet pour la télévision. Amazing stories s’inscrit dans la grande tradition des anthologies fantastico-horrifiques dont la télé américaine est particulièrement friande, déclinaisons de ces histoires à faire frémir qu’on aime à se raconter au coin d’un feu. Le générique de Amazing stories illustre d’ailleurs cette évolution, s’ouvrant sur des Indiens assis autour d’un feu attentifs au récit de leur chef et se terminant sur les mêmes, mais vus cette fois par le prisme d’un écran de télévision. Ce générique a valeur de note d’intention de la part d’un Spielberg plus que jamais désireux de nourrir l’imaginaire des gens. Dans cette optique, la télévision demeure le moyen le plus sûr d’y parvenir. Il se lance donc dans l’aventure nanti d’un budget colossal (chaque épisode coûte une petite fortune) et en s’offrant le luxe d’avoir la garantie de tourner deux saisons, quelque soit l’audimat. Un malin ce Spielberg, puisque sa série ne suscitera pas un grand engouement. A la fois créateur, producteur et grand pourvoyeur d’idées de base de la série, Steven Spielberg se fend également de la réalisation de deux épisodes. Il y a tout d’abord le plus connu, La Mascotte, qui a bénéficié d’une sortie cinéma en France en compagnie de deux autres épisodes, et ce Train fantôme à qui il revient de droit d’essuyer les plâtres.
Fenton Globe extrait son père de la maison de retraite où il croupissait pour l’héberger dans sa nouvelle demeure. La joie initiale du grand-père vire à l’aigre lorsqu’il se rend compte que son fils la construite à l’endroit précis où 75 ans plus tôt, un mortel accident ferroviaire a eu lieu. Persuadé que le train va repasser le chercher, lui qui aurait dû mourir ce soir là, grand pa’ Globe tente de convaincre son fils de quitter les lieux. En vain.
Le Train fantôme nous narre une histoire de culpabilité mais à la sauce Spielberg, donc spectaculaire et empreinte de naïveté. En gros, toute l’histoire tourne autour du drame dont grand pa’ Globe a été l’élément déclencheur en s’endormant sur les rails 75 ans plus tôt. Un drame qui ne l’a nullement empêché de faire sa vie, de se marier et de fonder une famille. A l’aune de ce que nous expose cet épisode, on peut donc s’interroger sur le moment précis où sa culpabilité l’a rattrapé au point qu’il se résolve à la mort. Parce que rien dans le récit, et encore moins dans la démarche du fiston, n’indique que le grand-père souffre d’une maladie incurable ou se trouve à l’article de la mort. Le bonhomme se porte à merveille, marche sans l’aide d’accessoire, supporte le poids de son petit-fils lorsque celui-ci se jette dans ses bras, et ne rechigne pas à s’agenouiller à même le sol. En outre, il jouit d’une relation privilégiée avec son petit-fils, à même de mettre du baume au cœur du plus endurci. Et pourtant, le vieil homme entend dans le lointain le coup de sifflet de ce train dont il a conservé le ticket durant toutes ces années. Une sorte d’appel de l’au-delà qui lui intime l’ordre de se préparer à mourir car son heure est désormais venue.
Peu à l’aise avec l’idée de la mort, et encore plus à l’époque que maintenant, Steven Spielberg orchestre le décès du grand-père dans l’ostentation et l’allégresse. L’arrivée du train dans le salon familial est vécue comme un jeu, Steven Spielberg épousant bien évidemment le regard du petit-fils. Ce dernier, déjà subjugué par les récits emplis de cow-boys et d’Indiens de son grand-père, ne pouvait qu’être réceptif à son histoire de train venant du passé pour le chercher. Il y a donc quelque chose d’assez malsain à voir ce gamin tout excité à l’idée d’assister à l’embarquement de son grand-père, pour ce qui s’annonce comme un aller simple vers le trépas. Sous couvert de fantastique, Steven Spielberg ne fait rien d’autre qu’orchestrer en grandes pompes les funérailles de son personnage principal. Mais des funérailles lors desquelles le merveilleux prend le pas sur la tristesse, ou la mort s’apparente à un simple au revoir lancé sur un quai de gare.
Voici donc ce que Steven Spielberg nous propose pour démarrer son aventure télévisuelle, une histoire à dormir debout qui ambitionne de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Le Train fantôme nous montre le réalisateur sous son jour le plus roublard, le clou du spectacle tant attendu venant masquer opportunément le tragique de la situation. Et le pire dans tout ça, c’est que ça se laisse voir sans ennui, même si le récit ne réserve aucune surprise. C’est du Spielberg pur jus, gentillet au possible et un brin frileux. Insuffisant pour lancer la série sur de bons rails.