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Le Tableau du maître flamand – Arturo Pérez-Reverte

La Tabla de Flandes. 1990

Origine : Espagne
Genre : Policier
Auteur : Arturo Pérez-Reverte
Editeur : Alfaguara S.A.

Arturo Pérez-Reverte n’est pas né écrivain. Il a d’abord tenu compte de divers conflits à travers le monde en tant que reporter de guerre de 1973 à 1994. Il n’a écrit son premier roman, Le Hussard, qu’en 1986. Pour son troisième roman, Le Tableau du maître flamand, il fait preuve d’une belle maîtrise narrative et obtient, à juste titre, le Grand Prix de littérature policière en 1993.

A des lieues de son éprouvant quotidien, Le Tableau du maître flamand nous entraîne dans le monde de l’art pictural. Des tableaux, Julia en a restauré des centaines. Elle est rompue à cet art et bénéficie d’ailleurs d’une solide réputation dans le milieu. Pourtant, rien ne l’avait préparée à ce qu’elle a découvert ce jour là. Grâce à une photo aux rayons X, “La partie d’échecs”, tableau peint par Pieter Van Huys, lui révèle son secret. Sous une couche de peinture ajoutée par le peintre lui-même, se trouve inscrite une mystérieuse phrase en latin, Quis necavit equitem (Qui a tué le chevalier?). Aidée de son meilleur ami, le précieux César, et d’un joueur d’échecs taciturne, elle se lance à corps perdu dans la résolution de cette énigme. Petit à petit, celle-ci s’avère comporter bien des dangers, provoquant quelques morts dans son sillage.

Le Tableau du maître flamand n’est pas un roman policier ordinaire. L’enquête porte sur une énigme vieille de plus de cinq siècles, qui trouve une curieuse résonance à notre époque. Julia et ses amis doivent non seulement répondre à l’interrogation du tableau (Qui a tué le chevalier?), mais aussi à celle qui en découle: Qui a tué les personnes qui tentent de percer le secret du tableau? Habile conteur, Arturo pérez-Reverte laisse progressivement la seconde interrogation contaminer la première. Tant et si bien que lorsque le voile se lève enfin sur l’énigme du tableau, l’auteur nous tient toujours en haleine par la grâce de la seconde intrigue. Le tableau baptisé “La partie d’échecs” et son auteur sortent tout droit de l’imagination de l’écrivain. Autour de cette oeuvre fantasmée, il bâti un savant enchevêtrement de faits historiques et d’inventions de son cru du plus bel effet. Son style érudit confère au roman des allures de leçons d’histoire toujours passionnantes, sans jamais perdre de vue l’aspect policier du récit. Et le tout tourne autour des échecs, jeu de réflexion populaire à la terminologie guerrière. Au début de l’enquête, l’échiquier représente le seul support sur lequel la résolution de l’énigme posée par Van Huys est possible. Une fois celle-ci élucidée, l’échiquier reste toujours au cœur du récit. Seulement cette fois-ci, il ne se contente plus d’être le simple outil qui permet de résoudre l’énigme. Il devient alors la projection des intentions du mystérieux assassin. Chacun de ses coups reflètent la personne qu’il est réellement, voire l’identité de sa prochaine victime. L’échiquier est vu comme le réceptacle du moi profond du joueur, une sorte de psychanalyse par le geste. La manière de gagner d’un joueur peut en dire long sur son égo. Cherche t-il à humilier son adversaire ou simplement à le soumettre? A l’inverse, la défaite est ici décrite comme un éclairage sur la frustration de la libido du joueur. Par sa manière de perdre, il est possible de décrypter le profond mal être du joueur, ou sa propension à se dévaloriser.

Jouer aux échecs s’avère complexe mais passionnant. En dépit de cette complexité, Arturo Pérez-Reverte ne perd jamais le lecteur. Julia, son héroïne, se révèle totalement néophyte en la matière, et se pose donc les mêmes questions que les lecteurs peu au fait des règles de ce jeu. Pour ma part, joueur occasionnel, Le Tableau du maître flamand a pris l’allure d’un roman interactif, puisque j’effectuais les mouvements décrits dans le livre sur un véritable échiquier. En plus de m’immerger totalement dans l’intrigue, ce procédé m’a permis d’apprécier encore mieux ma lecture d’un roman passionnant et admirablement écrit, dont la fin un brin décevante, n’entâche en rien le plaisir éprouvé.

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