Désolation – Stephen King
Desperation. 1996Origine : Etats-Unis
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Plusieurs personnes sont arrêtées dans le désert du Nevada par un gigantesque flic plutôt suspect, pour des motifs eux-mêmes assez troubles. Ces personnes, notamment un écrivain sillonnant l’Amérique, un couple et leurs deux enfants, et un autre couple, sont conduits au commissariat d’un patelin paumé nommé Désolation. Là, le flic abat quelques uns des malheureux, et retient les autres en prison. Réaction plutôt démesurée, et pour cause : les survivants, bien aidés par le gamin David Carver, qui entretient une relation privilégiée avec Dieu, découvriront qu’une entitée maléfique nommée Tak a pris possession du flic, Collie Entragian, pour assassiner tous les habitants de la ville. Ils parviendront à s’échapper de la prison, et leur quête pour survivre dans une ville cernée par les bestioles à la solde de Tak leur apprendra que le flic a déjà changé plusieurs fois de corps, qu’il le refera encore, et que Tak provient d’une mine appelée “le puits chinois” qui a récemment été déterrée…
Voilà pour une intrigue fournie, pléthorique en personnages et en révélations, et qui s’étalle sur plus de 600 pages. Un pavé dans lequel King joue plusieurs cartes. D’abord, celle du western, avec ce flic mal intentionné, ce village fantôme isolé et ses tempêtes de sable. Mais cet aspect, si il est bien présent ne va guère plus loin que l’emprunt au genre de quelques situations données, sans que celles-ci ne soient développées. Ce qui intéresse plutôt King est bel et bien le potentiel horrifique de son histoire. Déjà, le gore. Avec son flic pourrissant au fur et à mesure du livre, avec ses meurtres sanglants et ses visions de boucherie caractérisées, King se lâche et sait également faire souffrir ses personnages tant mentalement (les familles sont éclatées) que physiquement. Ensuite, King s’intéresse de près aux évènements qui se déroulent à Désolation, et les explique par d’innombrables récits sous forme de flash backs qui viennent petit à petit expliquer tout ce qui se déroule dans la ville. On en apprend ainsi donc davantage sur Tak, une divinité païenne un peu classique, aux méthodes dignes de The Thing et au sadisme par contre lui tout à fait kingien. Lorsque l’on sait que Désolation s’accompagna d’un autre récit des méfaits de Tak, le roman Les Régulateurs, on peut penser que l’écrivain cherchait ici à se construire sa propre mythologie horrifique, un peu comme avait su le faire si habilement un écrivain comme Lovecraft. Oui mais sérieux bémol : King illustre ici l’une de ses obsessions profondément religieuse, la lutte du Bien contre le Mal, et place face à Tak David Carver, le fameux “cul-bénit” (dixit Tak lui-même), qui vient sérieusement porter atteinte à tout l’intérêt que l’on pouvoir avoir pour l’histoire. Car plus le livre avance, plus David occupe une place importante, infligeant ainsi au lecteurs pléthore de reflexions théologiques sur la cruauté de dieu, sur sa justification, sur la prière, sur le libre arbitre, etc etc… Des notions mystiques non seulement lourdes dans le style mais aussi très rébarbatives pour l’athée pur jus que je suis. Pire encore : tout ça donne l’impression de faire piétiner un livre qui perd peu à peu l’intérêt du lecteur. D’autant plus que les dés sont pipés, que les pirouettes divines sont un peu grosses et que l’on peut dors et déjà affirmer que le Bien est indestructible, bla bla bla… Le happy end devient inéluctable, et ce ne sont pas les quelques péripéties placées ici et là sur des personnages somme toute mineurs qui viendront réveiller l’intérêt, aussi bien écrites soient elles (comme le passage de Mary au milieu des serpents, araignées, scorpions, etc). Pas même de gros duel pour se régaler dans le dénouement.
Bref d’une intrigue de départ prometteuse, King se perd dans un développement fumeux, où les personnages autres que David Carver n’ont plus guère d’importance autre que celle de faire avancer le récit brut. On notera tout de même un effort pour Johnny Marinville, l’écrivain, que King décrit en salopard, mais qui lui aussi finira par être frappé par le mysticisme de ce sale gosse de David Carver. Désolation est un livre décevant, bien trop long, bourré de grosses ficelles, et qui d’un postulat de départ digne d’un Richard Matheson et de la Quatrième Dimension, partira vers de l’horreur au rabais, jamais à la hauteur des ambitions de noirceur voulue par King pour son Tak qui finalement, malgré la grandiloquence de son historique, ne sera jamais rien d’autre qu’un démon à la petite semaine.