LivresRomans et nouvelles : Epouvante

Les Régulateurs – Richard Bachman

The Regulators. 1996

Origine : Etats-Unis
Genre : Epouvante
Auteur : Richard Bachman
Editeur : Albin Michel

Roman frère du piètre Désolation, Les Régulateurs se distingue tout d’abord grâce au retour de Richard Bachman, pseudonyme de Stephen King qui avait disparu depuis que le canular fut révélé au grand jour en 1985. Officiellement, Bachman était décédé des suites d’un cancer. Jouant le jeu de son personnage fictif jusqu’au bout, King va ici jusqu’à faire publier une note de l’éditeur déclarant que le manuscrit des Régulateurs fut découvert par la veuve Bachman lors d’un déménagement…

Et, probablement toujours dans l’optique de jouer l’ambiguïté entre lui-même et son pseudonyme, King livre ici un roman très proche de Désolation, du moins en façade. On assiste donc aux méfaits de Tak, entité maléfique déterrée d’une mine ancienne du fin fond du Nevada. Les noms des personnages sont les mêmes, et Tak n’a toujours pas d’incarnation physique propre. Mais à part ça, il y a tout de même beaucoup de changements au menu : cette fois, Tak ne va plus de corps en corps comme c’était le cas dans Désolation (l’histoire de ce dernier roman étant tout simplement passée sous silence), mais il a trouvé refuge dans celui de Seth Garin, un gamin trisomique vivant chez sa tante Audrey. Et Tak se prépare à détruire tout son environnement, par pur plaisir, se basant sur plusieurs médias audiovisuels : le western de série B Les Régulateurs (un film qui n’existe d’ailleurs pas), le dessin animé Motokops 2000 (fictive aussi) et la série télé Bonanza (qui existe vraiment, elle). C’est ainsi qu’à la consternation des voisins de Poplar Street, des héros de dessins animés vont débarquer dans la rue et faire un carton. Et ce n’est que le début, puisque Tak attend le moment où sa force sera telle qu’il pourra envoyer les Régulateurs prêter main forte au Motokops, tandis que le paysage de cette rue paisible d’Ohio va prendre des allures de far west caricatural, comme si le paysage était redessiné par un enfant…

Rayons similitudes, notons tout d’abord la tendance qu’ont les personnages à se regrouper et à passer une bonne partie de l’intrigue dans la méconnaissance totale de ce qui est en train de se produire. Signalons aussi des scènes gores du même type que celle de Désolation, c’est à dire plutôt détaillées et en nombre important. Autrement, King (enfin Bachman) a la bonne idée de ne pas avoir recours au gamin bondieusard qui plombait largement le récit de Désolation ! Encore mieux : il ne donne pas véritablement de héros à son livre, et se paye même le luxe de détruire assez rapidement plusieurs personnages que l’on pouvait penser importants de prime abord. A cela s’ajoute la relative inaction de Tak, qui passe son temps à concentrer ses forces et à humilier la tante Audrey, incapable de s’échapper pour rejoindre ses voisins. Tout ceci sans gêner le moins du monde le rythme du livre, qui reste assez frénétique grâce à une excellente idée : la transformation du paysage en fonction de l’esprit du gamin autiste possédé par Tak, avec son lot d’animaux étranges, et grâce aux flash back explicatifs qui comme dans Désolation expliquent au fur et à mesure du livre comment la situation est arrivée là où elle en est. Beaucoup plus intéressants que dans Désolation, les évènements décrits ne font plus de Tak une entité de série B pseudo-Lovecraftienne, mais bien un monstre beaucoup plus menaçant, car passant petit à petit (et non tout à coup) du statut de symptôme schizophrène à celui de démon destructeur (impressionnante est ici le chapitre de la première rencontre entre Tak et son hôte Seth). L’idée du bien contre le mal est ici toujours présente, mais de façon beaucoup moins standard que pour la confrontation Dieu / Tak proposée par Désolation. Ce combat, central dans l’œuvre de King, s’appuie ici sur des choses aussi diverses que le pouvoir des images, sur les parts de bien et de mal en chacun des personnages et sur la potentielle alliance des deux. Des thèmes certes guère révolutionnaires, mais que King utilise à bon escient, conférant à son livre une originalité certaine.

Si l’on pourra regretter une fin plutôt bancale (et le mot est faible), en revanche on appréciera finalement dans son quasi-ensemble cette autre version des aventures de Tak, qui cède moins à mythologie, mais qui du coup prend des allures beaucoup moins lourdingues et prétentieuses, beaucoup plus divertissantes.

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