Zombi 3 – Lucio Fulci, Bruno Mattei
Zombi 3. 1988Origine : Italie
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Sur une petite île sont menées des expériences visant à ressusciter les morts. Ne parvenant pas à maîtriser leur sujet, les scientifiques abandonnent et demandent à l’armée de venir récupérer la souche du virus. Mais un badaud malintentionné passant par là dérobe la valise, trouve le moyen de l’ouvrir et contracte lui-même la terrible maladie avant de la répendre dans un hôtel. Les militaires parviennent à isoler la zone et à enrayer l’épidémie. Tout aurait donc été bien si ces sots-là n’avaient pas brûlé les cadavres, propageant le mal dans l’atmosphère. Une grosse boulette qui oblige l’armée à avoir recours à la manière forte en attendant éventuellement que les scientifiques trouvent un antidote. Accessoirement, la vie devient bien difficile pour les civils.
Fulci ou Mattei ? Éternelle question attirant à elle seule toute l’attention portée à Zombi 3, suite non-officielle de L’Enfer des Zombies, lui-même suite non officielle du Zombie de Romero. Si il est acquis que Mattei remplaça effectivement Fulci au poste de réalisateur, le doute subsiste sur la raison de ce changement, et surtout sur le degré de présence du matériel tourné par Fulci. A la première question, la version officielle veut que Fulci soit tombé malade, nécessitant son départ des Philippines, lieu de tournage. Cependant, dans une interview postume publiée en mai 1996 dans L’Ecran fantastique, le réalisateur se montre plutôt évasif sur le sujet, laissant entendre à des différents avec ses producteurs. La théorie non officielle veut donc que le réalisateur de Frayeurs soit parti en raison du mécontentement que lui inspirait l’équipe du film. Hypothèse idéale pour défendre la réputation du réalisateur, mais qui ne tient pas vraiment la route si l’on considère qu’à cette époque Fulci enchaînait de toute façon les navets. Quoiqu’il en soit, il fut bel et bien remplacé par Bruno Mattei, son réalisateur de seconde équipe, épaulé par Claudio Fragasso, scénariste. Un duo de choc ayant fait ses preuves notamment sur Virus Cannibale, et qui devait crever d’envie de prendre la place de Fulci sur un sujet aussi porteur que celui de Zombi 3. Maintenant, quand à savoir l’apport définitif de Fulci au film, Bruno Mattei confia dans un bonus DVD qu’il se montait à environ 50 minutes, et que 20 autres minutes furent supprimées au montage. Le montage étant justement la clef d’un film, Mattei peut en définitive être vu comme le véritable réalisateur du film, puisque ce fut à lui de gérer les rushs de son collègue.
Et en effet, le style du film ressemble bien plus à du Mattei qu’à du Fulci, même bas de gamme. Le spectateur se retrouve face à un déferlement d’action largement arrosée de sang ne s’arrêtant ni aux invraisemblances ni aux personnages. Ceux-ci, très nombreux et même divisés en plusieurs groupes, ne sont que les alibis trouvés par le réalisateur pour parcourir cette île zombifiée à travers quelques localisations porteuses (souvent des bâtiments désertés, mais aussi quelques pâtures bucoliques) et pour sacrifier des humains en toute légitimité. On ne s’en voudra donc pas trop de ne pas éprouver le moindre sentiment pour ces chairs ambulantes, qu’elles soient pleurnichardes ou combattives, simplement arriérées ou carrément débiles (que de beaux dialogues !). De toute façon, eussions-nous voulu qu’il eut été difficile de faire preuve de compassion, puisqu’avec le sens du découpage qui est le sien, Mattei abrutit véritablement ses spectateurs en choisissant de ne jamais se reposer. Les séances de tripaille, les combats au corps à corps et les canardages se suivent les uns les autres sans laisser le temps de souffler. Les imbécilités fusent, n’ayant pour autre objectif qu’entretenir l’action à n’importe quel prix. Qu’un personnage ouvre un frigo, et une tête de zombie volante lui sautera à la gueule ! Que deux ahuris se promènent dans un hôpital désert, et ils croiseront une femme enceinte laissée toute seule, au risque de ne pas survivre à son bébé dont les points rageurs menacent de lui percer le ventre ! Qu’une femme tombe dans une piscine, elle en ressortira avec les deux jambes en moins ! Les excuses pour introduire les scènes gores sont décidément toutes plus absurdes les unes que les autres.
Dans la sagesse qui est la sienne, Mattei se plait donc à essayer de recréer pendant une heure et demie le climat d’urgence qui ouvrait et terminait le Zombie de George Romero. Les concessions en termes de crédibilité sont lourdes, et ne valaient peut être pas la peine d’être faites. Car si Zombi 3 est généreusement gore (avec effets spéciaux de qualité moyenne) et conséquemment mouvementé (les personnages de militaires font même des galipettes pour tenter de faire croire que ce sont des pros), il devient également très vite lassant, faute d’avoir autre chose à laquelle se raccrocher. Il s’agit en réalité d’une compilation de scènes d’action interchangeables, n’eut été pour l’absence de personnages décédés. Mattei évoque tous les films de zombies imaginables, et ne se contente pas de ça : de Romero, il emprunte aussi l’opposition entre scientifiques et militaires de La Nuit des fous vivants. Prêts à tout, les militaires envoient des exterminateurs en combinaison blanche et masque à gaz pour éradiquer tout ce qui bouge, vivants inclus. Même dans son engagement politique, Mattei sait manier la repompe avec des gros sabots…
A noter tout de même quelques scènes plus contemplatives dans laquelle nous assistons à des arrivées de zombies particulièrement esthétiques. Il y a fort à parier qu’elles furent l’oeuvre de Lucio Fulci… Lequel, malade ou pas, a cependant bien dû lui aussi contribuer aux bêtises utilisées par Mattei. Après tout, qu’aurait-il pu faire d’autre d’un scénario de Claudio Fragasso ? Il était cerné !