X-Men – Bryan Singer
X-Men. 2000Origine : Etats-Unis
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Dans un monde où les mutants ont fait leur apparition, les débats font rage au sein du monde politique : doit-on les laisser libres ou doit-on les ficher et les contrôler ? Une question sociale importante, qui ne laisse logiquement pas insensibles les mutants eux-mêmes, dont certains se regroupent en deux factions ennemies : l’une dirigée par le Professeur Xavier, qui cherche à démontrer la possibilité de co-entente pacifiste avec les humains traditionnels, et l’autre menée par l’ancien ami de Xavier, Magneto, qui veut au contraire déclarer la guerre aux non-mutants avant que ceux-ci ne prennent des mesures radicales telles que celles qui avaient naguère marqué un Magneto encore enfant, en proie aux persécutions antisémites nazies.
Ambitieux projet que celui d’adapter les riches aventures des X-Men à l’écran, tant la mythologie est complexe, riche de personnages à présenter, et qu’un film peut difficilement souffrir de ne pas avoir de début, de développement et de fin (surtout en cette année 2000 où les trois volets du Seigneur des anneaux n’étaient pas encore passés par là). A partir de là, on peut sérieusement douter du bien-fondé de la volonté de construire harmonieusement un film tel que X-Men, pour une durée en salle de moins de deux heures…
C’est donc sans réelle surprise que tous les défauts auxquels on pouvait s’attendre se retrouve dans le film. De la galerie de mutants retenus pour le film, seuls quelques spécimens ont droit à l’attention du réalisateur. Le reste ne joue en gros que des rôles purement fonctionnels, utilisés qu’ils sont dans le seul but de diversifier des scènes d’action certes imaginatives mais malheureusement plutôt mal fignolées (sur la fin du film, notamment). C’est ainsi que tous les hommes de main de Magneto seront caractérisés par un manque de profondeur incroyable, qui rattache le film aux pires blockbusters récents. Ce sont Sabretooth (Tyler Mane), qui apparaîtra comme un vulgaire malabar garde du corps de son maître, de Toad (Ray Park), sorte de sidekick comique ayant la capacité de déployer sa langue à longue distance comme un crapaud (ridicule garanti), et dans une moindre mesure de Mystique, dont les capacités à se transformer utilisées comme de grossières ficelles ont tendance à dissimuler une performance plutôt convaincante de l’actrice Rebecca Romijn-Stamos, qui insufle un minimum de charge érotique à son personnage.
De l’autre côté, dans le rang des X-Men dirigés par le Professeur Xavier, on déplorera le manque de profondeur de Storm (Halle Berry, mauvaise comme du lard), bénéficiant du don de contrôler la météo, et de Cyclops (James Marsden), au regard laser, réduit au rang de minet adolescent et fâché par les vues de Wolverine sur sa copine télékinétique et télépathe Jean Grey (Famke Janssen). Une Jean Gray traitée de façon assez étrange, d’ailleurs, puisque tout en ayant certaines responsabilités (elle seconde Xavier et prend même la place de celui-ci lorsqu’il n’est pas disponible) est certainement la moins spectaculaire de tous les X-Men, et qu’elle pâtit en outre d’un manque de caractère qui inhibe totalement sa comédienne, qu’on sent là un peu paumée, elle qui avait tenu tête avec tant de brio à James Bond dans GoldenEye. Gros gâchis que tous ces personnages, qui ne sont donc là que pour le spectacle.
En revanche, on en dira pas tout à fait autant de quatre autres personnages : Xavier (Patrick Stewart) et Magneto (Ian McKellen), bien sûr, mais aussi Wolverine (Hugh Jackman) et Rogue (Anna Paquin). Ces deux derniers sont les deux dernières recrues des X-Men, et du reste le film débute par leur difficile intégration dans l’équipe. Wolverine est un solitaire, un homme-loup capable de s’autorégénerer en cas de blessure, et dont l’endosquelette en métal lui procure de puissantes griffes non négligeables pour les combats au corps-à corps. Quant à Rogue, c’est une frêle adolescente dont la peau rejette et attaque quiconque venait à la toucher. Un pouvoir très fort, très dérangeant pour une jeune femme en âge d’être travaillée par ses hormones et dont Magneto cherche à s’emparer pour ses sombres desseins. Tant Wolverine que Rogue devront se fondre dans l’organisation des X-Men, apprendre à assumer leurs dons (ou leur malédiction, c’est selon) et à se refondre dans une nouvelle forme de société, eux qui avaient été rejetés de la précédente. Malheureusement, le film ne dispose pas du luxe de s’étendre sur le sujet, et c’est finalement sans qu’il n’y ait réellement eu d’évolution sur ce sujet que le film se mettra à développer son intrigue centrale, celle de l’opposition concrète entre Xavier et Magneto.
Une opposition qui dans un premier temps se déroule sur un fond politique que l’on aurait aimé voir bien plus développé. La lutte pour l’intégration, le racisme (avec ce sénateur étant plus ou moins aux mutants ce que McCarthy fut aux communistes), les mouvements « civiques » extrémistes et les modérés, tous ces éléments sont bien là, mais malheureusement ils ne restent qu’à l’état de germes, sans approfondissement et bien entendu sans échanges idéologiques (les rares incartades dans ce domaine étant confiées à Jean Grey, au sénateur, et un peu à Magneto). Pas sûr non plus que replacer dès le début Magneto dans le contexte des persécutions nazies soit très pertinent, puisque l’holocauste ne reposait sur strictement rien, tandis qu’avec les mutants, la situation est tout autre et que la menace est certaine (comment peut-on être sûrs que les mutants utiliseront leurs pouvoirs à bon escient, et qu’ils ne se livreront pas au crime, organisé ou non ?). Magneto marque cependant un point lorsqu’il affirme que la co-existance ne pourra se faire sans difficultés. Ce sont davantage ses moyens d’action, qui seront plus répréhensibles. En face, Xavier tiendra un discours bien plus idéaliste, et à vrai dire bien moins pertinent. Sans compter qu’il ne fait strictement rien non plus pour ouvrir le dialogue avec les humains « normaux ». C’est bien dommage pour Patrick Stewart, qui tout comme son homologue Ian McKellen, livre une classieuse interprétation.
X-Men est au départ plein de bonnes idées. Mais l’échec est pourtant réel. Ce n’est pas un film détestable comme peuvent l’être d’autres adaptations de comics du style Daredevil ou Les 4 fantastiques. C’est un film qui ne peut gérer toutes ces idées et tous ses personnages, faute de temps et faute de pouvoir faire l’impasse sur un critère purement commercial –et légitime- : l’action. Et celle-ci souffre par ailleurs d’une mise en scène parfois hors sujet (les effets de ralenti) et d’effets spéciaux quelques fois hasardeux (le sénateur devenu mutant, qui passe entre les grilles de sa gêole). C’est un film qui pêche par trop d’ambitions.