CinémaHorreur

Video Killer – Robert Scott

videokiller

Video Dead. 1987

Origine : Etats-Unis 
Genre : Horreur 
Réalisation : Robert Scott 
Avec : Rocky Duvall, Roxanna Augesen, Sam David McClelland, Jack Stellman…

Aléa de la Poste privatisée : un péquenot reçoit un téléviseur qu’il n’avait pas commandé. Malheureusement, l’objet est détraqué : il se rallume sans cesse sans y avoir été invité. Il ne diffuse en outre qu’un seul programme , un film d’horreur avec des zombies. Ceux-ci finissent par sortir de l’écran et tuer leur hôte involontaire. Quelques années plus tard, la maison dans laquelle s’est déroulé le drame est rachetée par des expatriés, qui dans l’attente de leur retour ont délégué leurs deux adolescents à l’entretien des lieux. Alors évidemment, les zombies vont venir pourrir leur vie et celle des voisins.

Les années 80 ont regorgé de petits films d’horreur tournés par des inconnus avec des inconnus, et maigrement financés par des boîtes (ou probablement quatre pelés qui ont harcelé leur boucher pour qu’il leur donne un peu de sous et de la tripaille -pour le gore-) qui n’existèrent que le temps d’un film. Autrement dit, des films amateurs destinés à la vidéo. Malgré la louable ténacité mise en œuvre, il faut bien admettre qu’une très grande partie de ces films s’avère d’une qualité médiocre. Video Killer (ou Video Dead, ou encore Videokiller) échappe à cette malédiction. De peu. Ses acteurs auraient pu au mieux devenir des victimes de Jason dans un quelconque chapitre de Vendredi 13, ses maquillages n’auraient pas démérité dans un film de zombies de Jess Franco (disons L’Abîme des morts-vivants), sa citation de Massacre à la Tronçonneuse fait preuve d’une rare indélicatesse, son manque de budget est trahi par un manque d’ampleur préjudiciable (trois ou quatre personnages et autant de maisons) et son scénario fait la part belle aux incongruités. Difficile de ne pas sourciller devant l’arrivée impromptue d’une nymphe qui sort de l’écran de la fameuse télé (prétexte à une paire de fesses), ou encore dans la même scène de ce gugusse qui vient inopinément préciser à notre héros les moyens de combattre les zombies (prétexte pour poser les bases “mythologiques”). Aucun des deux ne réapparaîtra, et l’ado lui-même mettra ça sur le compte de l’herbe qu’il était en train de fumer. On ne peut pas dire non plus que l’arrivée de l’ancien propriétaire de la télé, venu donner son aide, soit des plus naturelles. Robert Scott, le réalisateur et scénariste, remplit son film avec ces maladresses, chose courante dans les productions de cet acabit. Les scènes spectaculaires s’inscrivent d’ailleurs dans la même logique du “spectacle sans budget”. Ainsi il a recours à quelques envahissants fumigènes (lorsque les zombies sortent de la télé), à une musique passe-partout omniprésente, et à un gore volontiers complaisant. Assez généreusement versé, le sang ne convaincra pas grand monde de par sa texture porté sur les colorants et conservateurs. Les tripes sont à la mode de Caen, ce qui donne aux démembrements des allures plutôt bon enfant, assez loin de l’horreur cradingue d’un Romero en goguette.

La grande différence entre Video Killer et ses poussiéreux confrères des rayonnages de video-club tient avant tout dans l’optique qui est celle du réalisateur. Plutôt que d’essayer de refaire avec les moyens du bord des films vendeurs, Robert Scott préfère tenter de se créer sa propre mythologie du mort-vivant, n’entretenant qu’un vague rapport avec ceux de Romero. Dans Zombie, les morts agissent par instinct et, signe d’une vague habitude datant de leur vivant, ils investissent un temple du capitalisme, c’est à dire un hypermarché. Robert Scott va nettement plus loin et fait de ses propres zombies des êtres en mal d’affection. Bien qu’ils sortent d’un écran de télévision, procédé peu banal en cette ère pré-Ring et qui laissait croire en une nature diabolique, ses cadavres déambulant ne se montrent méchants qu’envers ceux qui les craignent. Cherchant paisiblement à revivre comme avant, ils ne supportent pas le délit de faciès : cela leur rappelle qu’ils sont morts, et ils se sentent exclus. En réagissant avec peur ou avec agressivité, les vivants cherchent à éloigner ces “étrangers”, dans un grand élan petit-bourgeois réactionnaire. La colère des zombies est donc bien légitime, et on leur pardonnera bien volontiers de tuer une mégère en la précipitant dans sa propre machine à laver. De même, ils ne peuvent pas se regarder dans un miroir, sous peine de voir eux-mêmes leur dégénérescence physique. Tous ces braves ex-gens n’aspirent qu’à vivre en société, au lieu d’avoir à se retrancher dans une forêt où ils seront en plus pourchassés par des vivants décidément infréquentables, dont l’attitude sectaire est d’autant plus hypocrite qu’après tout ces zombies appartenaient eux-même au même milieu (l’un d’entre eux arbore de jolies lunettes de père de famille, une autre est ravissante dans sa jupette). Dans sa sagesse féminine, l’héroïne finira par le comprendre et essaiera de se forcer à être sociable, organisant dans le final une belle petite chouille très courtoise dans laquelle elle proposera même à ses invités quelques pas de danse. Robert Scott joue avec succès la carte de l’humour pince-sans-rire, et parallèlement il parvient même à susciter plus ou moins la pitié pour ses créatures repoussantes. L’aspect bricolé et les maladresses techniques ou narratives ne font qu’entretenir cette dose d’auto-dérision modeste et somme toute attachante.

Sans aller jusqu’à dire que Video Killer est une pépite injustement méconnue, on peut parler de réussite. A défaut de lui avoir permis de réaliser d’autres films (si ce n’est un Ratdog qui ne semble pas avoir été distribué), il aura au moins permis à Robert Scott de continuer à travailler dans le cinéma ou à la télévision en tant qu’assistant réalisateur, notamment pour Mel Brooks et son Dracula : mort et heureux de l’être (notez l’ironie par rapport aux zombies !).

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