The Children – Tom Shankland
The Children. 2008.Origine : Royaume-Uni
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Casey est d’humeur boudeuse en ce vendredi soir. Au lieu de passer le week-end avec ses amis, la voilà contrainte de supporter un réveillon en famille dans la demeure cossue de sa tante perdue en pleine forêt. S’il n’y avait pas la présence de son oncle Robbie, elle n’aurait vraiment aucune raison de se réjouir. Ses cousins braillent sans arrêt, sa demi-sœur horripile par son côté fille à papa et son petit frère, autiste, réclame beaucoup trop d’attention. Côté adulte, derrière les sourires de façade, l’ambiance n’est pas forcément plus chaleureuse. Jonah cherche absolument à intéresser Robbie à son projet tandis que Elaine goûte peu les lubies de sa grande sœur en terme d’éducation. Un réveillon bien dans la tradition, en somme. A ceci près que chacun leur tour, les enfants semblent victimes d’un mal étrange les rendant de plus en plus agressifs envers les adultes. De quoi contrecarrer la moindre bonne résolution et placer cette nouvelle année sous un genre bien sombre.
Pour des gens comme moi qui ont été biberonnés au cinéma d’horreur des années 80, les petites têtes blondes semblaient bénéficier d’un totem d’immunité. Les croquemitaines, parmi lesquels Jason Voorhees et Freddy Krueger, préféraient de beaucoup s’attaquer à des adolescents qu’à des enfants. Et en un sens, ça se comprend. Il est quand même plus amusant de s’incruster dans des fêtes endiablées où l’alcool coule à flots et où les convives cherchent à se culbuter qu’à s’inviter à des boums aux quarts d’heure américains interminables et où le summum de l’amusement se résume à une partie de chaises musicales. Et lorsque l’un d’entre eux – Chucky, pour ne pas le nommer – tente de se frotter à un gamin, il s’illustre par une maladresse et une malchance à désespérer le plus acharné. A cela une bonne et simple raison, l’enfant incarne l’innocence qu’on ne peut bafouer. Pour avoir voulu déroger à cette règle dans Assaut, John Carpenter a eu maille à partir avec la censure, laquelle lui avait demandé de modifier la scène. Ce qu’il fit pour les contenter. Avec l’aval de ses producteurs, il la réintégra pour son exploitation en salles, gratifiant ainsi le public d’une scène marquante par sa gratuité et sa brutalité. Pour contourner cet “interdit”, il convient de légitimer la violence dirigée contre les enfants. Autrement dit que ceux-ci se montrent belliqueux, justifiant ainsi une forme de légitime défense. Dans ce domaine, les exemples sont moins rares qu’on ne le pense. Des enfants extraterrestres de Le Village des damnés et sa suite Ces êtres venus d’ailleurs jusqu’au Attention ! Enfants de la firme Troma en passant par l’incontournable Les Révoltés de l’an 2000, les raisons de s’en prendre aux enfants ne manquent pas. Tom Shankland ajoute sa pierre à l’édifice, apportant une justification à cet étalage de violence en milieu familial qui fait tristement écho à la situation sanitaire actuelle.
Transfuge de la télévision, médium avec lequel il renouera vite après ce film et où il officie encore à ce jour, Tom Shankland s’essaie à la noirceur et à l’horreur brute à la faveur de son passage par le cinéma. Sorti en 2007, Waz joue la carte du thriller poisseux comme il en est sorti des pelletées depuis Se7en en suivant les méfaits d’un serial-killer qui prend un malin plaisir à placer ses victimes devant un choix cornélien : mourir ou tuer la personne qu’elles aiment le plus. Un choix qui se retrouve peu ou prou au cœur de The Children. S’il n’est pas dans l’ordre des choses qu’un parent en vienne à enterrer l’un de ses enfants, il l’est encore moins qu’il soit contraint d’en tuer un pour se protéger. C’est pourtant de prime abord le programme qui nous semble proposer. Or à une exception près – la scène de la serre – les enfants tués ne le seront pas par leurs propres géniteurs. Pris dans la tourmente suite à l’accident mortel qui lance définitivement les hostilités, chaque membre de la famille sombre dans une forme d’hystérie qui interdit toute clairvoyance. Et il peut difficilement en aller autrement compte tenu de la nature même de la menace, leur propre progéniture. S’appuyant sur un savant montage qui jongle entre plusieurs scènes se jouant simultanément en un kaléidoscope d’images chocs, Tom Shankland accroît la tension d’une situation qui vire au cauchemar. Pris dans ce tourbillon, les personnages ne prennent pas le temps de réfléchir à ce qui se trame. Ils agissent dans la précipitation, de manière instinctive. Ainsi Chloe n’aura qu’une obsession, retrouver ses enfants partis se réfugier dans la forêt, sans prêter attention aux signes ostentatoires de leur basculement dans la folie meurtrière. Jonah commettra la même erreur, ignorant la détresse de son épouse pour s’enfuir avec sa fille. Dans ce contexte seule l’adolescente Casey prend conscience de la terrible réalité. Elle répond aux agressions en conséquence, ne s’embarrassant guère de considérations morales. Entre tuer ou être tué, son choix est vite fait. Elle exprime une rage et une détermination qui trouvent sa source dans son mal-être adolescent. Depuis le départ, elle ne voulait pas être là, fâchée que sa mère la contraigne aux réunions de famille à un âge où seules comptent les soirées entre amis. Par ailleurs, elle se sent déconsidérée, reléguée au second plan depuis la naissance de Paulie. En un sens, le drame qui se joue lui offre l’opportunité de retrouver le schéma familial qui a sa préférence, sa mère et elle et personne d’autre. Alors qu’une édulcoration est toujours à craindre lorsqu’un tel sujet est abordé, Tom Shankland assume pleinement ses choix. Il ne tremble pas au moment de montrer les enfants se faire tuer même s’il prend bien soin de ne pas sombrer dans la complaisance. Ces passages brillent par leur sécheresse et leur brutalité et n’en sont que plus efficaces.
The Children n’a pas vocation à n’être qu’un étalage de violences. Il se présente au premier abord comme un drame familial. Derrière les sourires de façade et la bonne humeur de rigueur se cachent petites mesquineries et grandes jalousies. Chloe et Robbie forment le couple parfait. Aimants et tolérants, ils amorcent un virage dans leur existence. Forts des préceptes bouddhistes auxquels ils adhèrent et de leur envie de nouer des liens forts avec leurs enfants, ils envisagent de les retirer du milieu scolaire pour assurer seuls leur éducation. Ils sont les purs produits de leur époque, adeptes de l’écologie et basculant peu à peu dans le végétarisme. A côté de sa sœur aînée, Elaine incarne l’instabilité dans toute sa splendeur du haut de sa famille recomposée. Si l’amour qu’elle voue à sa sœur transpire la sincérité, elle ne peut s’empêcher de s’en moquer dans l’intimité de la chambre qu’elle partage avec Jonah. Pas en reste, ce dernier joue les faux-culs de première lorsqu’il s’agit de convaincre Robbie d’investir ses deniers dans son projet de médecine chinoise. A cela s’ajoute l’attitude de Casey qui dans des tenues guère adaptées aux conditions climatiques tourne autour de son oncle tel un oiseau de proie attendant son heure pour fondre sur sa victime. Au fond, rien qui ne sorte de l’ordinaire – Casey minaude plus qu’elle ne passe à l’action – mais dont Tom Shankland se sert pour nourrir son dernier acte. Au moment où le drame se noue, tous les non-dits et les petites rancœurs influent sur les comportements de chacun. Et puis il y a ces propos de Jonah qui résonnent différemment aujourd’hui. Il dénonce l’état désastreux du secteur de la santé au Royaume-Uni, évoquant au passage la cinquantaine de nouveaux virus qui apparaissent chaque année dans le monde entier. A cela, il propose en guise de solution de recourir à la médecine chinoise, laquelle est le fruit d’un savoir ancestral reposant pour beaucoup sur des croyances et des propriétés prêtées à des animaux loin d’être avérées. Une pratique qui encourage le trafic animal et le braconnage, ce qui a le don d’hérisser le poil de Robbie. Tom Shankland propose des pistes mais se garde bien de lever le mystère entourant le mystérieux mal dont souffrent les enfants. Tout au plus son insistance à filmer la forêt environnante, vue comme un espace menaçant, tend à accréditer la thèse d’un virus d’origine naturelle. Et à l’inverse de la Covid qui tient le haut du pavé de nos préoccupations depuis près d’un an et demi, ce virus s’attaque exclusivement aux enfants. Le meilleur moyen pour venir à bout d’une espèce.
The Children s’impose comme le film à déconseiller absolument aux jeunes parents. Ils ne regarderaient plus leur progéniture de la même façon. Tom Shankland aborde pour sa part son sujet avec le plus grand sérieux. Il prend le temps de poser la situation, s’attardant sur le comportement des enfants. Pour le spectateur qui n’ignore rien de la finalité du récit, le moindre agissement des enfants devient source de danger. C’est le côté perpétuellement absent de Paulie, en fait inhérent à son autisme, le côté turbulent de Nicky ou tout simplement les regards apeurés de Leah puis de Miranda. Un film d’horreur qui s’assume et suffisamment imprévisible pour maintenir l’intérêt jusqu’à son terme.
Pas agréable de le voir. Le problème c’est que l’on a des enfants et comme tuer des enfants dans un film, c’est pas conseillé parce qu’ils représentent l’innocence, il ne reste plus que les adultes. Mais aller leur demander de tuer leurs enfants qui ne sont plus les leurs, ça devient malaisant.
Vu une fois et pas envie de le revoir. Je lui préfère Le Cas 39. Le côté un exagéré des films hollywoodiens fait passer la pilule avec une fille qui cabotine mais qui fait que l’on ressent de l’antipathie, vu les méfaits qu’elle provoque.