The Blues Brothers – John Landis
The Blues Brothers. 1980Origine : États-Unis
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En 1980, un film légèrement atypique sortait sur les écrans du monde entier. Sur les affiches, deux bonshommes vous regardaient de travers avec des lunettes de soleil, un chapeau noir sur la tête, un costume noir, une cravate noire, et une chemise blanche.
Tout droit sorti du Saturday Night Live, The Blues Brothers est un groupe fondé par John Belushi (Jake Blues) et Dan Aykroyd (Elwood Blues) en 1976 pour le besoin de l’émission de divertissement. Avec leur allure d’hommes de main de la mafia, les Blues Brothers deviennent très vite de vraies icônes de la culture pop des années 80. En 1980, John Landis décide d’en faire un long-métrage, et aidé d’Aykroyd au scénario, le film se fait en gardant toujours à l’esprit que The Blues Brothers est un groupe parodique. Le film le sera aussi, mais se voudra en même temps être un vibrant hommage au monde de la musique, du blues au gospel en passant par la soul et le rock’n roll.
Ainsi, Jake Blues sort de prison et est attendu par son frère Elwood. Ils se rendent à l’orphelinat où ils ont grandi et apprennent qu’il fermera, sauf s’ils arrivent à payer 5000 dollars au fisc américain. Les voilà partis sur la route pour reformer leur groupe et tenter de gagner de l’argent.
Mais ces deux hommes attirent les ennuis comme un blog pornographique attire les pervers. Ainsi, ils seront poursuivis par la police, puis par des néo-nazis et par un groupe de country. Les courses poursuites sont directement inspirées de French Connection et sont outrageusement parodiées pour notre plus grand plaisir. La première d’entre elles se situe en grande partie dans un centre commercial et les conducteurs n’hésitent pas à foncer dans les vitrines sans autre objectif que de les détruire. Mais la dernière est sans doute la plus réussie : cascades en folie, dizaines et dizaines de véhicules à la poursuite des frères Blues, la police, les néo-nazis, le groupe de country, puis viendra l’armée, les pompiers… Puis des centaines voire des milliers de figurants pour attraper deux pauvres types qui ne cherchent qu’à sauver un orphelinat !
Bien évidemment, vous l’aurez compris, tout est bon pour la surenchère dans ce film, et c’est tant mieux. On pourrait le lui reprocher, mais c’est tout à fait dans l’esprit des personnages, complètement décalés de la réalité, se sentant investis d’une mission divine. C’est une parodie donc, et tout est bon pour ridiculiser la police, les groupes néo-nazis, mais aussi la country, musique sudiste par excellence qui n’a guère sa place à Chicago et ses environs.
Outre l’action, il faut rappeler que c’est aussi bien entendu un film musical ! Et quelle musique ! Quel pied ! On reconnaîtra chaque morceau, on reconnaîtra Aretha Franklin, Ray Charles, John Lee Hooker, James Brown et tant d’autres ! Ce film est donc comme nous le disions un bel hommage à ces artistes qui ont révolutionné la musique. Ray Charles invente la Soul, Aretha Franklin la sacralise, James Brown la parraine et apporte un peu de funk aux années 70, John Lee Hooker fait pleurer sa guitare d’un blues mélancolique et brut, et tout ça sous le regard noir des frères Blues qui n’ont qu’une seule idée en tête, remonter sur scène.
Et alors on attend impatiemment qu’ils arrivent sur cette fameuse scène et qu’ils se mettent à chanter “Everybody needs somebody to love”, car c’est sans doute le clou du film. Quand enfin ils montent sur scène, le public est pétrifié de voir ces hommes en noir, et peu importe si ce public est froid, les voilà qui bougent, chantent, jouent, et c’est le poids des années passées qui ressurgit, le poids d’une musique qu’on n’entend plus à la radio. Les frères Blues s’en donnent à cœur joie, on a tous attendu ce moment, et on danse sur son siège, car on aimerait être dans la salle, être en concert et hurler you ! you ! you ! au rythme de la chanson.
Les scénaristes poussent ainsi la parodie un peu plus loin, avec le personnage étrange joué par Carrie Fisher qui cherche par tous les moyens à tuer les frères Blues, et qui semblent ne pas se soucier des roquettes, du lance flamme, etc… L’intervention du groupe néo-nazi est aussi une prise de position intéressante pour ces blancs complètement amoureux de la culture afro-américaine. En ridiculisant ces aryens, ils montrent combien leurs idées sont stupides et que les Noirs peuvent faire des choses merveilleuses telle que leur musique.
Mais ce film, c’est aussi un besoin de liberté, c’est presque un road-movie, bien qu’on puisse chipoter sur le terme. Mais c’est sans nul doute une quête, une quête de reconnaissance et une quête de liberté donc. C’est tout simplement l’histoire de ces afro-américains qui un jour lors de la lutte des droits civiques se sont battus pour leur liberté, mais aussi une reconnaissance de par leur culture, leur musique, leur littérature, etc… Bref, The Blues Brothers, vous l’aurez compris, c’est 30 ans de culture noire à qui deux blancs rendent hommage. Superbe.
Certes, on pourra peut-être trouver quelques longueurs, par l’impatience que nous pourrions par exemple avoir de voir le groupe enfin chanter leur chanson phare, mais détrompez-vous : ce film n’est pas culte pour rien, il y a là, au-delà de l’hommage au Rhythm and blues noir américain, une vision cinématographique précise du divertissement : le délire poussé à son paroxysme. Mais un délire maîtrisé.
Bref, un grand film !