Terreur à l’hôpital central – Jean-Claude Lord
Visiting Hours. 1982Origine : Canada
|
Pour avoir eu l’audace de prendre publiquement la défense d’une femme battue coupable d’avoir répliqué trop vigoureusement à son mari, une présentatrice de télévision (Lee Grant) est poignardée chez elle. Transférée à l’hôpital, elle survit à ses blessures. Mais l’assassin (Michael Ironside), décidément très macho, se rendra lui aussi à l’hôpital, bien décidé à faire payer cette féministe agitée.
En rupture provisoire de David Cronenberg, le trio de producteurs canadiens Claude Héroux, Pierre David et Victor Solnicki ne peut rester inactif. L’horreur canadienne a prouvé qu’elle pouvait être fiable, surtout à une époque où le genre se démocratise, dans la mouvance de Halloween et des slashers à gogo. Mais que faire sans l’inventivité de Cronenberg ? Ne serait-ce pas un manque d’ambitions de la part des producteurs de Chromosome 3 et, bientôt, de Videodrome, que de se limiter à un énième jeu de tuerie, à l’instar du Monstre du train, précédente tentative canadienne ? Oh que si ! Rusés, les trois hommes confient à un de leur poulain, Jean-Claude Lord, le soin de réaliser un film capable de voguer sur la mode sans pour autant pleinement en faire partie. Malgré son affiche, Terreur à l’hôpital central s’éloigne des slashers lambdas pour se rapprocher des thrillers à la De Palma. Point d’adolescents festifs à l’horizon, mais des adultes sérieux, menacés pour une raison bien précise, par un homme non masqué prenant un minimum de précautions pour ne pas se faire remarquer. Lord ne s’approche jamais du fantastique, ni même de l’horreur, et les meurtres de son tueur se font très peu sanglants. Pas d’humour potache non plus, le film ne s’adressant pas explicitement à un public adolescent. Enfin, le réalisateur fait l’impasse totale sur l’érotisme, malgré un tueur machiste qui aurait très bien pu choisir de s’en prendre comme le sieur Voorhees aux étudiantes délurées. C’est dire si Terreur à l’hôpital central est un film sobre. Le profil du tueur serait même là pour l’orienter vers une histoire sordide à la Maniac : l’excellent Michael Ironside, au faciès déjà peu avenant, incarne un homme dont les relations avec les femmes sont tumultueuses. Au gré des (très peu nombreux) flash-backs, ses motivations sont dévoilées : enfant, il a vu sa mère jeter de l’huile bouillante au visage de son père, ivre. Il n’en faut pas plus pour orienter la destinée d’un solide gaillard dont les méfaits ne se démarrent pas au début du film, puisque chez lui figurent les photos de femmes agonisantes. Ironside incarne ce rôle avec suffisamment de froideur (il ne parle pratiquement jamais) et de virilité pour rendre crédible ce tueur machiste et pour permettre au film de se doter d’une légère critique du conservatisme masculin réduit à la violence pour s’imposer.
Malheureusement, Jean-Claude Lord se tire lui-même une balle dans le pied en ne se montrant pas capable de tirer un scénario digne de son psychopathe. La personnalité de sa victime n’est pas à remettre en cause : c’est une femme engagée payant le prix de son engagement. En revanche, entre leur première et leur dernière rencontre, les deux antagonistes seront séparés par du remplissage souvent indigeste. L’hôpital étant un lieu bien gardé, ce sera un vrai parcours du combattant pour que le tueur arrive jusqu’à sa proie ! Plusieurs fois il rentrera chez lui bredouille, à peine satisfait d’avoir pu assassiner ici une petite vieille, là une infirmière. Des crimes gratuits que le sérieux du film n’imposait pas, et qui contribuent à “slasheriser” l’ensemble. Plusieurs fois également le personnage trouvera un prétexte bidon pour ne pas se faire repérer. Cela ira du déguisement d’infirmier à l’auto-mutilation afin d’être hospitalisé. Le constat est alors terrible : autant le charisme du tueur en impose, autant ses talents sont réduits. Comme de par hasard, la seule scène valable faisant ressortir le côté psychotique du tueur se déroulera à l’extérieur et prendra des allures de Maniac, le gore en moins. De là à conclure que l’idée de situer l’intrigue dans un hôpital (à l’instar d’Halloween 2) fut une grosse erreur, il n’y a qu’un pas, aisément franchi. En désespoir de cause, Lord ira même jusqu’à faire intervenir un autre personnage féminin, plus accessible : une jeune infirmière, admiratrice et protectrice de la journaliste. Le procédé est vain et ne fait que faire ressortir davantage le manque d’idées des scénaristes. Pourquoi, d’un seul coup, la véritable proie s’efface-t-elle pour un second choix ? C’est que le film tourne à vide, peine à se renouveler, à l’image de la mise en scène, abusant atrocement des visions subjectives, caméras à l’épaule. Lord fait tout ce qu’il peut pour faire croire qu’il se passe quelque chose (il donne même un petit rôle à une “star”, William Shatner), mais la réalité est que la rencontre tant espérée entre Michael Ironside et Lee Grant (c’est à dire ni plus ni moins que la base même du film) se fait attendre. L’ennui se profile, jusqu’à la fin du film qui, enfin, répondra aux attentes avec une longue-course poursuite dans les couloirs de l’hôpital. Dommage qu’il ait fallut en passer par autant de vacuité. Pour peu, on en viendrait presque à regretter que le film n’ait pas été un slasher envoyant un quelconque fou furieux masqué dessouder tout ce qui bouge.