Swamp Women – Roger Corman
Swamp Women. 1955Origine : Etats-Unis
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Après une occasion manquée (The Fast and the Furious, finalement confié à John Ireland, qui autrement refusait de tourner dans le film), Roger Corman ne mit pas longtemps à dégoter un film à réaliser. Il le trouva même immédiatement, en cette belle année 1955. Selon son autobiographie, le western Cinq fusils à l’ouest fut donc sa première expérience derrière la caméra, la première d’une série de tournages à la chaîne. Bien que le film soit étonnement oublié de ses riches mémoires, Swamp Women fait parti de ce tout début de carrière, au milieu de deux westerns et de deux films de science-fiction. Ceci expliquant peut-être cela, Swamp Women est le seul de ces films à ne pas avoir été produit par Corman lui-même, mais par Bernard Woolner, dont la courte carrière, démarrée avec ce présent film, atteignit son apogée lorsque Nathan Juran tourna son Attaque de la femme de 50 pieds quelques années plus tard. En revanche, on y trouve déjà en filigrane ce qui fera le sel des futures réalisations et des futures productions Corman.
“Meilleure femme flic” que son patron ait connu, le lieutenant Lee Hampton (Carole Mathews) est chargée d’infiltrer un trio féminin, le célèbre gang Nardo qui croupit actuellement en taule. Le but de Lee est d’aider les criminelles à s’évader, puis de les accompagner jusqu’à ce qu’elles révèlent l’emplacement exact de leur butin, des diamants enterrés quelque part dans les marais de Louisiane. Une bien périlleuse mission.
Une intrigue qui fleure bon le WIP, ou plutôt les fins des films de “Women In Prison”, lorsque les détenues parviennent à s’échapper pour se retrouver dans des endroits hostiles. Corman, tout comme ses réalisateurs le feront plus tard avec Big Doll House ou Big Bird Cage, se soucie comme d’une guigne de la crédibilité. Son film est une série B (en couleurs !) dont les ingrédients incontournables prennent le dessus sur le scénario. Mais nous sommes en 1955 et le draconien Code Hays est toujours de rigueur, obligeant Corman à demeurer assez prude. C’est un rude coup porté à un film comme celui-ci, qui supporte de fait assez mal l’épreuve du temps et de la comparaison avec ses semblables des années 70. Misant beaucoup sur l’érotisme et le crépage de chignon, le réalisateur se voit donc limité à des shorts moulants, à des chemises mouillées et à des dialogues plutôt sages. Pourtant, ses héroïnes féminines disposent de bien des atouts, avec en premier lieu leurs personnalités bien trempées : Josie (Marie Windsor) est le cerveau de l’équipée et tente de maintenir l’ordre dans ses troupes. Billie (Jil Jarmyn) est la blonde de service, celle qui de loin ressemble à Marilyn Monroe et qui se distingue par un intellect limité. Vera (Beverly Garland) est la rouquine grande gueule, violente et odieuse. Quant à Lee, en temps qu’infiltrée, elle s’adapte aux situations. Ce sont donc à peu de choses près les mêmes caractères que dans les futurs WIP produits par Corman. Quelques unes de ces actrices resteront d’ailleurs fidèles au réalisateur et feront une jolie carrière dans la série B. Ne doutons pas qu’elles eussent été dans les parages de Pam Grier si elles avaient été plus jeunes…
A défaut de nymphomanie et de violence, les filles du gang Nardo se distinguent tout de même par leur côté “femmes fortes” : Corman n’a jamais caché sa sympathie pour le féminisme, et il se plait ici à renverser les valeurs traditionnelles. Le banditisme n’est pas l’apanage des hommes, pas plus que la débrouillardise en milieu hostile ou même l’agressivité sexuelle. Les dames du gang Nardo n’hésitent pas à se menacer pour l’appât du gain, à trainer dans des marécages et à chosifier un otage masculin. Car afin de mieux souligner leur non-conformisme, le réalisateur leur balance un duo d’otages ce coup-ci caricatural des valeurs morales de l’Amérique des années 50. L’homme est un fier aventurier devant lequel se pâme une prude jeune fille à papa. Le film démarre d’ailleurs avec ce consternant duo, qui projette avec joie de passer un agréable week end dans les marais. Mais la rencontre du gang aménera la bourgeoise à de constants sanglots et le jeune fier-à-bras à subir les assauts répétés de ses ravisseuses, jalouses les unes des autres… Lâcheté pour la femme, infidelité pour l’homme (qui ne résiste pas à la tentation), le couple modèle de l’introduction en prend définitivement un coup. La femme plus que l’homme, d’ailleurs, puisqu’elle périra sous les dents d’un crocodile qui passait par là. Corman a bien entendu recours à quelques procédés faciles du film d’aventure tels que ce crocodile, mais aussi un serpent ou encore l’inévitable embourbement dans les marais boueux. Quelques stock shots permettent de faire passer la pillule d’un lieu de tournage pas forcément aussi sordide que l’aurait exigé l’histoire.
L’ensemble reste cela dit assez bavard, et les bonnes intentions de Corman, évidentes, ne suffisent pas à sauver totalement le film, décidément trop handicapé par la timidité de l’époque (quant au budget limité, le bon Roger a prouvé par la suite qu’il savait s’en accommoder). Voilà un film qui aurait gagné à subir un remake quelques vingt ans plus tard, bien entendu dans le cadre de la New World Pictures.