Survivance – Jeff Lieberman
Just before dawn. 1981.Origine : États-Unis
|
“Promenons-nous dans les bois,
pendant que le loup n’y est pas.
Et même si il y était,
et bien on s’en ficherait!“
Telle est la comptine -aux paroles approximatives- que pourraient chantonner les cinq jeunes gens (2 filles, 3 garçons) partis camper sur les hauteurs d’une forêt perdue au fin fond des États-Unis. Faisant fi des avertissements successifs du garde forestier et d’un type empestant l’alcool, ils se retrouvent bien vite à la merci de deux timbrés aux pulsions assassines.
Au début des années 80, le slasher fait recette à la suite des deux grosses locomotives que sont Halloween et Vendredi 13. On ne compte alors plus les scripts à base de jeunes gens confrontés à un tueur sadique. Le scénario qui s’offre à Jeff Lieberman répond à cette donnée. Or, il goûte fort peu ce genre de film. Le crédit que lui ont apportés ses deux précédentes réalisations (La Nuit des vers géants, Le Rayon bleu) lui permettent de réécrire l’histoire à sa convenance, à condition de conserver la traque des jeunes gens. Lui, souhaite davantage réaliser un film dans la mouvance de Délivrance. Ce qui s’annonce déjà comme une gageure compte tenu de la qualité dudit film, se complique encore du fait des impératifs auxquels Jeff Lieberman doit se plier. On ne s’étonnera donc pas du caractère hybride de Survivance.
Dès le départ, Jeff Lieberman évente les mystères de la forêt en nous montrant deux autochtones se faire attaquer par un jovial joufflu. Le danger étant déjà identifié, une grande partie de l’intérêt de Survivance s’envole. Lorsqu’apparaissent les cinq jeunes gens, on sait qu’ils se jettent dans la gueule du loup avec l’insouciance de joyeux campeurs désireux de réussir leurs vacances. Et l’avertissement du garde forestier de prendre un sens prophétique alors qu’il ignore tout de l’ignominie tapie dans les sous bois. Comme il ignore également l’inexistence d’un lac d’argent dans sa zone d’influence. M’est avis qu’il ne doit pas souvent mettre son nez hors du périmètre de sa propriété. Nos amis se dirigent donc tranquillement au sommet de la montagne, ne prêtant pas attention aux propos d’un homme terrorisé croisé en chemin, ni même au passager clandestin qui s’est hissé à l’arrière du camping-car. Seul le paysage trouve grâce à leurs yeux. On ne peut qu’acquiescer devant la magnificence de celui-ci, alternant forêts profondes et rafraichissantes, cascade, cours d’eau et plaines accueillantes à l’herbe généreuse. Jeff Lieberman met en valeur le cadre de l’intrigue, et nous enjoint à suivre la bande d’amis dans leurs pérégrinations. Rien ne distingue ces personnages de ceux des autres slashers. Nous avons là deux couples et un cinquième larron qui tient la chandelle. Ils s’amusent à se faire peur, picolent un peu mais ne forniquent jamais. Ce sont de braves gens qui pour la plupart ne comprendront pas ce qui leur arrive.
Nous, on ne le comprend que trop bien et on s’en fiche un peu. Comme dans tout bon slasher qui se respecte, on ne ressent rien pour les personnages, se surprenant même à souhaiter qu’ils meurent dans d’atroces souffrances. Sauf que Jeff Lieberman ne souhaite pas se complaire dans le gore et évite soigneusement de trop nous en montrer. Intention louable si celle-ci s’accompagnait d’une atmosphère putride et morbide. Un peu comme dans Délivrance, tiens ! Malheureusement, le réalisateur échoue dans les grandes largeurs et ne nous offre au final qu’une escapade bucolique agrémentée de meurtres, mais dénuée de toute ambiguité. Une fois le premier membre du groupe assassiné, tout s’enchaîne de façon trop mécanique. La justification du massacre tombera comme un cheveu sur la soupe, et ne réhaussera nullement l’intérêt d’un film qui cède à la facilité. Ainsi, les derniers survivants trouveront sans peine l’habitation d’une famille vivant là depuis des décennies, comme si le parcours était soudain fléché. Ne sachant trop comment instaurer un peu de suspense, Jeff Lieberman a recours à cette scène abracadabrante qui nous montre le couple rescapé se séparer en pleine nuit alors que elle comme lui n’ignorent pas que la menace rôde aux alentours. Pas très finaud.
Bien qu’il s’en défende, Jeff Lieberman n’a ni plus ni moins réalisé qu’un slasher lambda, légérement teinté de “survival”. D’ailleurs, comme dans les Vendredi 13 et consorts, c’est une jeune femme, la plus effacée, qui prendra les choses en main et mettra un terme aux agissements de l’abominable tueur. Certes, le slasher n’a engendré que peu de bons films, mais au moins faut-il reconnaître au genre de ne pas se complaire dans le machisme ambiant et de promouvoir la femme au rang de super héroine. Ici, Jeff Lieberman pousse le bouchon encore plus loin en transformant celui qui semblait être le leader du groupe en véritable lavette, juste bon à regarder sa copine se démener comme une diablesse pour sauver leur vie. Gregg Henry peut se targuer d’être le premier “scream king” du cinéma d’horreur. Voilà qui compense quelque peu le fait de s’être compromis dans ce tout petit film d’horreur aux ambitions démesurées.