CinémaDrame

Sorority Girl – Roger Corman

sororitygirl

Sorority Girl. 1957

Origine : Etats-Unis
Genre : Drame
Réalisation : Roger Corman
Avec : Susan Cabot, Barboura Morris, Dick Miller, June Kenney…

Dans sa fraternité d’étudiantes, Sabra (Susan Cabot) fait office de brebis galeuse. Fille de riche sophistiquée et vaniteuse, elle semble prendre un malin plaisir à afficher son mépris pour ses camarades. Son comportement lui vaut logiquement le dédain de toutes les jeunes filles menées par la populaire Rita (Barboura Morris) et son copain, le barman Mort (Dick Miller). La seule fille qui cherche à la fréquenter est la rondelette Ellie, une nouvelle que Sabra utilise comme sa bonne à tout faire.

En 1957, l’une des tendances cinématographiques était le film de jeunes filles. Une cible commerciale réduite mais qu’American International Pictures n’avait aucune raison d’ignorer. C’est donc à Roger Corman, l’homme providentiel de cette année 1957 (presque dix films en un an, quand même), qu’échut l’honneur de tourner ce petit film d’exploitation dont le sujet peut aujourd’hui faire penser aux sitcoms AB (Hélène et les Garçons, Premiers Baisers et tutti quanti) en vogue dans les années 90. Tout semble en effet concorder: un univers très cloisonné (comprenant la chambre de l’héroïne, la cafétéria, les couloirs du bahut), des soucis typiquement adolescents (bien entendus adaptés à leur époque) et évidemment la présence d’une peste venant casser l’enthousiasme de ces jeunes bien comme il faut en cherchant à voler le copain de leur chef, en manipulant une personnalité naïve et admiratrice et en pratiquant sans vergogne le chantage. Autant d’éléments que partage Sorority Girl avec les productions AB. Et pourtant, la différence est criante. Tout d’abord parce que Corman prend ici pour héroïne la peste de la confrérie, qu’il dote d’un solide bagage psychologique. Les gentils jeunes n’intéressent que peu le réalisateur, qui à la différence du premier Jean-François Porry venu, n’est pas là pour amuser la galerie et qui de ce fait se détourne des gens normaux (comprendre “avec un sens moral respectable”) pour s’attarder sur ceux qui au contraire sont marginalisés. Si Sabra pratique le même genre de persécutions grossières que la première garce venue, elle se démarque pourtant d’elle par la présence d’un élément motivateur de son comportement: le manque d’affection de sa mère, qui se comporte avec elle comme Sabra se comporte avec ses camarades. L’argent n’y change rien, et Roger Corman illustre clairement le proverbe “l’argent ne fait pas le bonheur”. Classique sur le fond, beaucoup moins sur la forme, qui prend des allures très agressives venant même attaquer la jeunesse soumise à la bonne morale, qui ne fait rien pour cerner la personnalité de la jeune femme, la condamnant ainsi à rester dans son rôle de trouble-fête, voire à le renforcer. Ainsi, toutes les jeunes filles mal dans leur peau paraissent isolées: Ellie avec son surpoids, mais aussi Tina (June Kenney), qui tente de garder le secret de sa grossesse. Sabra n’est que l’illustration la plus criante de cette donnée, et son mal-être, beaucoup plus profond que celui des deux autres, l’amène justement à être invivable. Dépassant le simple statut de garce, elle arrivera même au stade de la violence physique avec Ellie, et elle sera près de conduire Tina au suicide. Corman ne cautionne pas ces actes: il se borne à démontrer que tout comportement psychotique à des racines qu’il convient de découvrir. Il anticipe ainsi sur des principes d’éducation qui seront finalement adoptés au cours de la décennie suivante.

Sorority Girl est un film beaucoup plus noir qu’il n’y paraît, un véritable drame adolescent qui est voué à se terminer sans happy-end, le film démarrant par une Sabra désespérée racontant au spectateur son histoire, c’est à dire tout le film (qui est donc un long flash back). Susan Cabot, dont il s’agissait de la première collaboration avec Roger Corman, montre de grands talents d’actrice (mention spéciale aux scènes dans lesquels Sabra est confrontée à sa mère) qui contribuent à tirer le film vers le haut, vers un stade où l’intérêt des spectateurs les moins intéressés par ce drame adolescent pourra être titillé. Le comportement de l’actrice pendant le tournage, particulièrement sensible, poussera même Corman à suivre des cours de dramaturgie afin de mieux comprendre ses acteurs. C’est au cours de cette formation qu’il rencontra un certain Jack Nicholson, qui allait suivre le réalisateur dans ses aventures.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.