Scream 4 – Wes Craven
Scream 4. 2011.Origine : États-Unis
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10 ans après avoir réchappé pour la troisième fois à la folie homicide de ses contemporains, Sidney Prescott revient à Woodsboro pour promouvoir son livre confessions, Out of Darkness. Son retour coïncide avec une nouvelle vague de meurtres qui semblent calqués sur ceux de 1996. Elle qui pensait pouvoir définitivement tourner cette page sanglante de sa vie au terme de cette campagne promotionnelle en est pour ses frais. Une fois encore, elle va devoir s’accrocher à la vie, tout en gardant un œil protecteur sur sa cousine, Jill Roberts, dont l’entourage pâtit de ce triste anniversaire.
A l’heure des remakes à tout va, un Scream 4 dix ans après les dernières mésaventures de son héroïne Sidney Prescott paraît bien saugrenu. Ce serait omettre deux données fondamentales : l’incroyable cynisme qui régit la série depuis l’inattendu succès de Scream premier du nom, et l’impasse dans laquelle se trouve la carrière de Wes Craven depuis ce même film. Certes, les Scream lui ont rapporté beaucoup d’argent et permis de donner chair à son rêve de toujours – réaliser un film “prestigieux” (La Musique de mon cœur, avec Meryl Streep) – mais ils l’ont aussi enfermé dans une formule de films pour teenagers dont il n’arrive plus à se dépêtrer (Cursed, My Soul to Take). Mais le veut-il vraiment ? A regarder sa filmographie de plus près, on note un certain renoncement de sa part qui date de l’échec de Freddy sort de la nuit, encore plus patent depuis la réalisation de son rêve. Non seulement il n’apporte plus rien au genre qui a fait sa gloire, mais on ne lui en sent plus l’envie. Il cède donc bien volontiers aux sirènes des studios, ne rechignant pas à la position confortable du réalisateur d’une franchise à succès. Preuve en est sa participation à la série télé Scream annoncée pour le courant de l’année, et dont il doit réaliser le pilote. La perspective d’assister à un whodunit décliné sur une douzaine d’épisodes avec son mort par semaine a de quoi laisser dubitatif quant à l’intérêt de l’entreprise. Le procédé risque d’être un chouia redondant à l’image de ce quatrième opus qui n’apporte pas de réels développements à la saga, se bornant à en recycler les grosses ficelles qui la sous-tendent.
Depuis Scream 3, les néo-slashers ont peu à peu laissé place aux « torture porn » suite au succès de Saw, sorti en 2004. Une modification du paysage horrifique dont tient évidemment compte Kevin Williamson en la raillant dès l’entame à tiroir de Scream 4 sur l’air de « ces films ne font pas peur et les personnages ne sont pas fouillés ». Si dans l’absolu, cette pique semble frappée du coin du bon sens, dans le contexte de la saga, elle paraît un brin faux-cul. En l’espace de quatre films, et une quinzaine d’années, les personnages de Sidney Prescott, Gale Weathers et Dewey Riley demeurent les mêmes personnages stéréotypés qu’au début : l’héroïne virginale aux yeux perpétuellement embués, l’arriviste que même l’amour ne suffit à adoucir, et l’imbécile heureux qui a toujours un train de retard sur l’intrigue. Les évolutions apportées par ce quatrième opus sont minimes (Sidney affronte ses peurs en les retranscrivant par écrit, Gale tait ses ambitions professionnelles au profit de son couple, Dewey est devenu le shérif de la ville) et les cantonnent aux mêmes fonctions que lors des épisodes précédents (Sidney subit les assauts du tueur tandis que Gale tente d’en profiter pour se refaire une place au soleil et que Dewey s’emploie à rétablir l’ordre). Quant aux nouveaux personnages, ils ne sont qu’une resucée – volontaire – des personnages que nous connaissons. Car si l’idée d’un remake n’a pas été retenue, ce quatrième opus se fait fort de tourner autour du concept à grand renfort de dialogues entendus dont Kevin Williamson a le secret.
Toujours dans ce souci de se montrer plus malin que son sujet, le scénariste attitré de la saga (signé Erhen Kruger, le scénario de Scream 3 avait été rédigé en suivant les quelques instructions laissées par Kevin Williamson) n’en finit plus de disserter sur les données d’un remake qui, à en croire les divers protagonistes adolescents du film, se doit d’être supérieur à l’original. Comme une suite, en somme. De fait, le sujet ayant déjà été largement débattu dans Scream 2, la redondance guette. Il en va de même des nouveaux personnages qui chacun à leur manière reprennent les caractéristiques d’un personnage du premier film (la cousine Jill incarne la nouvelle Sidney, l’adjointe Judy Hicks est un équivalent de Dewey, l’attachée de presse arriviste singe Gale etc…). Un principe de dédoublement déjà à l’œuvre dans Scream 3 qui distille une lancinante impression de déjà-vu totalement assumée puisque faisant pleinement partie de l’entreprise. Si le premier Scream se construisait par rapport à quelques classiques du genre – Halloween en tête – désormais, chaque nouvel épisode de la saga se construit par rapport aux précédents volets dans une sorte de mise en abyme permanente qui tient lieu de réflexion sur le genre. En quinze ans, le point de vue de Kevin Williamson sur le genre n’a guère changé, duquel transparaît une certaine condescendance. Persuadé d’avoir tout compris, le bougre enfonce des portes ouvertes en prenant un malin plaisir à expliciter son propos pour être bien certain que son public cible saisisse où il veut en venir. Il en résulte des films outrageusement bavards qui donnent la désagréable impression que dans chaque scène on prend le temps de nous expliquer pourquoi il se passe ceci ou cela. Dans les Scream, le procédé atteint son apogée lors de climax à la « Scoubidou » qui voient le ou les tueurs s’expliquer longuement sur les raisons qui les ont poussés à jouer du couteau. Ce passage obligé de la saga se double ici d’une réflexion sociétale qui aurait pu être intéressante si elle ne donnait pas l’impression de nous être assénée à grands coups de burin. La subtilité n’est décidément pas la qualité première du bonhomme.
En bon fonctionnaire de l’horreur qu’il est devenu, Wes Craven se met au diapason d’un scénario laborieux et paresseux. Loin de rechercher l’originalité dans les meurtres (le couteau demeure l’arme privilégiée), il s’en remet à la brutalité des assauts comme seul moteur d’adrénaline. Cette approche a le mérite de l’efficacité mais se retrouve le plus souvent noyée dans d’interminables conversations téléphoniques en guise de montée de suspense. Pour emblématiques qu’ils soient, ces passages obligés portent en eux les germes de leur propre parodie. Wes Craven et Kevin Williamson en ont conscience sans pour autant vouloir changer leur fusil d’épaule. Chaque appel à la voix trafiquée se voit systématiquement remis en doute par les différents interlocuteurs avant de s’avérer à chaque fois vecteur de morts. Visiblement, les deux hommes jugent leur concept plus fort que tout, et se refusent à l’abandonner, ou tout du moins à le moderniser. Pour peu que l’intrigue évoque les nouveaux moyens de communication tels les réseaux sociaux, ceux-ci se retrouvent relégués au rang de simples balises temporelles sans qu’un quelconque usage n’en soit fait. Il en va ainsi de cet étudiant, jeune blogueur à la webcam constamment vissé à ses lunettes. Plutôt que d’en jouer et d’intégrer ces images en caméra subjective à la narration, bouclant en quelque sorte la boucle avec la matrice Halloween, Wes Craven en offre un usage d’une pauvreté effarante, se bornant à un gag. En un sens, tout le film pourrait s’apparenter à un énorme gag si n’émanait de sa conclusion un fort sentiment d’auto-satisfaction.
Loin de réitérer leur coup de maître initial, Wes Craven et Kevin Williamson inscrivent pleinement leur film dans la mouvance de l’époque, entre remake et hommage appuyé. Sauf qu’à force de se croire plus malin que tout le monde, leur film – mauvais au demeurant – en devient détestable. C’est bien beau de vouloir donner la leçon en montrant qu’ils ne sont dupes de rien mais à défaut d’avoir un propos pertinent (parce que ça fait tout de même quatre films qu’ils ressassent la même rengaine !), au moins auraient-ils pu faire un effort sur la forme. Or Scream 4 déploie un je-m’en-foutisme à tous les niveaux, dont on ne retiendra pas l’ombre d’une scène, ni d’une idée. Wes Craven devrait vraiment arrêter les somnifères et se remettre à rêver.