CinémaHorreur

Night of the Demons 3 – Jimmy Kaufman

Night of the Demons 3. 1997

Origine : Canada
Genre : Horreur
Réalisation : Jimmy Kaufman
Avec : Amelia Kinkade, Kris Holden-Ried, Gregory Calpakis, Stephanie Bauder…

C’est Halloween ! Pendant que Holly et Abbie tombent en rade en allant au bal du bahut, Vince, Nick et leur petite bande roulent sans destination précise à bord de leur van. Les deux filles sont cordialement invitées à bord du van où l’ambiance entre convives n’est pourtant pas au beau fixe. C’est que Nick ne cache plus son agacement face au comportement tyrannique de Vince. Un peu de gnôle et de clopes achetées à la supérette du coin pourraient ramener les esprits à la raison. Sauf que le caissier refuse de leur vendre au motif qu’ils n’ont pas l’âge légal. Le ton monte, le vendeur sort son fusil, Vince lui arrache des mains… Et c’est à ce moment-là que deux flics débarquent et qu’un nouvel esclandre s’ensuit. Un des jeunes se prend une balle dans le bide, tandis que Vince réplique en tirant sur un des flics. Nick doit assommer l’autre pour que la bande puisse se carapater. Dans leur fuite, le flic qui n’est pas resté inconscient bien longtemps tire sur leur van, perçant le réservoir… Si Nick souhaite déposer leur camarade blessé à l’hôpital, Vince, qui a toujours sa pétoire, leur impose de trouver une planque. Et la seule envisageable n’est autre que la Hull House de sinistre réputation : cette ancienne maison funéraire fut déjà deux fois le théâtre de massacres et passe (à raison) pour l’antre des démons. Du reste, Angela, la reine d’entre eux, y vit toujours et accueille les intrus avec un certain amusement…

Si le premier Night of the Demons avait été un très honorable avatar de Evil Dead, sa séquelle a fait long feu. Le film de Kevin Tenney était agréablement malsain et particulièrement tendu. Celui de Brian Trenchard-Smith (un “direct to video”) plongeait tête la première dans l’anonymat en faisant accéder la charismatique Angela au rang de vedette, en lui attribuant une personnalité à la Freddy Krueger, en se consacrant à des personnages insipides et en aseptisant l’ambiance lourde du premier film. Une seconde séquelle toujours sous forme de “direct-to-video” ne s’imposait donc pas franchement. Mais Kevin Tenney, qui s’était tenu à l’écart de la première, revint aux manettes en reprenant le poste de scénariste qui avait été occupé par Joe Augustyn sur les deux premiers films. Quant à la réalisation, elle incomba cette fois à Jimmy Kaufman, peu habitué au cinéma d’horreur et dont le principal fait d’armes avait été jusque là la romance A Star For Two avec Lauren Bacall, Anthony Quinn et Jean-Pierre Aumont (inédit dans l’hexagone, bien que co-produit par des français). “Pourquoi pas ?”, pourrait-on se dire. Et bien parce que le résultat final ne fut guère du goût de Tenney, qui jugea son scénario dénaturé au cours d’un tournage auquel il n’assista pas. Il essaya bien de rattraper l’affaire au moment du montage qu’il effectua lui-même, mais cela se fit au prix selon lui des meilleurs scènes d’un scénario qu’il jugeait pourtant être le meilleur des trois films. Tant et si bien que Kevin Tenney répudie aujourd’hui Night of the Demons 3 alors qu’il porte pourtant un jugement positif sur le volume 2, lui concédant toutefois de contenir “trop de blagues et pas assez de frissons” et d’être esthétiquement moins travaillé que le film de 1988. Conséquence : la trilogie ne se transforma jamais en quadrilogie. En revanche, Tenney produisit un remake sorti en 2009 dans une indifférence quasi-générale.

Effectivement, des choses à reprocher à Night of the Demons 3, il y en a à la pelle. La première et la plus importante est encore que le film passe largement à côté de son sujet en consacrant sa première moitié à concocter un improbable imbroglio criminel. Tenney aurait-il été influencé par Reservoir Dogs (avec lequel il partage cette idée de “planque” suite à un casse ayant mal tourné) ou autre Une nuit en enfer (où de vilains drôles se retrouvaient confrontés à des puissances maléfiques) ? Ce n’est pas impossible, mais en tout cas ni lui ni le réalisateur Jimmy Kaufman ne sont Quentin Tarantino. Dire que ni les personnes ni la situation dans laquelle ils se retrouvent ne sont comparables à celles de ces deux films relève de l’euphémisme. La bande de Vince s’inscrit plutôt dans la galaxie des personnages de slasher : il y a le dur au grand cœur (Nick), le bout-en-train (Reggie), le suiveur en quête d’affirmation (Orson), la pom-pom girl en chef (Holly), sa copine complexée (Abbie)… et puis Vince et sa petite amie Lois. Ce sont ces deux-là qui, pour reprendre les termes d’un des personnages, s’improvisent comme des “Bonnie and Clyde” (version jeunes adultes). C’est Vince qui avec son regard noir et ses cheveux de grunge manie le fusil, la menace et la contrainte, et c’est Lois qui se délecte de cette épopée vaguement criminelle, non sans en retirer certaines bouffées de chaleur. Assez ridicule, ce couple tend à se prendre au sérieux non sans que le réalisateur ne leur emboîte le pas en jouant réellement la carte Reservoir Dogs à base d’engueulades et de mise en joue pendant qu’un des larrons se vide de son sang. Là encore : dans le fond, pourquoi pas. Une nuit en enfer a en outre montré qu’un soudain basculement entre le thriller et l’horreur pouvait fonctionner -d’autant que les vampires du film signé Robert Rodriguez ne sont pas si éloignés des créatures de Night of the Demons. Mais pour y parvenir, encore aurait-il fallu que le scénario ne vienne pas par derrière amoindrir la portée du crime commis dès la cavale entamée. Or, sitôt Vincent et sa bande partis, le flic fusillé se relève (il portait un gilet pare-balle !), l’inspecteur débarque et se met à nous gonfler à parler de son obsession pour la magie (cela durera tout le film), alpague le caissier qui a profité de l’occasion pour prendre la recette du jour (en accusant les jeunes, le salaud) et en bon pépère qu’il est, se lance tout seul à la recherche des fuyards… Son dernier acte professionnel, puisqu’il sera en retraite à minuit. Bref, c’est Reservoir Dogs dans un bac à sable. Mais même sans écorner la nature criminelle de ces jeunes, il n’est pas dit que le film aurait pu frayer dans les mêmes eaux que Tarantino, tant ses personnages, seconds couteaux inclus, sont éloignés du standing de la bande de Harvey Keitel. Et ce n’est pas en lançant un concours de “ta mère, elle…” ou en improvisant une amourette entre le ténébreux Nick et la fadasse Holly que cela va être le cas. D’autant que les acteurs semblent vraiment piochés dans le même vivier que ceux des slashers des années 80, avec un triste satisfecit à Holly, pom pom girl assez bovine mais pourtant admirée par son amie Abbie. Laquelle étant interprétée par une meilleure actrice, cela semble étrange. Il faut d’ailleurs attendre quelques temps avant de comprendre que l’héroïne est Holly et non Abbie. Mais il est vrai qu’elle avait gagné le concours de comparaison de nibards auquel elles s’étaient livrées dans leur première scène à l’écran… La première de plusieurs scènes de nudité ou d’érotisme qui, elles aussi, balancées sans travail aucun (donc bien loin de la fameuse scène de maquillage de Linnea Quigley dans le premier film) rapprochent le film d’un slasher lambda. Et qui ne se situerait clairement pas dans le haut du panier.

De l’entité démoniaque qu’elle était dans le premier film, Angela est devenue dans le second une tueuse facétieuse, certes dotée d’un look satanique. Dans ce troisième film, elle continue dans cette voie en s’amusant ostensiblement à faire tourner en bourrique ses victimes expiatoires, quitte à passer la majeure partie du film sous sa forme humaine. Une trentenaire gothique portée sur la provocation, qui n’hésite pas à sucer sans ambiguïté le canon du flingue qu’un des jeunes pointe sur elle (scène plutôt marrante, au demeurant : c’est peut-être la seule). Tenney et Kaufman perdent clairement de vue ce qu’était le premier film et tendent à confondre l’humour noir et le second degré à la Freddy, avec pour résultat notable que comme Night of the Demons 2, Night of the Demons 3 n’a plus le moindre aspect malsain. Pas même lorsqu’il réutilise les plans du film de 1988 dans lesquels Angela flottait dans les airs à travers les couloirs (plans que le second film recyclait déjà). Notons aussi que l’aseptisation de la franchise passe aussi par l’absence notable de gore, à moins bien entendu que la déplorable copie vue pour cette critique n’ait été une version coupée. Toutefois, plus de gore ne changerait pas grand chose. Surtout si celui-ci venait à souffrir d’un défaut qui était pourtant absent du second film : la qualité déplorable des effets spéciaux, voire de maquillage. Car même l’Angela démoniaque pâtit d’un faciès nettement moins inquiétant que dans les deux premiers films. Et ne parlons pas de ses rejetons possédés : l’une est une réplique quasi exacte des félidés de La Nuit déchirée, un autre continue à arborer son masque d’Halloween (devenu organique) et une autre, très certainement la pire du lot, se singularise par un bras transformé en serpent de série B téléfilmesque (avec grande gueule et crocs bien longs). Et bien entendu, en accord avec la crétinerie générale, tout ce petit monde balance des vannes bas de plafond. Mais le pire ne réside pas dans ces effets de maquillage plus débiles que mal foutus. Le pire est atteint dans l’emploi du numérique, tout simplement immonde. Malgré un évident manque de moyens, Kaufman veut clairement faire mumuse avec cette technologie récente. Il balance donc sans honte aucune des effets de morphing aussi ostensibles que hideux, dont il semble pourtant être fier compte tenu de leur récurrence. Le paroxysme de cette horreur est atteint dès les premières minutes, avec ce générique 100% virtuel qui ressemble à s’y méprendre à une cinématique de jeu vidéo de la même époque (Playstation première du nom), alliant l’infamie numérique aux clichés gothiques les plus éculés et pourtant peu en phase avec un film qui n’est somme toute qu’une bâtardise alliant Evil Dead 2 aux Freddy.

Le bilan général de ce Night of the Demons 3 est plutôt désastreux. Autant attiré par les tares de son époque (le numérique, les éléments tarantinesques mal digérés) que par celles des années 80 (l’imbécilité ambiante et l’humour pouet-pouet), le film de Jimmy Kaufman n’a décidément rien pour lui. A part peut-être d’avoir mis un terme à une vaguelette de séquelles d’un film qui, découlant déjà de fortes influences, se suffisait largement à lui-même (en gros, il s’agissait d’un Evil Dead gothique). Il entérina en tous cas la déchéance de Kevin Tenney, qui avait pourtant solidement démarré avec le premier film et avec (à un degré moindre) Ouija. Il marqua également la fin de carrière de son actrice principale, Amelia Kincaid, qui allait quitter les plateaux pour devenir une sommité dans le domaine du psychisme animal, prétendant aider les humains à converser avec leurs animaux domestiques… Dans le genre séquelle dispensable, nous avons là un très beau représentant.

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