Mortuary – Tobe Hooper
Tobe Hooper’s Mortuary. 2005Origine : États-Unis
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Jonathan Doyle fait la tronche. Sa mère, fraîchement émoulue de thanatopraxie, les emmène, lui et sa sœur, dans un bled paumé où elle a acheté un vieux funérarium. La maison est un tel taudis que c’est à se demander comment Leslie Doyle a bien pu consentir à la prendre. Leurs conditions de vie s’annoncent difficiles. D’autant plus qu’au dysfonctionnement de la fosse septique, réparable selon les dires de l’agent immobilier, s’ajoute un problème d’une toute autre nature. D’après les on-dit des gens du coin, Jonathan apprend que leur demeure serait prétendument hantée. Et ça, un bon coup de peinture ne pourra rien y changer.
La sortie en salles de Mortuary dans nos contrées constitue un petit événement en soi, puisque cela n’était plus arrivé à un film de Tobe Hooper depuis The Mangler en 1995. Une dizaine d’années qui en dit long sur les difficultés qu’éprouve Hooper pour redevenir un cinéaste à plein temps. Heureusement pour lui, la télévision le préserve plus souvent qu’à son tour du chômage. L’autre événement aurait été que Mortuary soit un bon film, ou tout du moins, un film acceptable. Or nous sommes peut être en présence du pire titre de sa filmographie. Ce qui n’est pas une mince affaire.
Mortuary se présente comme un mélange indigeste de slasher, d’histoire de maison hantée et de film de zombies. Le slasher se retrouve dans la caractérisation des personnages d’adolescents, au nombre de six. Trois d’entre eux -deux filles, un garçon- sont estampillés mauvais bougres. Ils cherchent noise à Jonathan dès son arrivée, vandalisent pour se marrer le cimetière qui jouxte sa maison, et comble de l’infamie, s’adonnent au triolisme. Ou plutôt l’envisagent mais les êtres malfaisants qui peuplent les environs choisissent pile ce moment pour les attaquer. Face à eux, Tobe Hooper oppose Jonathan, gentil garçon et bon frère, accompagné de ses nouveaux amis Liz et Grady. A en croire les propos du réalisateur, Liz participe au mouvement gothique. A l’écran, cela se traduit par les vêtements noirs qu’elle porte. Il y a bien cette scène où elle fait part à Jonathan de son envie de voir les macchabées dont s’occupe sa mère. Sauf que, une fois son vœu exaucé, elle repart du funérarium écœurée et effondrée par la vision de son professeur de piano, dont elle ignorait le décès. Sans doute est-ce là un signe de l’ironie que Tobe Hooper se vante de distiller dans tous ses films. Quant à Grady, il représente la frange homosexuelle, nouveau quota du cinéma américain. J’ose espérer que sa mort brutale, lors de l’unique plan gore du film, ne sanctionne pas une orientation sexuelle que la morale réprouve. Le soi-disant humour de Tobe Hooper virerait alors au rance.
Le cadre du récit reprend quant à lui tous les ingrédients du film de maison hantée. En soi, un funérarium ne respire pas la joie de vivre et la bonne humeur. Celui des Doyle encore moins que les autres. Vieille bâtisse insalubre et à l’aspect peu amène, cette demeure mortuaire s’accompagne d’un cimetière, ce qui ajoute au côté funèbre de l’ensemble. Comme si cela ne suffisait pas, cette maison a connu des heures très sombres en abritant un psychopathe qui, d’après la rumeur, hanterait toujours les lieux. Grande maison peu engageante aux recoins sombres, un cimetière en guise de jardin et un hypothétique revenant qui erre dans les sous sols, tout semble réuni pour instaurer une ambiance propice à l’effroi. Et pourtant, durant près d’une heure, Tobe Hooper ne sait que faire de tous ces éléments. La nouvelle maison des Doyle ne s’affranchit jamais de son statut de simple décor, n’influant pas sur le récit. Passé le choc initial, la famille Doyle se l’approprie sans encombre. Quant au cimetière, il demeure avant tout un fabuleux lupanar pour les jeunes du coin, dont nos trois mauvais bougres cités plus avant. Il arrive bien que l’un ou l’autre des enfants Doyle aperçoive une mystérieuse silhouette rôdant entre les pierres tombales, ou qu’une étrange mousse envahisse la maison, mais rien de bien terrifiant. A trop vouloir chercher le second degré, Tobe Hooper en oublie d’instaurer une ambiance glauque et putride, en adéquation avec le cadre. L’histoire se traîne, les personnages annexes se vautrent dans le ridicule (le shérif, l’entrepreneur immobilier), et nous autres, spectateurs, attendons vainement qu’il se passe quelque chose. Il y a bien quelques personnages qui disparaissent de manière plus qu’étrange, mais cela s’effectue dans l’indifférence générale. Soucieux de se faire remarquer, les disparus reviennent animer le dernier tiers, sous la forme de zombies. Cet élément supplémentaire ne change en rien l’approche de Tobe Hooper, qui poursuit dans le second degré. Ainsi, ses zombies s’expriment parfaitement, prolongeant par là même, le travail amorcé par Dan O’Bannon dans l’autrement plus enthousiasmant Retour des morts-vivants. Cela donne lieu à des scènes totalement absurdes comme celle du repas où la mère Doyle, zombifiée, invite son fils et ses amis à manger. Bien que son comportement n’entretienne aucune parenté avec son attitude habituelle, ni son fils, ni ses convives, ne prennent leurs jambes à leur cou. Sans doute une conséquence d’une éducation trop stricte.
Tobe Hooper achève son film par un amoncellement de péripéties digne d’un parc d’attraction. Les survivants courent dans tous les sens, se retrouvent assiégés, s’échappent, puis se font capturer, et enfin, se révoltent. Alors que jusque là, le récit se traînait, la frénésie s’empare subitement des personnages et de la mise en scène, sans que le niveau de l’ensemble n’en soit rehaussé pour autant. Tobe Hooper paraît ne plus trop savoir comment se dépêtrer de son histoire, et préfère noyer le poisson dans un bordel sans nom. Son film en perd définitivement toute logique et se clôt par une scène qui relève de l’ultime gag d’un réalisateur qui a depuis longtemps rendu les armes. Mortuary enterre définitivement tout espoir de retrouver un Tobe Hooper efficace et percutant.