Moonraker – Lewis Gilbert
Moonraker. 1979Origine : Royaume-Uni / France
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Après le succès de Star Wars, les producteurs de la saga James Bond se prirent de la mauvaise idée de vite mettre en route Moonraker, au nez et à la barbe de Rien que pour vos yeux, initialement prévu. L’objectif était d’insuffler de la science-fiction dans la saga, pour capitaliser sur les pépettes ramassées par le père Lucas dans son premier opus stellaire. Mais, puisque de toute façon tout cela était déjà ridicule en soi (en plus bien évidemment de n’entretenir aucun rapport avec le livre Moonraker de Ian Fleming), il convenait de faire du film une œuvre résolument portée sur la comédie. Et c’est donc parti pour l’un des films les plus décriés par les puristes.
James Bond doit cette fois découvrir l’origine du détournement d’une navette spatiale vendue à la Grande-Bretagne par les États-Unis et plus spécialement par un certain Drax, le constructeur de l’engin. En allant voir ce dernier, Bond découvrira très vite que c’est lui qui est à l’origine de tout, même que comme 007 le découvrira plus tard, il veut construire une société néo-nazie dans l’espace, le fourbe !
Que dire sur ce Moonraker qui transpire la bêtise ? Qu’il ressemble bien plus à un des films de La Panthère rose qu’à un James Bond, par exemple (voir le tueur à gages asiatique, sorte de Kato coiffé comme les Beatles au début des années 60). Malheureusement sans être aussi drôle, et sans non plus être aussi débordant de gags que le Casino Royale “pirate” réalisé en 1966. On se retrouve donc en présence d’un film qui respecte à la lettre le schéma de n’importe quel film estampillé 007, mais qui force le trait à tous les niveaux. L’humour, bien entendu, puisque c’est l’objectif premier (du moins je l’espère). Jaws (Requin en VF), ce personnage à la mâchoire d’acier apparu dans le précédent Bond, L’Espion qui m’aimait, et qui semble tout droit sorti d’un cartoon quelconque. Jaws est donc de retour pour imposer une première dose de bêtise. Richard Kiel, son interprète, joue comme une patate, mais c’est normal : son but n’est que de se battre et de sourire pour révéler ses dents en fer. Ce qu’il fera plus que de raison, notamment lorsqu’il se grime en clown au milieu du carnaval de Rio pour agresser James Bond et sa Girl du moment. On déplorera également son visage d’ahuri précédant immédiatement chacun de ses échecs, ainsi que son évolution finale, qui fait d’une pierre deux coup en le rendant amoureux et gentil ! Consternant. Et pas forcément drôle, d’ailleurs, à l’instar des nombreux autres écarts comiques que se permet le film. Des gags généralement au ras des pâquerettes, à base de répliques typiquement “Roger Moore” (qui se croit encore dans Amicalement vôtre) voire de vidéo-gagateries à base de chutes dans l’eau (la dramatique séquence sur les canaux de Venise) ou par les fenêtres.
Mais, puisqu’il faut tout de même suivre les recettes à la lettre, l’intrigue continuera inexorablement à progresser. Quoique c’est un bien grand mot, puisque finalement tout ce qui relie la découverte de la culpabilité de Drax au final dans l’espace ne sert proprement à rien, sinon à visiter la Californie, Venise, Rio et l’Amazonie. En somme, juste pour l’exotisme et pour servir de cadre à des scènes d’action mal foutues (l’introduction dans les airs, lorsque Bond se bat avec un type pour la possession d’un parachute, ou encore les scènes de bagarre, où Moore affiche bien les 52 ans qu’il avait à l’époque). Il y aura tout un cortège de James Bond Girls, qui toutes ne serviront à rien, et qui d’ailleurs sortiront très vite du récit. Si ce n’est pour l’une d’entre elle, travaillant pour la CIA, qui tout comme le personnage de Barbara Bach dans L’Espion qui m’aimait est une alliée dubitative de 007 qui finira malgré tout dans les bras de son collègue britannique. Une jolie pouliche, certes, mais qui ne sert pas à grand chose non plus. D’ailleurs la rivalité entre les deux agents sera très vite expédiée pour laisser place à cette action mâtinée d’humour mentionnée un peu plus haut.
Parlons maintenant de la fin : Bond et sa groupie (oui, car à ce moment là on en est arrivé à ce stade) se seront frayés un chemin dans l’espace pour traquer un vilain Drax ne faisant rien qu’à entretenir l’idée de créer une race de surhommes blonds qui ne manqueront pas de naître de l’union entre de jeunes bellâtres et de frêles amazones (oui oui, car la base spatiale était située en pleine Amazonie, gardée par ces donzelles courtement vêtues : ben tiens). C’est donc la partie tant recherchée par les producteurs impatients de se mesurer au succès de Star Wars. Et il n’y vont pas par quatre chemins : les rayons lasers sont de sortie pour ce climax final d’une débilité confondante où l’armée intervient pour épauler Bond et se frotte aux hommes de Drax à la fois dans la navette de celui-ci et dans le grand vide sidéral. Ça rayonne dans tous les sens, c’est un bordel incommensurable à l’écran, y’a Jaws qui est devenu tout gentil, y’a tout le monde qui flotte dans l’air parce qu’il n’y a plus de gravité et y’a des effets spéciaux atterrants… Que dire de plus ? Que Lewis Gilbert tente même quelques références formelles au 2001 de Kubrick ? C’est vrai, mais ça ne serait pas très charitable…
Le gros problème de Moonraker est qu’il cherche à la fois à être drôle et à assurer les recettes classiques. Mais tant de gaudriole sabote complètement l’intérêt que l’on peut porter à l’histoire, et cette histoire est trop marquée par les conventions (les Girls, le climax explosif, les gadgets, les voyages etc…) pour laisser le champ libre à l’humour (quoiqu’en même temps, vu l’aspect des gags déjà présents, pas sûr qu’il eut été sage d’en faire davantage). Ni les amateurs de comédie et encore moins ceux de James Bond n’y trouveront leur compte… Et pourtant, à force de ne pas se prendre trop au sérieux, le film aura le mérite de ne pas être aussi imbuvable que certains autres de la période Pierce Brosnan.