Meurtre dans la 17e avenue – Ferdinando Merighi
Casa d’appuntamento. 1972Origine : Italie / R.F.A.
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Une prostituée est assassinée dans un bordel parisien. Logiquement, les regards se retournent vers son dernier client, amoureux transi et jaloux au point d’avoir baffé sévèrement la défunte peu de temps avant son trépas. Arrêté, le vilain présumé sera condamné à mort. Mais il jure qu’il se relèvera de la tombe pour se venger de ceux qui l’ont incriminé ! Sur ce, coup de théâtre ! Il s’évade avant son exécution ! Heureusement, le bon dieu passant par là, notre ignoble personnage trouvera le moyen de se faire décapiter comme un benêt pas longtemps après s’être fait la malle. Sauf que voilà : les responsables de son arrestation seront ensuite décimés un a un… Alors, est-on en présence d’un cas surnaturel, est-ce que nous nous sommes trompés de coupable, ou est-ce qu’un autre a pris la relève ? Ce sera à l’inspecteur Pontaine d’en déterminer.
Un inspecteur Pontaine incarné par Robert Sacchi, également appelé “l’homme au visage de Bogart”, ce qui n’est absolument pas mensonger, car la ressemblance est assez frappante. Du coup, pour faire bonne mesure, le réalisateur ornera son héros d’un grand imper et d’une indéboulonnable clope au bec (ou des fois à la main). Mais ne nous trompons pas : nous sommes ici en présence d’un giallo, et non d’un film noir. Un giallo symbolisé par des meurtres commis par un personnage qui ne sera filmé qu’au niveau du bras, avec main gantée et couteau, bref, tout ce qu’il faut. Signalons aussi quelques effets psychédéliques, avec ces plans de victimes répétés plusieurs fois d’affilée mais avec une couleur surdominante différente entre chaque. Ce ne sera cependant pas le cas pour tous les meurtres. Du reste, plus généralement, Merighi évite de systématiser ses effets. C’est ainsi que les meurtres pourront être plutôt suggestifs ou au contraire très sanglants (deux décapitations, plutôt mal foutues mais c’est l’intention qui compte). Rayon gore, nous aurons aussi droit une dissection d’oeil plutôt gratuite mais assez réjouissante. Pour revenir à nos différences dans les effets employés, parlons aussi de l’érotisme. Certaines filles seront pudiquement sauvegardées de l’oeil du spectateur voyeur sans jamais que leur côté sexy ne soit renié (il faut dire que nous avons là un beau petit trio : Anita Ekberg / Barbara Bouchet / Rosalba Neri), tandis que les atouts des autres seront dévoilés de façon fort complaisante.
Bref, avec ses différents modes de violence et d’érotisme, le film atteint déjà un niveau de sympathie non négligeable. Reste l’enquête à proprement parler, avec notre Humphrey Bogart du pauvre, qui fait ce qu’il peut avec ses maigres moyens. Le bonhomme aurait dû connaître ses classiques, plutôt que de tergiverser dans une enquête absurde qui tient à peine debout. Il aurait ainsi tout de suite su qu’un savant aux expérimentations douteuses (m’enfin ça il n’est pas au courant, le pauvre), au physique menaçant (Howard Vernon), à la volonté de voir le premier venu sous les barreaux et, surtout, au nom tout droit tiré d’une nouvelle d’Edgar Poe, ne pouvait paraître que louche. Quand à ses motivations, n’en parlons même pas tant elles sont tordues et grotesques (frisant à la fois le fantastique et la déviance perverse, si c’est pas beau, ça). Ainsi donc, le spectateur un minimum impliqué aura très tôt deviné l’explication de tous ces meurtres. Il pourra donc rire sur le compte de ce pauvre flic toujours à la ramasse. Mais qui, insistons bien, ressemble à Bogart. Et c’est quand même pas rien, ça.
Bon, donc, pour conclure, Meurtre dans la 17e avenue (oui, je sais, à Paris, y’a pas de “17ème avenue”, et alors ?) est recommandé à tous les amateurs de cinéma bis ou aux amateurs de gialli un peu bizarres. C’est à dire à pas grand monde, malheureusement… Mais j’ai le bonheur d’en être.