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Les Looney Tunes passent à l’action – Joe Dante

looneytunesbackinaction

Looney Tunes : Back in action. 2003

Origine : États-Unis
Genre : Comédie
Réalisation : Joe Dante
Avec : Brendan Fraser, Jenna Elfman, Steve Martin, Timothy Dalton…

Après vous avoir prévenu que ce texte s’adresse plutôt à ceux qui ont déjà vu le film, ou bien à ceux qui ne voient pas d’inconvénient à connaître les moments clefs de son intrigue, allons-y franchement dans le jugement péremptoire : il s’agit ici du film hollywoodien le plus ludiquement irrévérencieux depuis le Mars Attacks ! de Tim Burton. Mais là où Tim Burton jouait à fond sur la satire du système politique américain en s’en prenant notamment à la fibre patriotique du pays (c’était aussi l’époque de films comme Independance Day), Joe Dante dans son Looney Tunes Back in Action se concentre sur le système hollywoodien. Gonflé. Suicidaire même, si l’on considère que d’une part le bonhomme s’était déjà livré à cet exercice en 1990 dans un Gremlins 2 qui demeure à ce jour l’un des plus gros bras d’honneur jamais effectué par à un réalisateur à ses producteurs (du coup Dante dû attendre 1998 pour réaliser un autre film, exception faite du minimaliste mais génial Panic sur Florida Beach en 1993), et d’autre part parce qu’avec Looney Tunes Back in Action, le réalisateur était tout de même censé diriger des figures cultes comme les Toons, unanimement reconnues et désormais vendues comme des supports commerciaux censés ramener la marmaille dans les salles. Et ce même si à la base il s’agit de personnages issus de l’imagination bien débridée de Chuck Jones, le célèbre réalisateur/animateur de la Warner entre les années 40 et les années 70, par ailleurs une des références de Dante, qui lui confia un petit rôle dans Gremlins. Bref, alors qu’il s’était déjà livré une fois au suicide commercial, Dante se retrouva miraculeusement chargé de diriger un poids lourd du film pour enfants. Encore. Car cela avait déjà été le cas pour son précédent film, Small Soldiers, autre film calibré pour les gamins qu’il transforma en sous-Gremlins fort sympathique, avec à la clef un nouvel échec au box office. On peut dès lors se demander pourquoi le projet du second film des Toons après le désastreux Space Jam incomba à Dante, d’autant plus que Steven Spielberg, la version politiquement correcte de Dante et son principal pourvoyeur de films depuis que le cinéaste est sorti de la tutelle de Roger Corman, n’était même pas impliqué. Peut-être qu’Hollywood continua à voir en Dante le potentiel “Golden boy” qu’il semblait être après avoir fait le premier Gremlins (qui pourtant annonçait déjà la couleur rebelle du réalisateur, mais avec un succès commercial plus qu’honorable) ? Ou bien est-ce tout bonnement parce que le réalisateur était un fin connaisseur de l’œuvre de Chuck Jones ? Encore que cela ne soit guère probable vu que les studios semblent désormais rechercher davantage des hommes de main dociles que des connaisseurs avec une réelle vision… Quoi qu’il en soit, Looney Tunes semblait être la dernière chance de Dante de se réhabiliter au sein du système.
Chose à laquelle encore une fois, il ne put se résoudre !

Tout d’abord son film ne met pas en avant Bugs Bunny, mais au contraire Daffy Duck, l’éternel perdant, faire-valoir du lapin gris, qui se fait renvoyer des studios Warner pour cause de désintérêt populaire et d’ambitions trop élevées. Cependant Bugs et le studio se rendent compte que Daffy est indispensable, et c’est pourquoi le fameux lapin ainsi qu’une certaine Kate (Jenna Elfman), responsable du licenciement du canard, partent à sa recherche. Entre-temps, de son côté, Daffy s’est joint à DJ (Brendan Fraser), le fils de Damian Drake (Timothy Dalton), un acteur-agent secret, pour retrouver un mystérieux diamant convoité par ACME, une compagnie dirigée par le Chairman (Steve Martin), qui veut l’utiliser à des fins assez louches.

De ce scénario guère développé et somme toute assez brouillon, Dante extrait le maximum de délires envisageables. On ressent tout d’abord le plaisir pris par le réalisateur à décrire les studios Warner, où se déroule l’introduction du film. Les frères Warner sont dépeints comme deux gros capitalistes rébarbatifs, impassibles jusqu’à la limite de l’autisme, et sans aucune trace de l’aspect “populaire” qu’ils veulent donner à leur studio. Pour faire simple, ce sont deux gros abrutis.. D’ailleurs tous les exécutifs en général le sont, dans la vision de Dante. Jusqu’au personnage de Jenna Elfman, à l’origine du départ de Daffy et de DJ, deux perdants véritablement sympathiques, tandis qu’elle-même, jeune cadre ambitieuse, fera équipe avec Bugs, la poule au œufs d’or prétentieuse. Ce sont donc bien les golden boys (ou plus exactement « golden rabbit » et « golden girl ») qui sont montrés comme dépendants des seconds couteaux ou des éternels faire-valoir. Ce n’est pourtant pas que Kate et Bugs soient des pourris, mais en tout cas leur réussite et leurs prétentions sont tournées en ridicule : sans leurs habituels sous-fifres, ils se retrouvent coincés, alors que Daffy et DJ se lancent dans des aventures qui les placent au centre même du film. Une belle inversion des rôles, qui n’est du reste pas la seule : ce sont les perdants, les exclus ou les petits qui prennent leur revanche, qui dominent le film dans son ensemble et qui permettent les sarcasmes d’un Dante plus ironique que jamais. Citons notamment l’exemple du tournage d’un Batman dans les studios Warner. Un Batman dirigé par… Roger Corman, le réalisateur / producteur pingre mais talentueux qu’on ne présente plus. Quand l’on sait que Looney Tunes Back in Action fut écrit en plein embourbement de ce qui deviendra finalement Batman Begins, on peut légitimement penser que Dante se moque ici ouvertement des studios et de leurs problèmes pour trouver un réalisateur à leurs blockbusters… D’ailleurs ces mêmes studios sont carrément agressés verbalement lors de la scène de la cafétéria où l’on peut voit Porky et Speedy Gonzales se lamenter sur la difficulté d’être drôle lorsque l’on vous impose le politiquement correct, et où l’ont voit Matthew Lillard se faire rabrouer par le toon Sammy pour l’avoir fait passer pour un débile dans Scooby-Doo, le film (Raja Gosnell, 2002), chose qui démontre bien la totale incompréhension de ce système face aux dessins animés portés au grand écran …
Bref les scènes se déroulant dans les studios Warner sont certainement parmi les plus (im)pertinentes du film, et Dante, cinéaste cinéphile libre d’esprit, se livre avec plaisir à une satire qu’on aurait aimé voir durer davantage. Il achèvera cette introduction par le grand château d’eau sur lequel est peint le logo Warner qui s’écroule et qui se brise… Au bout de vingt minutes de film, Joe Dante vient déjà de démontrer ses ambitions, et on acquiert bien entendu la certitude que ce Looney Tunes Back in Action ne sera pas ce qu’il devait être à l’origine, c’est à dire un Space Jam 2

Ce qui suit s’assagit un peu au niveau de la satire du système Hollywoodien, par ailleurs certainement l’une des choses qui a le plus inspiré Dante durant sa carrière, au même titre que la politique. Mais le scénario se doit tout de même de sortir de ce contexte. A partir du moment ou le duo Bugs/Kate part à la recherche du duo Daffy/DJ, le réalisateur se focalise davantage sur l’action au sens propre (le titre du film étant bien Looney Tunes Back in Action). Et à vrai dire, cela s’effectue sans rupture choquante : Dante et son scénariste Larry Doyle (jusqu’ici habitué aux séries télévisées irrévérencieuses du style Les Simpsons ou Beavis and Butt-Head) y sont également allés fort en gags de toutes sortes. Bien sûr la satire n’est pas aussi féroce, mais en revanche la frénésie ambiante s’amplifie, sans pour autant que le film ne devienne le moins du monde brouillon. Il adopte plutôt une tonalité très imprévisible qui le transforme en un gigantesque cartoon live, qui pourra éventuellement gêner les puristes de la construction scénaristique. Las Vegas et la course-poursuite qui y a lieu qui ne connaîtra pas un instant de répit, avec un déluge de délires cartoonesques directement hérités de Chuck Jones (à ce titre, l’esprit des Toons est respecté : Dante ne se contente pas de taper sur les studios et se risque lui aussi à livrer ce qu’il pense être une vraie adaptation de l’univers des Toons), et qui se termine, après une virée dans les airs (voiture d’agent secret oblige), par une scène moins spectaculaire que Dante utilisera à bon escient pour revenir à la critique du système hollywoodien et de sa tendance à faire des films de gigantesques panneaux publicitaires. Ici les sponsors incriminés sont les supermarchés Wal-Mart, dont les protagonistes trouvent un des centres au beau milieu du désert, alors qu’ils se croient perdus et condamnés à mourir de déshydratation. Quand on lui fait remarquer que tout ceci n’est guère sérieux, Kate, l’exécutive des studios, affirme que « De nos jours le public s’y attend, je vous assure : ils ne font même plus attention ». Une belle façon pour Dante non seulement de démontrer le cynisme des majors hollywoodiennes, mais aussi de dire que le public a été véritablement conditionné par des années de décadence commerciale du cinéma, au point d’accepter toutes sortes d’inepties (et la scène de se poursuivre via les slogans Wal-Mart). Ce propos très acerbe relève d’une anti-démagogie purement inimaginable dans un film a priori destiné pour les enfants… On pourrait même presque y voir une façon pour le réalisateur de contribuer modestement à l’éducation cinéphile de son jeune public, en lui démontrant tous les procédés pervers du cinéma hollywoodien…

Pourtant Dante n’a pas été aigri par ses échecs comme peuvent l’être d’autres réalisateurs… Il sait qu’il pourrait être un réalisateur en vogue (avec un succès tel que celui de Gremlins et un contact de choix en la personne de Steven Spielberg), mais il continue à faire son cinéma, à prôner l’irrévérence, la satire et toutes sortes de choses anti-consensuelles. C’est ainsi que l’on arrive après ce temps-mort très pertinent à la zone 52, où il passe d’une satire agressive d’Hollywood à une ironie sur un des éléments qui constitue un symbole de la volonté de certains de ses contemporains à croire en des légendes urbaines, ici liées au gouvernement, à une éventuelle conspiration dans la mouvance X-Files… Quelque chose de prétendument sérieux et qui du reste préfigurait un conspirationnisme de plus en plus à la mode. Mais Dante ne s’en soucie pas, trouvant tout cela grotesque. Du coup, il fait dire aux imbéciles qui dirigent la Zone 52 que la Zone 51 n’est en fait qu’une invention pour détourner l’attention de la Zone 52. Encore une fois cynisme et crédulité sensationnaliste sont mis en avant, de même que l’absurdité totale d’une rumeur persistante comme celle de la zone 51, qui influença tout un pan de la science-fiction moderne, guère en rapport avec les intérêts de Dante enracinés dans la simplicité des années 50… A partir de là, la Zone 52 sera une parodie en règle dont la moindre des qualités n’est pas la variété de spécimens qui s’y trouvent. Des extra-terrestres de tous genres, pratiquement tous issus de vieilles productions des années 50 (Dante se lance encore une fois dans un hommage intelligent, nous y reviendrons) qui vont être libérés et semer encore une fois la panique à bord. Un peu comme dans les Gremlins ou dans Small Soldiers, finalement…

A travers ces deux dernières scènes, Wal-Mart et la Zone 52, les conventions ont donc été explosées… Et cela va continuer, cette fois en France. Les personnages sont en effet amenés à se rendre à Paris pour poursuivre leur enquête. Déjà, première vision de la France : des images documentaires datant visiblement des années 60, avec le Paris traditionnel tel qu’on l’imagine, archi-caricatural. Humour facile ici de la part de Dante à l’encontre des clichés fréquemment rencontrés dans le cinéma d’aventure. Notons surtout le passage au Louvre, véritable idée de génie, qui permet aux Toons de se fondre aux tableaux dans lesquels ils s’immergent. Le surréalisme avec “La Persistance de la Mémoire” de Dali, l’expressionnisme avec “Le Cri” de Munch, le pointillisme avec “Un Dimanche à la Grande Jatte” de Seurat… Une excellente idée doublée d’un exercice de style consistant à transposer des dessins animés populaires au cœur même de dessins figés telles que des peintures d’art exposées au Louvre. On pourra aussi y voir une volonté de la part du réalisateur de démontrer que les dessins animés et les films eux aussi peuvent être des sources de culture, qu’ils peuvent être utilisés comme le prolongement d’un art ancien, et qu’ils ne doivent pas être réduits à de seuls projets marketing.

Après ces trois moments de subversion quasiment mis bout à bout, la pression du satiriste se fait moins forte. En revanche, le plaisir reste. Ce sont surtout les enjeux purement scénaristiques qui se jouent : les acteurs deviennent hystériques (Steve Martin notamment), les défis à relever s’accentuent (sauver Damien Drake avant que le train ne lui passe dessus), l’action du titre est élevée à son paroxysme dans un déluge d’aventures multi-genres, dans des milieux divers majoritairement rattachés aux films James Bond. Daffy continue à voler la vedette à Bugs tandis que DJ devient le héros de Kate. Le ton ne change pas et reste toujours aussi peu conventionnel. Dante remplit aussi son rôle de metteur en scène purement ludique, ce qu’il a toujours gardé à l’esprit. Jamais son film ne verse dans le brûlot : même en ignorant sa portée ironique, il peut toujours être appréhendé comme un pur divertissement, un spectacle pour enfants très au dessus de la moyenne. Le rythme est effréné, les gags multiples et la réalisation assez sobre pour un film aussi déchaîné. Pas besoin d’artifices de mise en scène : ce qui se trouve à l’écran se suffit amplement. Pas de manques scénaristiques non plus à compenser, puisque Dante ne conçoit le film que comme un long dessin animé présentant son lot de scènes relevant davantage du sketch que d’une intrigue menée harmonieusement de A à Z. L’amateur des Toons retrouve tous les personnages qu’il est habitué à voir, et Dante, qui un temps considéra d’intégrer des personnages autres que les Toons de la Warner (comme Tom et Jerry), décida finalement de se concentrer sur les habitués. Bien sûr, le film ne durant qu’une heure et demi, il est impossible qu’ils aient tous un rôle important à tenir, d’autant plus que les acteurs humains en tête d’affiche sont eux aussi quelque peu délaissés. Mais le réalisateur s’évertue tout de même à placer tous ses Toons fétiches. Ce sont surtout des caméos en forme de clin d’œil, notamment à la cafétéria déjà mentionnée, où en plus de Porky et Speedy on peut voir Michigan J. Frog, ou bien le Coyote (que l’on retrouvera plus tard dans le film, avec son camarade Bip-Bip). On retrouvera aussi Titi, Grominet, la grand-mère, le Diable de Tasmanie, etc etc… Dante a tenté de placer un maximum de choses dans son film. Pas évident. Mais pour contourner cet obstacle, il n’hésite pas à incruster des personnages dans les arrières-plan de ses scènes. Ce qui fait qu’il est impossible de tout distinguer en une seule vision du film, et plusieurs visions sont nécessaire, sous peine de perdre de nombreuses références, tant les clins d’œil visuels sont nombreux (sans compter ceux des dialogues).

Nombreux et pas forcément tous en rapport avec les Toons, d’ailleurs. Mais ils sont tous en rapport avec le cinéma. Car Looney Toons Back in Action est avant tout un film sur le cinéma, et Dante ne se contente pas d’en critiquer le système. Car après tout il aime le cinéma, et bien qu’il s’en amuse, sa décadence semble l’attrister. Il tient à rappeler les vraies valeurs artistique de l’institution, comme il l’a toujours fait. Ainsi, il rend hommage à toute une culture cinématographique, la présence des Toons lui permettant d’inclure énormément de choses difficilement intégrables à des films standards, peu propices à tant de surréalisme. Déjà comme on l’a vu dans les studios, avec le tournage de Batman et avec l’effondrement du château d’eau, qui permet à Bugs de retrouver le poisson Nemo (une référence clairement faite pour le jeune public). Puis plus tard un remake de la scène de douche de Psychose avec Bugs Bunny dans le rôle de Janet Leigh, ou encore la référence aux James Bond avec l’espion incarné par l’un des « vrais » Bond les plus décriés, à savoir Timothy Dalton. Et bien entendu dans la zone 52, où là les références sont multiples et traditionnelles au réalisateur. Citons notamment la présence de Robbie, le robot de Planète Interdite (un habitué des films de Dante) et de Kevin McCarthy, alias le Dr. Miles Bennell, le paranoïaque du Body Snatchers de Don Siegel, avec sa cosse géante à la main et ses couleurs noir et blanc du film d’origine. Citons aussi l’apparition impromptue du Michael Jordan de Space Jam, histoire d’ironiser sur le hors-sujet total du premier film des Toons que Dante exècre. De nombreuses autres références cinématographiques sont identifiables dans le film. D’ailleurs, au même titre que les identifications des éléments subversifs ou que le visionnage purement divertissant, l’identification des références cinématographique peut constituer un niveau de lecture du film à part entière. Un niveau subversif, un niveau ludique, un niveau cinéphile. Un film extrêmement dense, à la fois grand public et très ciblé pour les cinéphiles volontiers nostalgiques. Et puis il s’agit de la dernière collaboration entre le réalisateur et celui qui était jusqu’ici son compositeur attitré, Jerry Goldsmith, décédé en 2004…

Enfin Looney Tunes Back in Action s’achève là où il avait commencé : dans les studios Warner. Après le feu d’artifice Dantesque partant dans tous les sens, retour à la réalité : tout ceci n’était qu’un film, les décors tombent, Daffy a été trompé, il n’est plus la star qui sauve la planète comme il a cru l’être dans ce qui a précédé. Il a été trompé. Retour aux réalités hollywoodiennes. Brendan Fraser, dont le DJ du film est censé avoir été la doublure sur La Momie, se promène dans le studios, en grande star qu’il se croit être. Contrastant bien sur avec DJ, le perdant. Pourtant ce dernier s’en prendra physiquement au « vrai » Brendan Fraser. Assez symbolique. Dante est conscient que son film ne fera pas avancer le système (l’anarchie qu’il a présenté se révèle être vaine, puisque ce n’était en fait qu’un film dans le film, et le réalisateur a conscience d’avoir réalisé un coup d’épée dans l’eau), mais pourtant il ne s’en chagrine pas, il ne se morfond pas dans une aigreur qui lui serait néfaste. Avec le coup de poing dans la gueule qu’adresse le faux Fraser au vrai Fraser, Dante se contente de révéler sa situation : un cinéaste indépendant s’en prend à un cinéaste intégré, quitte pour cela à abandonner sa situation hollywoodienne confortable. Du reste, tout son cinéma et toute sa personnalité peuvent être perçus comme une histoire de confrontation. L’opposition entre le virulent Dante et le conformiste Spielberg, l’opposition entre les méchants Gremlins et le gentil Gizmo, l’opposition entre les monstres gorgonites et les humains Marines et Barbies… et ici, l’opposition entre les têtes d’affiches et les seconds couteaux. Dante continuera à taper sur le système hollywoodien sans se soucier de ce qui lui arrivera, parce qu’il n’envisage pas le cinéma autrement et qu’il ne fera aucun sacrifice. C’est, avec sa passion pour le cinéma, ce qu’il passe son temps à affirmer dans ses films en général et ce Looney Tunes ne fait pas exception à la règle. C’est sans doute pourquoi, encore une fois, le cinéaste dut lutter avec les studios qui tentèrent d’imposer leur propre vision du film, sans maîtriser pour autant l’esprit des cartoons, et en tentant d’en faire un film beaucoup plus classique, sans aucun recul sur lui-même et sans clins d’œil au spectateur. Un produit prêt à consommer, un film d’exécutifs. Heureusement, le cinéaste parvint à imposer sa vision. Et le résultat fut un nouvel échec au box-office… Sans surprise, le réalisateur s’est depuis tourné vers la télévision (Masters of Horror) ou dans les anthologies horrifiques (Trapped Ashes), comme il l’avait déjà fait entre Panic sur Florida Beach et Small Soldiers.

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