CinémaHorreur

Les Griffes du cauchemar – Chuck Russell

griffesducauchemar

A Nightmare on Elm Street Part 3 : Dream Warriors. 1987.

Origine : Etats-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Chuck Russell
Avec : Heather Langenkamp, Craig Wasson, Patricia Arquette, Robert Englund…

Après deux films à succès qui ont définitivement éloigné New Line de la banqueroute qui lui semblait promise avant Les Griffes de la nuit, il était logique que Robert Shaye fasse remettre le couvert pour une troisième aventure de la saga Freddy. Pour ce faire, il réussit à obtenir l’aide de Wes Craven, qui avait ignoré le second film pour cause de démotivation, et qui accepta d’écrire un scénario à la condition que ce Freddy 3 soit le dernier de la saga. Comme il fallait s’y attendre, ça ne sera pas le cas, et d’ailleurs le scénario écrit à la base par Wes Craven et Bruce Wagner sera profondément remodelé par le réalisateur Chuck Russell et par Frank Darabont, scénariste débutant qui connaîtra plus tard le succès en écrivant et en réalisant Les Evadés et La Ligne verte (deux adaptations de Stephen King). Tout ceci fâchera Wes Craven, qui n’interviendra plus du tout dans les prochains films du tueur d’Elm Street jusqu’à Freddy sort de la nuit. En tout cas, Russell et Darabont ont au moins gardé deux choses du premier traitement de Craven : la présence de Nancy Thompson, héroïne du premier film toujours jouée par Heather Langenkamp (et qui avait refusé de prendre part au second film compte tenu de l’absence de Wes Craven), ainsi que l’histoire centrale, celle de ces jeunes gens de Springwood, la ville de Freddy, enfermés dans un institut psychiatrique pour adolescents suicidaires. C’est que Freddy n’a pas chômé depuis son précédent méfait cinématographique. Ainsi, il ne reste plus que huit enfants d’Elm Street, les huit derniers descendants de ceux qui avaient mis fin à la vie du père Krueger. Les huit sont donc enfermés à Westin Hill, où les psychiatres refusent de croire à leur histoire de tueur des rêves, préférant y voir le reflet de maux adolescents classiques. L’avis du docteur Neil Gordon (Craig Wasson) évoluera pourtant au contact d’une nouvelle interne, Nancy, devenue une diplômée spécialiste des cauchemars. Celle-ci réussira à créer un esprit de solidarité chez les enfants d’Elm Street, qui découvriront que dans leurs rêves, ils possèdent tous un pouvoir spécifique capable de leur faire tenir tête à Freddy. Kristen (Patricia Arquette) est en outre capable d’inviter les gens dans ses rêves, et ce sera l’occasion idéale pour aller déclarer la guerre à Freddy sur son propre terrain (on est loin des victimes passives auxquels nous ont habitué les slashers), tandis que le docteur Gordon enquêtera dans le même temps sur le passé de Krueger et sur la façon de se débarrasser de lui.

Les Griffes du cauchemar est un tournant dans la saga de Freddy Krueger. C’est en effet avec ce film que Freddy cesse d’être un tueur de l’ombre et qu’il se révèle en pleine lumière, telle une superstar qu’il commençait à être. Toute une imagerie et toute une mythologie se forgent autour de lui, et la fameuse maison du 1428 Elm Street cesse d’être habitée et prend des allures de maison hantée pour devenir l’antre de Freddy, là où bien des cauchemars se déroulent dans des décors labyrinthiques et mouvants. Freddy lui-même voit son historique expliqué, puisqu’on apprend dans Les Griffes du cauchemar qu’il est le rejeton d’une nonne qui fut enfermée malgré elle dans un asile, et violée par une centaine de psychopathes déments. Une histoire un peu grosse, sans nul doute inventée pour mythifier davantage le personnage de Freddy. Mais cela s’inscrit plutôt bien dans un film qui n’a pas pour but de marcher sur les traces de ses prédécesseurs. Chuck Russell en fait quelque chose de coloré, et les apparitions de Freddy exploitent tout le potentiel exubérant des rêves. Dès le départ, Kristen se retrouve ainsi dans la maison de Freddy, à protéger une petite fille de l’infâme Krueger, jusqu’à arriver à une salle pleine de pendus. Par la suite, Freddy se manifestera via un lavabo, ou encore en prenant la forme d’une sorte de serpent mangeur d’homme. Les cauchemars sont incroyablement imaginatifs et servis par des effets spéciaux au poil (le maigre budget de 5 millions de dollars ne se fait pas ressentir du tout), signés de Greg Cannom et de Kevin Yagher. Hommage est même rendu à Ray Harryhausen avec l’utilisation de séquences en stop motion, dont une pour l’animation d’un squelette.

Sans non plus devenir envahissant, Freddy prend une dimension supérieure et se permet de nombreuses folies assez jubilatoires, telles que se servir des veines d’un pauvre bougre pour le diriger en marionnette, ou encore, et là il s’agit d’une des scènes les plus connues de toute la saga, de défoncer le crâne d’une adolescente prétendant devenir une star du petit écran en lui faisant littéralement “crever l’écran”, comme il le dit lui-même dans un dialogue devenu culte. Ce Freddy-là est plus sadique que jamais, et c’est à une véritable humiliation de tous les adolescents à laquelle il se livre avec une ironie grinçante. Ainsi, les pouvoirs de chacun des enfants d’Elm Street seront plus quelque chose que Freddy tournera en dérision qu’un moyen de le combattre. Russell, mine de rien, participe allégrement à ces humiliations en présentant d’un côté des jeunes gens sérieux et concernés, et de l’autre un tueur rigolard invincible. Le décalage est flagrant, et toutes les bêtises auxquelles rêvent les “guerriers du rêve” seront retournées contre eux : au jeune handicapé qui prétend être un grand magicien capable de détruire Freddy, ce dernier répondra qu’il “ne croit pas aux contes de fées” et plongera ses lames dans le coeur de l’apprenti sorcier. Pour cette autre, ex-camée se prenant pour une délinquante punk, il changera ses griffes en seringues pour lui “faire prendre son pied” dans une overdose massive. Il ira même jusqu’à se faire passer pour une jeune femme chaude pour tromper un adolescent libidineux. Tout cela suit le coup de la prétendue future vedette de la télévision qui crève l’écran, ainsi que le constructeur de marionnette qui sera lui-même utilisé en pantin. Alors que Les Griffes du cauchemar soit un film adolescent, oui (d’ailleurs la plupart des adultes, dont un Larry Fishburne débutant, n’apparaissent pas comme sympathiques car incapables de comprendre la jeunesse), mais pourtant Freddy passe son temps, avec l’appui du réalisateur, à tourner en dérision cette nuée de jeunes gens n’ayant plus peur d’affirmer leurs rêves secrets débiles. Même Nancy Thompson, pourtant respectable combattante, sera tournée en ridicule avec toute son affection pour ces jeunes persecutés qui se retournera contre elle. Freddy s’en donne donc à coeur joie, et le spectateur de suivre avec grand plaisir toutes ses exactions, menées à un rythme soutenu (aucune baisse de régime de tout le film).

Il s’agit là sans doute d’un des meilleurs films de la saga, si ce n’est le meilleur derrière Les Griffes de la nuit. L’initiative d’approfondir la mythologie, même par des moyens un peu grossiers, et celle de faire revenir la toujours bienvenue Heather Langenkamp (ainsi que le grand John Saxon, son père dans le film) ne font que donner encore davantage de relief à un film ne manquant pourtant déjà pas d’idées. Evidemment, cela marquera aussi le début de la banalisation grand-guignolesque de Freddy, encore plus motivée pour la New Line par l’énorme succès commercial qui s’ensuivit, mais tout de même, ne boudons pas notre plaisir.

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