Les Exterminateurs de l’an 3000 – Giuliano Carnimeo
Gli sterminatori dell’anno 3000. 1983Origine : Italie
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Dans le futur post-apocalyptique, les réserves de pétrole se portent bien, merci pour elles. Par contre, l’eau est devenue une denrée rare, et c’est embêtant. Les efforts du Sénateur (Eduardo Fajardo) et de sa petite communauté pour conserver les bienfaits de la végétation risquent d’être réduits à néant si leurs récoltes ne sont pas arrosées bientôt. Heureusement, le Sénateur sait où trouver le précieux liquide : dans une ancienne centrale solaire, assez loin dans le désert. Le problème est que pour y arriver, il faut traverser les territoires interdits dominés par l’affreux Crazy Bull et sa bande, qui eux aussi aimeraient bien avoir de l’eau. Sans nouvelle d’une première expédition, le vieux sage décide d’en envoyer une seconde, à bord d’une citerne dans laquelle grimpe discrètement le petit Tommy (Luca Venantini), dont le père guidait la première expédition. Une fois dans le désert, les adultes se font vite repérer et assassiner par Crazy Bull. Tommy parvient à s’échapper et croise la route de Alien (Robert Iannucci), un héros victime d’une sortie de route qui se retrouve coincé comme un con dans la carcasse de sa voiture. Tommy le sort de là, et en échange Alien accepte de l’escorter jusqu’à la centrale solaire. En chemin, ils seront épaulés par Papillon (Luciano Pigozzi), un vieux mécanicien, et Trash (Alicia Moro), une jeune héroïne.
La filmographie de Giuliano Carnimeo compte un honnête giallo (Les Rendez-vous de Satan), pas mal de comédies plus ou moins sexy et surtout une tripotée de westerns aux titres tous plus chantants les uns que les autres (Django arrive, préparez vos cercueils, Bonnes funérailles, amis, Sartana paiera, Ringo cherche une place pour mourir, sans parler de ceux qui restent inédits en France) qui l’auront bien fait rire le temps d’une décennie. Aussi, lorsque le genre est tombé en désuétude, ce plaisantin de Carnimeo dut se résigner à entrer dans le gang du libidineux Alvaro Vitali. Mais ce n’est plus pareil… Coup de chance : le succès de Mad Max 2 marque l’avènement du post-nuke, et donc du désert. Carnimeo retourna dans le désert espagnol et prit avec lui le vétéran Eduardo Fajardo, un habitué des westerns un peu trop vieux pour faire concurrence à Mel Gibson mais toujours bon pied bon œil pour une partie de rigolade, ne serait-ce que sous la barbe blanche d’un paisible vieillard. Après tout, il joua la même année dans L’Abîme des morts-vivants de Franco, ce qui démontre bien du peu de cas qu’il se faisait encore de sa réputation. A ses côtés, Luciano Pigozzi, dit “le Peter Lorre italien”, un autre vieux de la vieille du cinéma transalpin, lui aussi affublé d’une barbe pleine de sagesse, Fernando Bilbao, autre habitué des westerns et de Jess Franco ainsi que Venantino Venantini, vu dans quelques comédies françaises réputées et pistonnant son fils Luca comme il l’avait déjà fait pour le Pulsions cannibales de Margheriti et le Frayeurs de Fulci. Notons que Fajardo, Bilbao et Venantini père ont en commun d’avoir tourné dans La Folie des grandeurs de Gérard Oury. Notons que ce dernier film bat à plates coutures celui de Carnimeo dans la capacité à justifier la relégation de ce trio d’acteurs (plus Pigozzi) au rang d’éternels seconds couteaux par la présence d’indiscutables têtes d’affiches. Ce qui est loin d’être le cas dans Les Exterminateurs de l’an 3000 puisque Alien et Trash, les deux principaux “gentils” sont interprétés par des quasi-novices qui affichent un talent qui ne les mènera pas bien loin. Manque de chance pour lui, Robert Iannucci tient un rôle bien plus exigeant que celui de sa collègue, et c’est sa propre médiocrité qui ressort le plus.
En gros, Carnimeo ne lui demande que de faire du Mel Gibson alors que le film, personnages inclus, n’est qu’une grossière copie du film de George Miller. On y retrouve le héros individualiste amené malgré lui à aider une communauté, le méchant sauvage avec sa peau de bête sur les épaules (Crazy Bull étant ceci dit une copie de Wez et non de Humungus), l’enfant collant, la femme guerrière farouche, et même la version “carnimeoïsée” de la magistrale course-poursuite autour de la citerne. Et systématiquement, Carnimeo foire tout ce qu’il repompe. Commençons donc par l’équivalent de la course-poursuite… Placée en tout début de film et sans la participation d’Alien, elle ne s’entoure pas d’une dimension décisive ni d’une portée dramatique. Elle ne repose plus que sur la mise en scène du réalisateur, qui sans être abominable reste malgré tout très plate, sans sensation de vitesse, avec des images à la photographie quelconque. Avec ses voitures, ses motos et son camion citerne, c’est pourtant la scène d’action la plus ambitieuse du film, loin devant les quelques explosions ou bagarres qui émaillent le récit ici ou là. Au niveau des personnages, le réalisateur, pourtant accompagné du réputé scénariste Dardano Sacchetti, fait encore pire. Il extrapole, délaissant l’esquisse des sentiments de George Miller pour se fourvoyer dans des clichés à l’américaine. Ainsi, les liens entre Alien, Trash et Tommy sont bien plus prononcés. Il n’est pas question de “réapprendre à vivre” : personne n’a oublié le souvenir de la vie, et d’ailleurs plusieurs répliques laissent penser qu’entre l’apocalypse et le moment présent Alien et Trash étaient en couple et se sont séparés suite à une vacherie commise par Monsieur. Leurs retrouvailles sont épicées, surtout que Alien projette de garder l’eau de la centrale pour lui, et que Trash veut aider la communauté de Tommy. Ainsi, c’est un vieux couple qui se reforme, et la symbolique parentale est évidente, quand bien même la mère du moutard est toujours en vie, auprès du Sénateur. Il y a même la figure du grand-père en la présence de Papillon, qui raconte au gamin comment qu’elle était la Terre “eud’son temps”. Rendons quand même grâce à Carnimeo de ne jamais avoir officialisé la reformation du couple Alien / Trash, ni même d’avoir tranché la question de l’eau et de sa future utilisation. Ça n’empêche que les personnages sont bien trop convenus pour un film de cet acabit, et que la présence d’un gamin généreux n’aide guère à faire passer la pilule. Quant à Crazy Bull, il ne se caractérise que par sa méchanceté, sans aucune profondeur. Ses hommes ont cependant le bon goût d’éviter de s’habiller comme dans un post-nuke de Castellari. C’en est même un peu dommage…
A un niveau un peu plus concret (car il faut bien admettre que la rigueur n’est pas exactement ce que l’on attend d’un post-nuke italien), le film se structure en différentes étapes, un peu semblables à la construction d’un jeu vidéo. Il se compose de chapitres bien définis : le prologue où Alien se fait voler sa voiture et mettre dans le fossé où le retrouvera Tommy (bonjour le héros), la sortie en citerne, la capture de Alien et Tommy par les hommes de Crazy Bull, leur évasion, la route vers la centrale, les monstres de la centrale, etc etc… Un schéma simple, qui n’empêche pourtant pas la maigreur des scènes d’action et encore moins le n’importe quoi. C’est que Carnimeo et Sacchetti ont souvent recours au procédé du deus ex machina, ou moins pompeusement aux solutions foireuses sorties de nulle part. Le cas le plus brillant est certainement l’excuse du “bras bionique”, qui 20 ans avant le moins pardonnable I, Robot d’Alex Proyas vient déjà sortir les personnages d’un mauvais cap. Il s’agit du petit Tommy, dont le bras est attaché au pare-choc d’une voiture en marche (torture imposée par Crazy Bull pour qu’on lui révèle où trouver de l’eau). Le bras de Tommy finit arraché. Heureusement, c’était un bras bionique, que Tommy ne manque pas de ramasser avant de prendre la poudre d’escampette ! Y’a plus qu’à le recoudre ! C’est alors le prélude de la partie la plus surréaliste du film : ne disposant pas de produits adaptés, le vieux Papillon anesthésie Tommy en le saoulant à la bière ! En ne possédant pas les circuits nécessaires, il recolle le bras à son corps avec des circuits de bulldozer qui vont donner une force prodigieuse au bras droit du gamin qui, tel un pilier de bistrot, se met à écraser sa cannette sans se soucier du gaspillage du précieux liquide en cette période troublée. Ce don sera bien sûr également utilisé dès que besoin s’en fera sentir par un Carnimeo pas assez bête pour laisser passer l’occasion. Mais suffisamment pour conclure son film sur une bêtise sans nom, où ça joue mal et ça dit n’importe quoi. Également doté d’une musique totalement insipide, qui aurait aussi bien pu être utilisée dans un téléfilm policier allemand ou dans un film d’horreur Eurociné, Les Exterminateurs de l’an 3000 ne fait pas partie du haut panier de ce genre très faible qu’est le post-nuke. A part pour quelques invraisemblances aptes à faire sourire, ça ne vaut pas l’exotisme dégourdi des Guerriers du Bronx. Ça sent la fin pour Carnimeo, qui à l’issue de cette année 1983 où il tournera également une comédie passée inaperçue, prendra une pause de plusieurs années, la première de sa carrière.