Les Démons du maïs 2 – David Price
Children of the Corn 2 : The Final Sacrifice. 1992Origine : Etats-Unis
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Au rayon encombré des séquelles inutiles, Les Démons du Maïs 2 se pose là. Voici une séquelle d’un film horrifique tourné près de dix ans plus tôt et qui fut froidement accueilli tant par la critique que par le public, sans parler de la perplexité de Stephen King, auteur d’une nouvelle d’origine qui servit d’alibi pour le film de Fritz Kiersch en 1983. C’est probablement la possibilité d’exploiter une nouvelle fois le nom de l’auteur qui incita les producteurs à réinvestir les champs de maïs. Une étiquette prestigieuse à coller sur une affiche, un argument non négligeable pour le chaland traînant dans les videos-clubs ou même dans les cinémas (puisque le film eut l’insigne honneur de sortir en salles).
Quoi qu’il en soit, le rôle de Stephen King dans cette affaire ne dépasse pas le stade de la caution commerciale, sa nouvelle de base, déjà considérablement détournée dans le premier film, étant ici purement et simplement oubliée.
Après les démoniaques évènements céréaliers survenus dans le premier film et dans les champs de maïs autour de Gatlin, une horde de journalistes se sont précipités sur les lieux. Les enfants adorateurs de l’entité du maïs ont été recueilli par les habitants de la ville voisine de Hemmingford, à la consternation de quelques adultes (en fait deux vieilles bonnes femmes). John Garrett, journaliste au rabais pour un infâme torchon, se pointe sur le tard sur le lieu des crimes, bien décidé à rédiger un article. Il est accompagné de son fils Danny, un adolescent qui lui mène la vie dure. Tous deux logeront chez une autochtone, Angela, qui vient par ailleurs de recueillir Micah, jeune homme de Gatlin qui marchera sur les pas d’Isaac, le meneur de la jeunesse fanatique qui ordonna le meurtre de tous les adultes de Gatlin.
Non seulement la production de cette séquelle ne s’imposait pas, mais son scénario lui-même semble nous montrer à quel point il n’y avait rien à rajouter au premier film. Tout ici n’est qu’inutilité, bêtise et parachutage en tous genres. A titre d’exemple, on se demandera bien en quel honneur Danny Garrett accompagne son père dans ce patelin du Nebraska. On ne sera pas les seuls à se le demander : aucun des deux Garrett ne le sait. Père et fils se disputent ainsi régulièrement, jusqu’à ce que Danny décide de s’en aller, empêché en cela par l’absence de bus dans le coin. Il erre donc comme une âme en peine jusqu’à sa rencontre avec le totalement futile personnage de Lacey, jeune fille qu’il pourra dès lors butiner dans les champs. Voilà une sous-intrigue d’un film qui en recèle plusieurs, peu ou prou liées à l’intrigue principale, qui est tout de même, rappelons le, le culte diabolique d’un quelconque démon poussant les gamins au meurtres. Ce sujet, déjà exploré dans le premier film, n’a pas grand chose à offrir de neuf, et c’est sûrement pourquoi David Price, le réalisateur, se penche davantage sur les “a-côtés”, sur les discussions théoriques et mythologiques, le tout assemblé de façon brouillonne avec un sens de la digression remarquable.
Ainsi, l’origine du culte du maïs sera divers. Il relèvera autant de la chrétienté (citations de la Bible à l’appui) que du conflit des générations (opposition entre le père et le fils Garrett à l’appui) et même des prophéties indiennes (vieux dessins sur rochers à l’appui). David Price n’est pas sectaire, et toutes les explications sont justifiées. Un vieil indien aussi spirituel qu’universitaire débarquera dans le récit comme un cheveu dans la soupe et nous expliquera en des termes forcément très obscurs que les évènements de Gatlin ont été prévus de longue date. Une conspiration agro-alimentaire d’ampleur nationale (rien que ça) sera découverte par John Garrett, laissant à penser que malgré leur puritanisme chrétien les adultes ne valent guère mieux que les sataniques moutards qu’ils ont incompréhensiblement adoptés en toute légalité (oui, car la police semble s’en foutre pas mal, des meurtres de Gatlin) et qui continuent à se rassembler en pleine nuit dans les champs de maïs dans l’indifférence générale. Et l’explication surnaturelle ne fait aucun doute, puisque Micah est la victime d’une possession démoniaque caractérisée, illustrée par un tas d’éclairs bleuâtres. Ici, les membres de la secte du maïs ont encore moins droit de citer que leurs prédécesseurs du film de 1983 : à part Micah, ce sont tous des figurants (dont le fils de Brian Yuzna) sans aucune trace de caractérisation, se rassemblant comme des moutons pour écouter les sermons hystériques de Micah. A titre de comparaison, la petite amie de Danny Garrett tout comme celle de John (Angela), bien que totalement inutiles à l’histoire, auront un temps d’apparition à l’écran presque deux fois supérieur.
Les quelques meurtres d’adultes seront balancés dans le récit au mépris de toute cohérence. Quelques uns seront cependant plutôt amusant (une vieille écrasée sous sa maison, une autre dont le fauteuil roulant téléguidé par les gosses finit par rencontrer un camion), mais là aussi, ils se dérouleront dans l’indifférence totale des gens de Hemmingford et même des personnages principaux. Une certaine touche d’humour parcourt ce film fait par un réalisateur que l’on imagine volontiers débonnaire, en repérage pour ses futures vacances à la campagne. D’où un laxisme prononcé, d’où l’absence de parti-pris. Et au milieu de tout ça, le sort réservé à Micah viendra surprendre par sa radicalité (une erreur, certainement, ce bon vieux David Price semblant incapable de méchanceté).