CinémaHorreur

Les Bêtes féroces attaquent – Franco Prosperi

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Wild Beast – Belve feroci. 1984

Origine : Italie 
Genre : Horreur 
Réalisation : Franco Prosperi 
Avec : John Aldrich, Lorraine De Selle, Ugo Bologna, Louisa Lloyd…

Sachons mourir sans dire de conneries“, disait Pierre Desproges dans son Manuel de savoir vivre à l’usage des rustres et de malpolis. Quand on a la chance d’être réalisateur et que l’on adapte ce principe à la vie professionnelle, cela donne “sachons se retirer sans pondre un bousin”. Un bien bel engagement, que Franco Prosperi s’évertue à respecter. Ayant construit sa carrière en œuvrant dans le Mondo, le réalisateur romain convie tous ses amis bestiaux à une sarabande enfiévrée. Tigres, guépards, panthères, éléphants, ours : tout le monde est là, que la fête commence, officiellement sans aucune blessure pour nos amis les bêtes. C’est du moins ce que dit le générique de début, qui se trahira vite fait lorsqu’un chat sera jeté en pâture à des rats et que ceux-ci seront brûlés vifs (deux méthodes déplorables qui seront ré-employées dans le chinois Camp 731). Toutes les atteintes aux animaux frapperont des spécimens fréquents sous nos latitudes, ce qui n’excuse pas Prosperi, mais qui prouve au moins une chose : il les aime bien, ses potes exotiques. Tellement qu’en plus de leur fournir le repas, il leur confie leurs propres rôles, sans aucun effet spécial, sans aucune doublure.

On ne pourra donc que saluer la qualité des effets spéciaux, qui du coup n’en sont même pas. Prosperi lâche ses bêtes féroces en pleine ville (une ville “du nord de l’Europe” non spécifiée, mais qu’on devine être allemande) et leur donne l’occasion de s’en donner à cœur joie. Et le spectacle est il faut l’avouer omniprésent. Là où beaucoup de films à petits budgets passent généralement leur temps en bavardages permettant de gagner du temps sur les scènes onéreuses, Les Bêtes féroces attaquent plonge en quinze minutes dans le feu de l’action. Les animaux se comportent étrangement : une femme tigre a bouffé ses petits, des rats ont agressés et tués un couple d’humains. Pendant que la police et que les scientifiques se demandent ce qu’il se passe, c’est la rébellion au zoo : tous les félins trouvent le moyen de se faire la belle, de même que les éléphants, assassinant les gardiens au passage. Dès lors, ce ne sera plus que destruction en ville. Les félins sautent à la gorge de tout ce qui bouge, les éléphants marchent en pleine rue et provoquent des accidents monstres et même un gentil toutou d’aveugle s’y mettra en agressant son maître.

Prosperi ne lésine pas sur le gore, même si les plans les plus sanguinolents sont montrés de furtive manière. Le principal intérêt n’est de toute façon pas là. Il réside davantage dans le chaos qui gagne la ville. Malgré son budget étriqué, le réalisateur ne recule devient rien, envoyant des bestiaux dans le métro comme sur la piste d’atterrissage d’un aéroport. Voir des éléphants débarquer sous le regard médusé des gens de la tour de contrôle n’a pas de prix, surtout que la séquence s’achèvera avec un crash et une explosion. Qu’il ait su ou non que Les Bêtes féroces attaquent serait son dernier film, Prosperi s’est en tout cas lâché, ne craignant ni le ridicule des situations (un troupeau de bovins en pleine rue !), ni celui des dialogues que l’on peut aisément imaginer. Les humains sont complétement dépassés par la situation, et Prosperi ne leur accorde que son mépris, sans même faire preuve d’humour. Dépourvus de toute personnalité, ce sont eux, qui sont devenus les bêtes. Plus particulièrement, Prosperi s’en prendra aux enfants, pas forcément par le biais des animaux mais en les montrant tous comme de sales petits cons ou comme de sales petites pestes, à l’image de la gamine du couple de héros, insupportable chipie pleine de prétention et de mépris. Ce ne sera pas un hasard si le film s’achèvera avec une vision bien peu “spielberguienne” de l’enfance. Dans sa charge contre l’humanité en général (enfin du moins l’occident), le réalisateur dresse un portrait plutôt virulent de notre société et de sa technologie superficielle, tapant au passage sur les ordinateurs (pourtant encore primitifs), sur l’électricité à outrance, sur l’automobile et enfin, sur les produits chimiques (des drogues), dont l’utilisation est justement à l’origine de la folie du monde animal. Toutes ces inventions seront soit inutiles, soit se retourneront contre l’humanité. Un propos qui fait certes “vieux con” (d’ailleurs un vieux gardien de zoo ne se prive pas pour dire tout le mal qu’il pense de l’informatique), mais que voulez-vous, à force de faire du mondo et des films en pleine nature, Prosperi ne supporte plus les frasques technologiques, coupées de la nature. Celle-ci prend sa revanche, et c’est bien légitime.

Tout de même, afin de ne pas faire passer Les Bêtes féroces attaquent pour ce qu’il n’est assurément pas, c’est à dire un chef d’œuvre, signalons une photographie beaucoup trop sombre, un montage très approximatif et des cadrages douteux (Prosperi s’acharnant à filmer les éléphants en gros plan) rendant parfois totalement incompréhensibles certaines séquences aux corps-à-corps. Tout de même, le spectacle mérite d’être vu, ce qui n’est pas si fréquent dans la production de genre italienne du milieu des années 80. A son échelle, Prosperi quitte le monde de la réalisation par la grande porte.

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