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La Lanterne de Jade – Cheung Pooi Saan

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Lantern Festival Adventure. 1980

Origine : Hong Kong 
Genre : Kung Fu 
Réalisation : Cheung Pooi Saan 
Avec : Wong Yat Lung, Cheung Fook Gin, Lee Chi Lun, Chen Chiu…

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Les films d’exploitation honkkongais sont très peu représentés sur Tortillafilms. C’est vrai. Pourquoi donc ? Pas parce qu’ils y sont méprisés, non, mais tout simplement parce que dans mon cas inculte ils forment une nébuleuse insondable (oserais-je dire que c’est du chinois ?). Déjà en règle générale, il faut une certaine hardiesse pour se fier aux jaquettes des VHS éditées à la belle époque des éditeurs pirates. Mais lorsque l’on plonge dans le cinéma asiatique, même les éditeurs sérieux sont susceptibles de verser dans l’approximation ou la désinformation. Prenons donc le cas de Fil à films pour cette Lanterne de Jade : déjà l’affiche (celle-là même qui illustre cet article) est un photomontage pas très adroit. Ensuite la fiche technique ne coïncide pas avec les noms figurant au générique du film, traduits du chinois par des gens au sujet desquels on se demande si ils méritent bien notre confiance. Un complément d’information glané sur des sites internet au demeurant respectables peuvent aussi parfois mentionner des noms totalement différents. Ainsi, rien que pour le réalisateur de la présente œuvre, trois noms sont avancés : Huchen Ting (version jaquette), Chang Pei Cheng (version générique) et Cheung Pooi Saan (version internet). Une recherche un peu plus poussée sur Hong Kong Cinemagic laisse apparaître que Chang Pei Cheng serait en fait le pseudonyme de Cheung Pooi Saan, et que La Lanterne de Jade serait en fait le seul et unique film réalisé par celui qui est avant tout un acteur. Nous y voyons donc plus clair… Mais encore faut il que la copie du film soit intégrale. Il ne serait pas surprenant que quelques scènes aient été éjectées soit pour des raisons commerciales ou, plus probable (surtout chez un éditeur respectable), pour des raisons de dégradations de leur propre pellicule d’origine. Et puis il y a le doublage, duquel les films asiatiques ont tous pâtis au cours de leur histoire. Le cas le plus flagrant étant le détournement commis par ces gauchistes situationnistes à l’encontre du modeste Crush Karaté, qui est devenu La Dialectique peut-elle casser des briques ? et dont les dialogues furent à 100% détournés pour causer marxisme (mal, d’ailleurs). On ne compte plus non plus le nombre de titres saugrenus tels que Au karaté t’as qu’à réattaquer, Un petit coup dans les baguettes ou encore Quand les Jaunes voient rouge, qui ne relèvent que d’une vision pas franchement sérieuse du film original. Alors quand en plus celui-ci se fait comique, comme c’est le cas ici, il n’est pas peu dire que l’on se prend à douter de la fiabilité du film dans sa version française. Il pourrait ne s’agir que d’une vaste blague, ce que corrobore les voix de certains personnages, tellement typées “dessins animés” qu’elles en deviennent parfois inaudibles. Et il y a le film en lui-même… Ou bien celui-ci fut victime de coupes, ou bien il se montre confus. Avec un nombre pléthorique de personnages dans le camp des gentils, dont un appelé “grand-mère” qui est en fait un homme. On se dit alors que le doubleur a encore fait n’importe quoi, mais non, dans les dernières minutes il sera révélé que cette mamie douteuse est en fait un homme déguisé… fort mal, puisque le spectateur devine tout de suite qu’il s’agit d’un homme, mais déguisé quand même, et qu’il se sera demandé en vain pourquoi ce personnage était appelé “grand-mère”…

Plus généralement, l’histoire de La Lanterne de Jade est en fait l’histoire racontée à un groupe d’enfants de notre époque par un vieillard assis sous un arbre. La Lanterne de Jade fut en fait la fête d’un village sous la dynastie Ming, lors de laquelle ces villageois fêtaient la victoire sur un quelconque bandit de grand chemin, exécuté par ceux qui sont aujourd’hui des vieillards. Mais la prochaine fête qui va s’ouvrir pose souci : il se murmure que le frère du bandit défait, à l’époque repoussé dans les bois, est revenu avec ses hommes pour gâcher la parade. Un frère et une soeur adeptes du kung fu sont donc chargés de veiller à la sécurité. Pourtant la menace va peser essentiellement sur deux enfants de la noblesse, que l’ennemi cherche à kidnapper. Les deux moutards étant eux aussi plutôt fortiches en kung fu, on ne va pas trop s’inquiéter pour eux.

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Il n’y a donc aucun suspense là-dedans, Cheung Pooi Saan ne se cachant même pas pour développer le statut d’intouchable de ses deux enfants. Personne ne parviendra à leur mettre la main dessus, surtout avec les autres adultes qui traînent dans le coin. En conséquence, le réalisateur nous offre essentiellement des combats sous l’angle de la comédie, faisant écho à l’ambiance festive qui règne lors de cette fête de la Lanterne dominée par les lanternes (normal), les divers animateurs de rue et autres défilés en costumes (pratiques pour passer inaperçus). Si l’on y rajoute une musique orientale très stéréotypée, il s’agit presque d’une carte postale du folklore asiatique. Un bon point, qui permet d’installer une atmosphère caricaturale dans un film dépourvu de bases scénaristiques solides mais doté d’un sens de l’humour lui-même propice aux outrances. Pour être clair, c’est un vrai bordel tant dans les rues que dans le scénario, et l’on ne retiendra au final que les combats ainsi peut-être que les poursuites à travers le village en fête. Les deux enfants sont, il faut bien l’admettre, plutôt gonflants : toujours à se disputer (“Faut qu’on parte, on est suivis !” “Mais non, t’es parano, moi je veux voir le spectacle !”) mais aussi à reproduire les vieux poncifs de la chevalerie, le gamin servant de protecteur à la gamine issue de la haute société du village. Comme quoi le vieil homme racontant cette histoire à un jeune auditoire n’est pas qu’un narrateur : c’est aussi un moraliste. Et si l’on se fie aux capacités des deux gamins, auxquels l’auditoire est censé s’identifier, il est même un peu démagogique sur les bords. Ensemble ils sont en effet capable de décimer toute la troupe du méchant de service, et au final les deux “flics” officiels ne se montrent pas beaucoup. Et c’est dommage, d’ailleurs : l’acteur Cheung Fook Gin fait montre d’une certaine prestance qui aurait gagné à s’exprimer davantage dans un film moins porté sur la gaudriole. C’est à lui ainsi qu’à sa collègue de préserver le côté sérieux d’une histoire qui n’a que peu d’importance. Il n’a donc pas grand chose à préserver. Par contre, à défauts d’être utiles, ses combats sont aussi percutants que ceux des gamins. Aidé d’un chorégraphe (Wang Yung S. -le reste du nom est coupé par le recadrage au générique-) Cheung Pooi Saan organise des embuscades mouvementées, démarrant souvent voire exclusivement lorsque des hommes sortent de nulle part. Qu’ils sautent des toits ou sortent des murs pour agresser les enfants ou des adultes, ils occasionnent toujours des batailles spontanées et diversifiées très agréables à suivre. Car si les gamineries des deux enfants sont rébarbatives en temps de “paix”, elles deviennent amusantes le temps des combats. Ce qui est moins dû aux divers ustensiles qu’ils utilisent au milieu de la bagarre qu’à leur propre capacité en la matière. Les chiards sont aussi souples que leurs aînés, et ils utilisent cette souplesse pour donner au film un mouvement perpétuel parfaitement maîtrisé par un réalisateur qui parvient à suivre sans aucune difficulté la rapidité limpide de tous ces combats. Malgré les effets de montage, les plans serrés, les accélérés ou les défilements à l’envers (pour simuler le saut en haut d’un mur), ces séquences restent à chaque fois lisibles et très bien calculées. Paradoxalement, ce sont même les choses les plus compréhensibles de tout le film. Il est regrettable que le réalisateur ait voulu jouer la même exagération dans son intrigue partant dans tous les sens, ce qu’il ne maîtrise pas du tout. Entre les fantômes de samourais sans têtes vus par un gardien de prison alcoolique, entre les multiples protagonistes liés d’une façon ou d’une autre à l’origine de la fête de la Lanterne, entre les coups de théâtre et entre les histoires de famille, les combats perdent beaucoup de leur attrait, alors qu’ils auraient dû justement être les piliers du film. Pourquoi n’avoir pas au contraire épuré au maximum cette intrigue pour permettre aux combats (et aux célébrations pittoresques) de dominer l’ensemble ? Une question qui restera sans réponse. Malgré ses qualités évidentes qui ne demandaient qu’à se développer, La Lanterne de Jade souffre d’un trop plein carnavalesque et finit par lasser. C’est probablement pourquoi le concepteur de l’affiche Fil à films n’a pas voulu trancher et a cherché à intégrer le plus possible de personnages importants dans son photomontage.

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