CinémaWestern

La Flèche brisée – Delmer Daves

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Broken Arrow. 1950

Origine : Etats-Unis
Genre : Western
Réalisation : Delmer Daves
Avec : James Stewart, Jeff Chandler, Debra Paget, Basil Ruysdael…

Dans les années 1870, en Arizona, les apaches sont en guerre avec les blancs. Pourtant, un de ces derniers, un soldat esseulé dans le désert, portera assistance à un jeune indien blessé suite à une attaque commise par l’armée américaine. Bien qu’il se trouvait alors en territoire apache, il sera épargné par les compagnons du jeune indien. Percevant l’honnêteté des apaches, il se destinera à propager l’idée de paix entre les indiens et les blancs. Tout en négociant, il sympathisera avec le chef apache, Cochise, et il tombera amoureux de Sonseeahray, une indienne.

La Flèche brisée n’est pas un western comme les autres. Bardé de récompenses, sa renommée est en partie due au fait qu’il soit le premier western à adopter un point de vue pro indiens, se basant sur un livre d’Elliott Arnold, lui-même basé sur des faits réels (avec quelques libertés tout de même). Mais bien entendu, cela ne s’arrête pas là. En lui-même, le film se révèle également profondément intelligent, réfléchi et bien conçu, doté en outre de la couleur, chose non systématique en 1950 et qui permet ici de magnifier le désert d’Arizona. Pour le personnage de Tom Jeffords, le médiateur entre les deux camps en lutte, Delmer Daves choisit l’acteur qui incarnait probablement à l’époque la plus grande foi en la paix et en la justice dans ce qu’elle a de plus noble (voire d’utopique) : le grand James Stewart, alors en phase de diversification des rôles.

Tout cela mène donc a un film profondément pacifiste qui, s’il adopte certes le point de vue des indiens, ne tombe pourtant jamais dans le manichéisme. Ainsi, dès sa première scène, lorsque Tom Jeffords porte secours au jeune indien blessé, le film ne s’intéresse pas à la guerre en elle-même, mais à son influence sur les hommes. D’abord réticent, l’indien acceptera l’aide de celui qu’il croyait son ennemi. Il ira jusqu’à le glorifier au sein de sa tribu, qui, ainsi, l’épargnera malgré son incursion en territoire apache. A mille lieux de l’image traditionnelle du sauvage immoral que l’on prêtait alors aux indiens, et qui trouve écho dans les dialogues au sein de la communauté blanche, lorsque Jeffords rentre chez lui sain et sauf. Une image de sauvages qui, on peut le deviner au travers de ces dialogues, remontent à de lointaines considérations d’attaques et de vengeances qui se sont perdues et dont l’origine et les fautifs se perdent eux-mêmes dans le fil de l’histoire, sans que pour autant le conflit en lui-même ne s’en soit trouvé amoindri, bien au contraire. Démontrant ainsi que cette image de l’indien sauvage est aussi erronée que celle du blanc systématiquement corrompu, Delmer Daves appelle d’emblée à plus de compréhension. Chose que les mentalités blanches refusent de comprendre, jusqu’à en menacer Tom Jeffords de pendaison pour sympathie envers l’ennemi. Pourtant, c’est bien la courte expérience vécue par Jeffords au sein du groupe apache qui l’a convaincu du bon sens des indiens, aussi peu immoraux qu’il ne l’est lui-même. C’est ainsi qu’il va tenter de souder les liens entre les deux peuples, risquant sa peau d’un côté comme de l’autre. Si les indiens l’accueillent favorablement quoiqu’un peu suspicieusement, en revanche, les blancs seront nettement plus difficiles à convaincre, et il faudra l’intervention des autorités militaires et même présidentielles pour favoriser son entreprise de paix. Une entreprise qui ne peut qu’être longue et fastidieuse à la vue de l’enracinement du conflit, mais qui n’est pas insurmontable. Commençant modestement par l’autorisation aux messageries postales de circuler en terre indiennes, les négociations vont petit à petit s’influencer suite aux premiers succès rencontrés pour aboutir à l’objectif d’un traité de paix qui serait ratifié par Cochise, le chef apache, et le général Oliver Howard (personnage ayant réellement existé, tout comme Cochise, et qui effectivement négocia avec les apaches). La principale raison de ces succès n’est certainement pas militaire, mais avant tout humaine. Vivant de façon très proche avec les apaches, appréhendant leur culture et partageant avec eux sa culture propre, Jeffords prône véritablement l’amitié comme solution politique. Symbole de cet échange, la liaison qu’il nouera avec une jeune apache (Debra Paget, qui douze ans plus tard participa par deux fois au cycle Poe de Roger Corman). Une liaison pleine d’échanges, fructueuse et qui n’est pourtant pas le fruit de la symbolique, mais bien des sentiments. Malgré tout, Daves ne verse pas dans l’illusion, et le cheminement vers la paix ne vient pas naturellement mais sera parsemé d’embûches. Daves mettra notamment en avant le fait que tout groupe humain possède ses irréductibles. Certains chefs apaches (menés par un certain Geronimo) sous les ordres de Cochise refuseront le traité, comme toujours en se basant sur un passé militaire et non sur un présent humain, et s’en iront en renégats, bafouant ce que leur ancien chef a accepté pour la paix. Du côté des blancs, la vieille image des sauvages indiens ne sera pas non plus effacée, et là aussi les extrémistes feront parler la poudre. Jusqu’à l’histoire d’amour, qui sera elle-même parasitée par un prétendant éconduit de la belle Sonseeahray. Bref,dans toute nouvelle alliance, les ressentiments, les vieux préjugés et les ego se poseront toujours irrémédiablement en obstacles et tenteront de faire échouer le processus de paix. Mais le film nous enseigne que malgré toutes les exactions commises par ces extrémistes, la paix reste possible si la volonté y est.

Au-delà de son aspect historique et de la réconciliation entre indiens et blancs américains, La Flèche brisée (tout un titre symbole de paix en soi) concerne bien des conflits ayant existé. Conflit national comme ici (le film présentant en outre une situation que l’on peut retrouver ailleurs : Irlande, Palestine…) ou international (la guerre froide en vigueur à l’époque). Sans tomber dans l’optimisme béat, sans faire oublier les difficultés, Delmer Daves montre que la politique se doit avant tout d’être au service de tous les hommes, et non pas diviser ceux-ci sous des motifs aussi vagues et infondés que le passé de leur communauté, la couleur de leur peau ou les considérations territoriales. Pour surmonter ce clivage, La Flèche brisée prône l’amitié, la coopération, la confiance mutuelle et le partage culturel et humain. Un film réalisé en 1950 dont le propos ne ferait certainement pas tâche à notre époque où le refus de connaître “l’autre” et où l’extrêmisme est de mise. Utopique, peut-être, mais certainement très pertinent.

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