La Dernière rafale – William Keighley
The Street with no name. 1948Origine : Etats-Unis
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Un gang sévit à Center city, laissant parfois derrière lui quelques cadavres. Le F.B.I. ne peut tolérer de tels agissements, mais il se heurte à un mur, ne disposant d’aucune piste viable pour enquêter. Jusqu’au jour où un suspect fraîchement innocenté soit retrouvé mort, peu de temps après qu’un mystérieux John Smith ait réglé sa caution. Le F.B.I. pense alors tenir une piste et mandate un jeune agent, Gene Cordell, pour qu’il s’infiltre dans la faune des bas fonds. Le but avoué de cette mission étant qu’il attise l’intérêt des gangsters recherchés.
La Dernière rafale est un drôle de film noir, dont la mise en place de l’intrigue s’effectue à l’aide d’une voix off au ton très solennel. Cela nous donne l’impression d’assister à un extrait de journal télévisé de l’époque, voire même à un documentaire portant sur le fonctionnement du F.B.I. Avant même que le film ne démarre, un carton s’affiche à l’écran sur lequel la production s’enorgueillit d’avoir pu obtenir quelques images des sacro-saints bureaux de l’agence gouvernementale. C’est que dans sa première moitié, La Dernière rafale s’apparente à un décryptage en règle des méthodes de l’agence. Nous assistons aux analyses ballistiques, aux divers recoupements des indices pour aboutir à une piste fiable, ou encore aux techniques d’infiltrations. Ce sont ces dernières qui constituent le coeur du récit. Tout cela nécessite une forte dose de patience et de la méticulosité. C’est un travail de fourmis auquel William Keighley rend hommage au travers d’une véritable ode à l’intention du F.B.I.
Cependant, si le F.B.I. apparaît comme une belle machinerie aux rouages bien huilés, il arrive parfois que celle-ci connaisse quelques ratés. On ne peut jamais être sûr de la totale probité de ses troupes. L’appât du gain s’avére être un mal insidieux contre lequel il est difficile de lutter, et qui gangrène même les institutions les plus nobles. Loin d’imaginer une telle chose, l’inspecteur Briggs se trouve fort marri en découvrant que certains éléments du F.B.I. puissent s’écarter du droit chemin. Oh, pas de quoi se laisser abattre, ce n’est pas son genre. Il s’agit simplement d’un léger contretemps sur le chemin de la justice. Et puis, quoi de plus normal que la pègre s’adapte à leurs méthodes ! Chacun des deux camps se contamine l’un l’autre par l’intermédiaire d’un Janus. Ils entament un pas de deux à l’issue incertaine, les deux camps se répondant du tac au tac. Nous sommes les observateurs privilégiés d’un jeu dans lequel les faux semblants sont de mise. Un jeu qui fera plus tard le bonheur d’un film comme Infernal affairs, et par la suite, de son remake Les Infiltrés. Mais contrairement à ses futurs pairs, William Keighley ne s’attarde guère sur la psychologie de ses personnages.
Gene Cordell, l’agent du F.B.I. infiltré dans la bande de Alec Stiles, fait son travail sans aucun état d’âme, ni remise en question d’aucune sorte. Il fait même preuve d’une étonnante décontraction, laquelle frise l’arrogance, notamment lors du combat de boxe. Voilà un homme sûr de lui, et convaincu de la pertinence de la stratégie élaborée par ses supérieurs. Un agent de rêve, qui ne se pose aucune question et se conforme aux ordres. Quant au ripoux, William Keighley ne lui accorde que peu d’intérêt, contrairement au chef de bande Alec Stiles. Il faut dire aussi qu’il bénéficie de l’apport de Richard Widmark, acteur habitué au genre et qui apporte à ses personnages une sorte de charme animal qui les rend totalement imprévisibles. Par exemple ici, auprès de sa femme et en l’espace d’une seconde, il passe du type imbuvable à un homme charmant. Une épouse qu’il n’hésite pas à rudoyer lorsqu’il l’estime capable de l’avoir trahi. Une attitude méfiante qui fait de lui un homme enclin à demeurer seul. Toutefois, son comportement souffre de quelques incohérences. Ainsi, lance t-il directement dans le grand bain sa dernière recrue, l’invite à son domicile et ce, sous les yeux de sa femme. Pour un homme méfiant, cela ne fait pas très sérieux. Sans doute souffre t-il également d’une trop grande arrogance.
La Dernière rafale ne restera pas dans les mémoires comme étant un fleuron du genre policier. Il pêche par un aspect trop policé et un tableau par trop idyllique du F.B.I. Une bonne publicité qui a dû ravir John Edgar Hoover. Pour ma part, les publicités, je ne les supporte qu’avant un film, jamais pendant.