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L’Équipée sauvage – Laszlo Benedek

equipeesauvage

The Wild One. 1953

Origine : Etats-Unis 
Genre : Drame / Action 
Réalisation : László Benedek 
Avec : Marlon Brando, Mary Murphy, Robert Keith, Lee Marvin…

 

Le Black Rebels Motorcycle Club (BRMC), une bande de jeunes bikers en jeans et blousons noirs menés par un certain Johnny (Marlon Brando) débarque dans une petite ville américaine, bousculant la tranquillité locale pour le plus grand déplaisir des habitants et du shérif, un trouillard dont la fille, serveuse, va vite être fascinée par Johnny. Peu après, une seconde bande débarquera (avec pour nom les “Beatles” !), issue d’une scission d’avec la première. Après quelques frictions, tous les motards sympathiseront lorsque le chef de la seconde bande, Chino (Lee Marvin), sera envoyé en prison à l’initiative des habitants, bien décidés à agir, puisque le shérif n’ose le faire.

A première vue, on pourrait croire que L’Equipée sauvage n’est qu’un de ces films de bikers dans lesquels de jeunes hors-la-loi imposent la terreur en même temps que leur liberté personnelle. Il est vrai que c’est partiellement le cas, et le film du hongrois László Benedek s’apparente en effet à un western des temps modernes, dans lequel les cylindrées remplaçent les chevaux. L’omniprésence du bar, comparable aux saloons, des bagarres de rues avec vitres défoncées, des citoyens effrayés devant les pillards, des justiciers improvisés, tout y est, et on ne peut nier que le film, au budget modeste, tente de raccoler la jeunesse rebelle à grand renfort de spectacle, préfigurant ainsi les films de la fin des années 60 ou du début des années 70. Les moteurs grondent, les motards boivent de la bière à longueur de temps, taquinent les filles, se moquent des vieux, parlent un argot typique de l’époque et écoutent du rebop (un jazz bepop, musique tendance l’année précédant l’explosion du rock’n’roll). Mais tous ces jeunes blousons noirs sont en ville pour prendre du bon temps, pour se rebeller contre les vieilles valeurs, c’est de leur âge, et avec la vitesse à laquelle la société américaine changeait au début des années 50, leur révolte devient spectaculaire et entraînera un conflit des générations risquant de faire exploser la ville. Mais en fin de compte, les BRMC comme les Beatles n’ont qu’un seul chef sur lequel ils s’alignent : Chino, qui leur montre l’exemple.

L’autre leader, Johnny, de son vrai nom John Strabler, n’a finalement pas grand chose à voir avec eux. Il n’est pas des virées provocatrices, il ne s’amuse pas, il s’isole souvent et parle peu. C’est l’intérêt principal du film. Marlon Brando, dont il s’agissait seulement du cinquième film (les précédents n’étant pas non plus de la merde : Un tramway nommé désir et Viva Zapata ! d’Elia Kazan, Jules César de Joseph Mankiewicz…) donne à son personnage un charisme incroyable, enterrant définitivement ses compères motards au rang de gueulards immatures. Johnny n’est pas un jeune comme les autres, sa rébellion n’est pas du même genre. Lui est davantage dans un esprit “beat generation” : il est tel qu’il est car il ne peut pas trouver sa voie. Il erre sur sa moto, se dirigeant toujours en avant, sans savoir exactement où il va. Il ne supporte pas d’être contrôlé, et il ne se laisse pas faire. Son autorité naturelle, davantage exprimée avec sa simple présence qu’avec des mots auprès des membres de son gang, confine même à l’autoritarisme lorsqu’il côtoie le shérif, qui pourtant ne lui veut pas de mal. Il est mal dans sa peau, sa dureté cache une grande morosité qui se heurtera à Kathie, la fille du shérif, une jeune femme naïve ne demandant qu’à sortir de son patelin. Mais, toujours réfractaire à toute forme d’autorité, il l’enverra promener après l’avoir draguée, uniquement parce qu’elle est la fille du gardien de la paix. C’est du moins ce qu’il raconte, car la suite du film tendra plutôt à prouver que son repli soudain et son apparent mépris sont tout autant dus à sa totale incapacité à montrer ses sentiments.

Lui, le dur de dur, est effrayé à l’idée de faire preuve d’émotions, il n’ose pas, considérant peut-être qu’il s’agirrait là d’une concession à un monde duquel il s’est détaché et qui continue impitoyablement à le traquer, avec la vendetta organisée par les villageois en colère. Johnny est une figure tragique, un personnage sans racines, rebelle solitaire par instinct, et trois ans avant A l’est d’Eden, de Elia Kazan et avec James Dean, Brando donne corps à cette sorte d’anti-héros farouche particulièrement représentatif des années 50. L’Equipée sauvage est un mauvais titre : le film entier porte sur Johnny, sur sa psychologie, sa vision de la vie et de la société, et les autres motards ne sont là que pour montrer la différence entre eux et Johnny. The Wild One (qu’on peut traduire par “Le Rebelle”) est un titre largement plus adapté pour un excellent film, bien plus intimiste qu’il n’y parait.

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