Ilsa, la louve des SS – Don Edmonds
Ilsa, She-wolf of the SS. 1975Origine : Etats-Unis / R.F.A.
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David F. Friedman est un roublard. Lui qui produisit (entre autre tâches) les nudies de Herschell Gordon Lewis, qui le suivit pour les premiers films gores (Blood Feast, 2000 Maniacs, Color me blood red), il trouva encore le moyen de se faire remarquer en mettant la nazisploitation au goût du jour, pile au moment où la censure commençait à se faire plus discrète. Cela commença par un Nazi Love Camp 7 en 1969, et Ilsa, la louve des SS joua le rôle du film déclencheur, forcément devenu emblématique au fil du temps. Les recettes des nazisploitations ne sont pourtant pas tout à fait sorties de l’imagination de notre sympathique producteur, puisque déjà au cours des années 60 Israël avait connu une vague de “stalag fictions”, des romans coquins utilisant déjà le concept des humiliations sexuelles commises par de sévères gardiennes SS dans des camps de prisonniers. Cela dit, au niveau cinématographique, Friedman fut bien le géniteur de ce genre en son temps décrié (interdit dans plusieurs pays), et son Ilsa (Dyanne Thorne) est devenue l’icône de la matrone nazie. Commandante SS d’un stalag (le même employé sur la série Papa Schultz !), elle domine ses prisonniers d’une poigne de fer. Les femmes lui servent de cobayes dans ses expérimentations sur la douleur, qu’elle conçoit entre autres comme des moyens de prouver sa théorie sur la plus grande résistance physique des femmes. Quant aux hommes, elle les utilise pour connaître le plaisir, castrant les malheureux qui ne sont pas capables de tenir la distance. Or, parmi les derniers prisonniers débarqués figurent Wolfe, un homme américain inépuisable et Anna, une femme forte.
Misant tout sur son effet choc, Don Edmonds, l’homme de main de Friedman, use d’une exagération permanente que l’on trouve dès l’entame du film, lorsque cette diablesse d’Ilsa couche avec un homme pour l’arrêter le lendemain au motif qu’il est un sous-homme indigne. Le fanatisme nazi est poussé dans ces derniers retranchements, et il le sera durant tout le film. Les croix gammées sont omniprésentes (jusqu’au dessus du lit de la commandante), les subalternes d’Ilsa sont du même tonneau qu’elle-même (deux blondes valkyries aux fortes proportions mammaires qu’elles n’hésitent pas à dévoiler), les uniformes SS sont pimpants, les murs sont décorés de portraits d’Hitler ou d’Himmler, les chants nazis se font souvent entendre, Ilsa base sa réthorique sur la grandeur du IIIème Reich, et bien entendu la discipline imposée aux prisonnières du camp est des plus strictes. Cette insistance trouve son équivalent dans la gestion de la cruauté, utilisée à travers les expériences aussi insensées (“Tiens, qu’est ce que ça fait quand on met une fille pendant 50 minutes dans de l’eau à 80° ?”) que répugnantes (“Ah ben elle fond !”). Séances de fouettements, essai sur la résistance aux hautes pressions, vibromasseur d’une taille incongrue, tige enflammée dans le vagin, filles livrées en pâtures aux soldats avinés, maladies défigurantes inoculées etc etc… La dignité humaine est plus que bafouée, elle est traînée dans la boue avec un grand sadisme reposant sur le surjeu de Dyanne Thorne. La pudeur des victimes est bien entendu niée (voir à ce titre l’accueil des nouvelles prisonnières), ce qui se doit d’être un des piliers du sexe voyeur de la nazisploitation. Toutes les victimes sont entièrement nues, bien entendu, et la plupart des sévices -qui ont lieu dans des salles dégueulasses- portent sur leurs parties intimes. Ilsa est sacrément perverse, et si son sadisme vaut pour les femmes, son masochisme est plus prégnant pour son traitement des hommes. Ainsi, dans ses ébats avec Wolfe, c’est bien le prisonnier américain qui se montre autoritaire (ce qui d’ailleurs ne laisse pas beaucoup de surprises quant au dénouement du film). Nue, Ilsa est soumise. Avec son uniforme, elle est une tortionnaire. Le fétichisme de l’uniforme, surtout celui au combien inquiétant de la SS, joue un grand rôle dans l’aspect sado-masochiste. Ainsi, le sado-maso ultime, un général de passage, exige qu’Ilsa ne retire que son pantalon et lui urine dessus. De la à penser que plus on grimpe dans la hiérarchie nazie plus il y a de pervers, il n’y a qu’un pas. Tout leur système semble fondé sur cette perversion. Du reste, le mot “domination” n’a pas qu’un sens politique…
Ilsa, la louve des SS condense donc tous les symboles du nazisme (Ilsa est elle-même inspirée par Ilse Koch, épouse sadique du chef de Buchenwald, et ses expériences évoquent celles de Mengele) et les outrances gores ou sexuelles étalées sur la courte durée d’un long-métrage sont présentées comme les fruits logiques d’un système à ce point porté sur la négation de la dignité d’autrui. Ainsi, le camp en vase-clos apparaît comme la quintessence de la monstruosité. Conséquence logique : les victimes inspirent une profonde pitié, bien aidées en cela par des personnalités calibrées pour être attachantes. Pensons par exemple à cette pauvre Rosette, la jolie et fragile petite française (contrairement aux gardiennes allemandes, les prisonnières sont jolies et leurs seins ne sont pas des obus) qui craint tellement d’être transformée en saucisson qu’elle passe la majeure partie du film à pleurer. Pensons aussi à Mario, ce prisonnier de longue date pour qui la vie est fichue depuis sa castration, mais qui affiche une grande détermination à aider ses camarades à s’évader. Rosette comme Mario, ainsi que les autres prisonniers, tous du même genres, sont fort heureusement soutenus par deux héros courageux. Chez les femmes, c’est Anna, qui malgré les nombreuses tortures qu’on lui inflige, et quitte à risquer la mort, refuse de crier de douleur afin de ne pas satisfaire Ilsa. Le Jésus Christ de Mel Gibson a dû s’inspirer de la résistance d’Anna au moment où lui aussi était en passe de devenir un steack haché. Chez les hommes, le sauveur est donc Wolfe, l’homme qui réussit à retenir ses éjaculations (au second degré, le dialogue à ce sujet avec Mario est d’ailleurs savoureux). L’américain (car n’oublions pas que le film est américain et doit plaire à son public) est un Steve McQueen en puissance. Aussi fort que malin, il se lance lui aussi dans une grande évasion sur laquelle peu d’informations nous seront données. Seul le résultat final est important, puisqu’il permettra une vengeance en bonne et due forme.
Evidemment, tout ceci se fait avec un sens de la cinématographie plutôt limité. La complaisance semble avoir été l’unique ligne artistique de Don Edmonds, tout comme elle fut celle des scénaristes. C’est bien le propre de la nazisploitation… Le sentiment d’ennui, qui intervient si souvent dans ce genre de film, est évité grâce à un montage ne s’éternisant sur aucune scène, ce qui fait tout de suite d’Ilsa, la louve des SS un film assez plaisant à regarder. Quant à son aspect scandaleux, l’exagération théâtrale des atrocités qu’il montre (et l’absurdité des dialogues) lui retire tout fondement.