Ghoulies – Luca Bercovici
Ghoulies. 1985Origine : Etats-Unis
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Il est souvent admis que Ghoulies n’est qu’un dérivé du Gremlins de Joe Dante. Ce n’est pas faux, mais ce serait oublier que dès 1983, soit un an avant la sortie de Gremlins, Charles Band avait déjà dans ses cartons un projet nommé Beasties devant mettre en scène des petits monstres voraces. Remisé à une date ultérieure (le temps de laisser Gremlins prouver la viabilité commerciale du concept ?), Charles Band le ressorti en 1985, confiant la charge de la réalisation et du scénario à Luca Bercovici, acteur de son Parasite qui inaugurait là sa peu prolifique carrière derrière la caméra (et son encore moins prolifique carrière de plumitif).
Pour marcher sur les pas du film de Joe Dante, Bercovici se contente paradoxalement de reprendre le principe des petits monstres, orientant son film dans une direction horrifique à vagues consonances gothiques. Pas de petite ville enneigée ici, mais un vieux manoir ayant autrefois servi de repère au sorcier sataniste Malcolm Graves (Michael Des Barres) qui y rata de peu le sacrifice de son propre fils encore bébé. De nombreuses années plus tard, le père est mort et le fils Jonathan, devenu étudiant, hérite du manoir où il emménage en compagnie de sa petite amie Rebecca (Lisa Pelikan). N’ayant pas connu son père mais étant attiré par les mêmes choses que lui, le jeune homme se plongera dans les vieux traités de magie noir peuplant les étagères de la maison. Se prenant au jeu avec un sérieux guère approuvé par Rebecca, Jonathan commencera à faire des incantations à destination des anciens serviteurs de son père. Dont les ghoulies font partie.
A ce stade du film, presque une heure s’est déjà écoulée. C’est dire si Ghoulies n’a franchement pas grand chose à proposer, le sujet de la magie noir apparaissant comme plus important que celui des monstres. C’est donc avec un sentiment d’ennui fort prononcé que le spectateur assiste à la soudaine passion de Jonathan pour le métier de sorcier, qu’il apprend sur le tas, délaissant ses cours à l’université pour mieux se consacrer au port de la soutane démoniaque, accessoire indispensable à toute formule solennelle déclamée devant un pentagramme tracé sur le sol de la cave. Filmé avec une gravité ne parvenant pas tellement à masquer le ridicule de sa lubie, le personnage n’hésite pas à organiser à l’improviste sa première messe pendant la pendaison de crémaillère, au grand dam du pervers de service, dont la proposition de faire un strip-poker semblait tenir la corde. Ce sera en tout cas la première des nombreuses cérémonies destinées à réveiller tout et n’importe quoi croupit en enfer. Un premier ghoulie sortira, mais, timide, il ne se montrera pas tant que ses collègues ne seront pas arrivés, c’est à dire une demi heure plus tard. Censées être les serviteurs de Jonathan, les bestioles feront la plupart du temps office d’animaux de compagnie, dissimulés aux yeux d’une Rebecca, qui, fâchée de l’attitude de son copain (“tu viens manger ?” – “Non, je jeûne” – “Tu jeûnes ?!!“) fera la tête. C’est en partie pour rétablir la situation relationnelle du couple (mais aussi pour amener le “pouvoir” et la “connaissance” à Jonathan) que d’autres serviteurs seront convoqués : Grizzel et Greedigut, un couple de nains coiffés d’un bonnet de bain en acier.
La logique n’embarrasse pas Luca Bercovici, qui a le talent de réussir de complets non-sens dans une intrigue a priori simple comme bonjour. La présence des ghoulies n’est pas que futile : elle est complétement gratuite, et les petites bêtes conçues de façon assez soignée par John Carl Buechler n’auront en tout et pour tout que dix minutes d’activité, accomplissant une tâche qui aurait tout aussi bien pu être effectuée par le vilain Malcolm, le papa de Jonathan, ressucité par une nouvelle invocation foireuse en présence des amis débiles et stéréotypés du plus jeune des Graves. A force d’aligner les incohérences, de présenter des personnages (dont les ghoulies aussi bien que les deux nains) dépourvus de toute utilité et d’oublier de préciser quels sont les enjeux du film, Bercovici tombe après la très plate première heure dans ce qui pourrait être perçu comme de l’anti-cinéma : un foutoir complet sans queue ni tête, dans lequel les rebondissements absurdes sont placés au petit bonheur la chance (des fois que ça tienne debout, on ne sait jamais…) et dans lequel les rares effets spéciaux sont balancés aux yeux des spectateurs, atterrés d’avoir à assister à des scènes telles qu’un duel de sorcier aux yeux verts fluos conclu par l’arrivée inopinée d’un jardinier (Jack Nance en rupture de David Lynch) qui après avoir occasionnellement parlé en voix off pour ne rien dire montrera des talents de magicien qu’on ne lui prêtait pas, et pour cause : il ne sera montré que deux minutes durant les 80 que dure le film.
A noter que Ghoulies est le premier film de Mariska Hargitay, plus tard vedette de la série New York Unité Spéciale. C’est bien la seule chose que l’on peut retenir de cette navrante production Empire.