Ghosts of Mars – John Carpenter
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Ghosts of Mars. 2001Origine : États-Unis
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Une délégation de l’armée régulière est envoyée en train dans la petite ville de Shining Canyon pour y prendre en charge le hors-la-loi Desolation Williams, arrêté pour meurtre et braquage de train, qu’ils doivent ramener dans la prison d’Etat. Mais sur place, ils se rendent compte que Shining Creek est devenue une ville fantôme, et que les habitants se sont tous fait massacrés par les indiens défendant leur territoire face à ces pionniers colonisateurs. Va alors commencer pour les soldats une longue attente jusqu’à ce que le train revienne les chercher, attente pendant laquelle les indiens vont bien entendu attaquer de nouveau, assiégeant les envahisseurs dans la prison locale et les contraignant à se défendre avec l’aide de Desolation Williams et de ses hommes, qui ne sont jamais restés bien loin.
Telle pourrait être la véritable histoire de Ghosts of Mars, premier et pour l’instant unique long-métrage de John Carpenter au 21ème siècle. Mais comme à son habitude, le réalisateur ne réalise pas ce western tel quel, et ce même si le sujet est probablement le plus “westernien” de tous ses films. Il le cache sous une apparence de science-fiction, où tout se déroule au 22ème siècle lors de la colonnisation de la planète Mars, où les personnages principaux (à l’exception de Desolation Williams) sont des femmes représentant une société matriarcale, et où les indiens sont en réalité des entités martiennes impalpables ayant pris possession du corps et de l’esprit des mineurs qui les ont rencontré, opposant pour la première fois les deux civilisations. Voilà de quoi faire un excellent film pour Carpenter, qui se retrouve en terrain connu, et qui a à sa disposision non pas un mais deux personnages centraux, teigneux et têtus : le hors-la-loi Desolation Williams (Ice Cube) et la lieutenante Melanie Ballard (Natasha Henstridge), devenue chef du groupe après le prématuré décès de sa supérieure, la Commandante Braddock (Pam Grier). Et pourtant, la mayonnaise ne prend pas. Déjà tout simplement à cause du procédé narratif utilisé par Carpenter : refusant une nouvelle fois la linéarité après L’Antre de la folie (qui pourtant n’en avait pas pâti, au contraire), le scénario n’est en fait qu’un grand flash back tenant lieu de témoignage demandé à Melanie Ballard par ses supérieurs au tout début du film, lorsque le train censé ramener Desolation Williams est retrouvé vide à l’exception de la Lieutenante elle-même, enchaînée à un lit. Si ce grand flash back courrait jusqu’à la fin du film, cela aurait pu marcher, mais ce n’est pas le cas. Plusieurs fois il s’interrompt pour revenir à l’interrogatoire du temps présent, plusieurs fois il fait lui-même intervenir des flash backs, des témoignages dans le témoignage et plusieurs fois Ballard doit s’expliquer sur certains évènements auxquels elle n’a pas elle-même assisté, mais qui ont pour point de départ quelque chose qu’elle a vécu (le meilleur exemple étant par exemple lorsque son groupe se sépare)… Le récit est morcelé et la conséquence en est que le film manque cruellement de spontanéité, à tel point que l’on se prend même à ne plus prendre aucun intérêt à suivre l’histoire qui nous est contée, d’autant qu’il faut attendre à peu près la moitié du film pour que les indiens / martiens n’interviennent massivement.
L’autre point faible du film est son casting. Desolation Williams, censé être un hors la loi célèbre obligé de s’allier à ceux qui sont venus l’arrêter, est incarné par un Ice Cube bouboule et dont le seul talent consiste à froncer des sourciles et à lancer de méchants regards en coin. Forcément, nous sommes très loin d’un Snake Plissken, d’autant plus que sa nature libertaire se révèlera généreuse et non plus égoïste comme celle de la figure de proue du cinéma de Carpenter. Quant à Melanie Ballard, un personnage qui vingt ans plus tôt aurait probablement été interprété par Adrienne Barbeau, elle prend les traits trop charmants de Natasha Henstridge qui, si elle est parfaite dans le rôle d’un Mutant à poil (La Mutante), n’a franchement pas les épaules pour tenir le rôle principal du film le plus ouvertement ciblé western de John Carpenter. De plus, son personnage ne se remarque ni par sa violence ni par son intransigeance, allant même jusqu’à se faire désobeïr par de la bleusaille gaffeuse et jusqu’à se laisser séduire par un soldat obsédé. On sent ici que Carpenter a voulu faire un western davantage dans la tradition de John Ford ou de Howard Hawks qu’un film véritablement personnel, et ce même si les rapports hommes/femmes sont inversés et si le prétexte relève de la science-fiction. Et le résultat n’est pas brillant : non seulement ses personnages sont médiocres, mais en plus ses acteurs le sont tout autant.
Avec de tels points faible, difficile de livrer tout de même un bon film. Et en effet, il n’y a pas de miracle : lorsqu’arrive l’attendu assaut des martiens sur la prison où s’abritent les héros, la platitude de ces protagonistes plonge le spectateur dans l’indifférence, aidé en cela par une musique rock résolument de notre époque (grosses guitares saturées, quelle laideur) et par une mise en scène manquant de panache, jamais créatrice de tension. Peut-être cela tient-il aussi du fait qu’il y a décidément trop de martiens, et que les armes à disposition des personnages principaux sont trop massives et trop nombreuses pour évoquer l’Assaut réalisé par Carpenter au début de sa carrière. Sans compter que sont mélangées à elles des armes de poing, celles des indiens / martiens qui ne sont utilisées que pour quelques furtifs plans gores…
Ghosts of Mars est sans nul doute l’un des moins bons films réalisés par Carpenter, si ce n’est le moins bon. Bien que cela me chagrine, le terme “mauvais” peut même être employé. Déplorable, tant le sujet semblait parfait pour le réalisateur.