Geostorm – Dean Devlin
Geostorm. 2017Origine : États-Unis
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Un peu plus et la Terre entière aurait été ravagée par des catastrophes climatiques d’ampleur. Mais fort heureusement, les nations du monde se sont liguées et ont concrétisé le projet “Dutch Boy” conçu par Jake Lawson. Grâce à un réseau de satellites pilotés depuis une ISS renforcée, les scientifiques peuvent désormais tuer dans l’œuf tout désastre qui s’annonce. Géré par les États-Unis, Dutch Boy doit d’ici quelques années passer aux mains de l’ONU. Dans l’intervalle, jugeant Lawson trop indocile, le Sénat américain entreprend de le destituer et de le remplacer par son propre frère, Max. Trois ans plus tard, alors que la passation États-Unis – ONU doit avoir lieu dans deux semaines, le dispositif montre pourtant des signes inquiétants : un village en plein désert afghan est soudain pris dans les glaces, le sol de Hong Kong se consume de lui-même, et l’un des employés de l’ISS est tué à la suite d’une panne matérielle. Leonard Dekkom, le lien entre le président et Max Lawson, charge ce dernier d’envoyer quelqu’un qui connait bien Dutch Boy et qui saura trouver et remédier aux dysfonctionnements : nul autre que Jake ! Trop concerné par son bébé pour l’abandonner, et accessoirement trop soucieux du sort de l’humanité pour lui faire courir des risques, Jake accepte l’offre de son traître de frangin et repart vers l’ISS pour y faire un diagnostic général des satellites. De son côté, Max ne reste pas inactif et fait analyser les réseaux informatiques contrôlant Dutch Boy. Et les deux frangins ne tardent pas à être d’accord : les défaillances sont d’origine humaine ! En gros, quelqu’un rattaché au projet s’évertue à le saboter et envisage visiblement de faire subir à la Terre une “geostorm”, c’est à dire une véritable apocalypse de catastrophes naturelles.
Moon 44, Universal Soldier, Stargate, Independence Day, la série télé Le Visiteur, Godzilla, Le Patriote… Que ce soit en tant qu’acteur, que scénariste ou que producteur, Dean Devlin fut indissociable de Roland Emmerich lorsque celui-ci lança sa carrière aux États-Unis. Mais après leur rupture, si l’un continua à enchaîner les succès et à s’attirer les bonnes grâces des studios, l’autre tomba bien vite dans un relatif anonymat. Devenu scénariste ou producteur de séries télé qui se heurtèrent à une concurrence féroce, Devlin en profita cependant pour faire ses premières armes comme réalisateur. Ce fut le cas notamment sur Leverage, puis sur Flynn Carson et les nouveaux aventuriers. Un bilan qui manquait clairement d’ampleur comparé à celui de son ancien acolyte qui dans le même temps pondait Le Jour d’après, 2012 ou autres White House Down pour s’imposer comme le spécialiste du spectacle mastoc (bien qu’il s’essaye aussi régulièrement au film historique voire au drame). Puis vint l’année 2016 et les retrouvailles à l’occasion de Independence Day: Resurgence. Compte tenu des parcours de Emmerich et de Devlin depuis l’an 2000, difficile de ne pas comprendre que l’un des deux hommes dominait clairement l’autre. Mais avec Geostorm, sa première incursion de réalisateur dans un long-métrage, Devlin avait l’occasion de montrer son savoir-faire en se frottant à un sujet emmerichien en diable, potentiellement riche en action et doté d’un confortable budget qui, des 82 millions initiaux, finit par s’élever au final à plus de 120 millions. Une somme moindre que celles allouées à Roland Emmerich pour ses films-catastrophe, mais qui n’est pas non plus négligeable. Et de fait, Geostorm ne lésine pas sur les effets spéciaux et se réserve quelques morceaux de bravoure typiquement hollywoodien. Mais le problème n’est pas là : si Devlin voulait vraiment se hisser au niveau de Roland Emmerich, encore fallait-il qu’il sache faire au moins aussi bien que lui, voire soit capable de faire mieux. Ce qui ne serait foncièrement pas trop difficile, car en dépit de leurs succès et de leur incontestable générosité en matière de spectaculaire, les films du cinéaste allemand ne vont généralement pas chercher bien loin. Si leurs entames donnent l’eau à la bouche (du moins si l’on accepte de faire fi de leur crédibilité), ils finissent par s’encroûter et par se reposer sur des personnages stéréotypés, véritables caricatures des clichés hollywoodiens les plus baveux. Les familles dans l’épreuve, le sens du sacrifice, les couples qui se forment ou se rabibochent, les braves gamins, les politiques tantôt dignes et tantôt pourris et, cerise sur le gâteau, les chiens sauvés. Tout un petit cercle de protagonistes qui laissent en arrière plan le reste de l’humanité, envoyée ad patres sans état d’âme.
Mauvaise surprise (mais est-ce vraiment une surprise ?), Geostorm est trempé dans le même moule rouillé. Son protagoniste principal, Jake Lawson, est de ces héros génériques qui par leur façon d’être en appellent au spectateur moyen, faisant étalage de leur dévouement sans borne, de leur probité exemplaire et de leur courage inépuisable malgré l’odieuse façon dont ils sont traités par d’avides bureaucrates idéologues ou pire : corrompus. Jake Lawson, c’est l’hymne américain fait homme, le quidam devenant “the hope of the world”, capable de retourner dépanner l’électroménager des petites vieilles après s’être fait virer du projet “Dutch Boy” qui a sauvé l’humanité. Et qui, quelle grandeur d’âme, passera outre sa fierté personnelle lorsqu’il s’agira de retourner au service de celle-ci. Non sans faire payer au passage les vilains qui l’auront conduite au bord du précipice. Il va sans dire que ce genre de personnage est tellement irréaliste, tellement grossier dans la démagogie qu’ils laissent totalement insensibles là où ils voudraient susciter l’admiration. Gerard Butler, qui en hérite ici, ne sait trop sur quel pied danser : tantôt il lui faut mettre l’accent sur l’intelligence de son personnage, tantôt il lui faut rappeler que c’est un “homme du peuple”, et toujours il faut en faire un parangon de vertu. L’acteur ne brille pas particulièrement dans cet exercice qui certes est d’emblée voué à l’échec, mais qui serait tout de même mieux desservi par des acteurs un peu plus subtiles (reconnaissons au moins à Emmerich de savoir mieux s’entourer). Car en l’état, Butler joue avec un registre limité un personnage qui pêche justement par ses registres trop multiples. Au moins peut-on se féliciter que Devlin se soit abstenu de développer la romance latente qui se noue avec Ute Fassbinder, la directrice allemande de la station spéciale avec laquelle Jake est amené à travailler (encore que le mot soit un peu fort, puisqu’elle ne fait en gros que lui déverrouiller des portes). En revanche, il était couru d’avance qu’il ferait grand cas des relations entre Jake et son frère Max, qui passe pour un traître mais avec lequel il n’a d’autre choix que de travailler. On ne pouvait y couper, mais au moins aurait-on pu espérer que Devlin ne cède pas aux facilités systématiques. Ce qu’il s’empresse de faire… Et c’est donc parti pour une réconciliation progressive à base de bons gros sentiments et de souvenirs personnels qui feront échos aux épreuves rencontrées dans cette adversité. Les deux Lawson mèneront leur enquête, les deux découvriront un complot, les deux risqueront leur vie… Une évolution parallèle qui ne fera que ressouder les frangins dans un torrent d’émotion. Max Lawson est une sorte de mini Jake, avec ce penchant à la bureaucratie qui le rend moins sympathique… Il ne pouvait y avoir qu’un seul héros pur et dur, mais en revanche Max est le bienvenu pour être son lieutenant, surtout qu’il permet également à Jake de montrer sa mansuétude, voire -quel homme ! quelle humilité !- de faire son autocritique. Inutile de continuer plus loin dans la galerie de personnages, tous fossilisés dans les clichés hollywoodiens les plus éculés. Contentons-nous d’en mentionner quelques uns : la copine de Max, conseillère du Président et femme d’action, la fille adolescente de Jake toute triste de voir son papa risquer sa vie dans l’espace, ou bien entendu le grand méchant, d’abord mesquin avant de devenir mégalo lorsqu’il se retrouve démasqué par les frangins Lawson… Si les personnages d’Emmerich ne vont pas chercher bien loin, ceux de Devlin sont tout bonnement catastrophiques et rendent clairement le film insupportable.
Il faut toutefois convenir que ce n’est pas pour une potentielle étude de caractère que l’on se penche sur un film comme Geostorm. L’attente se porte bien entendu sur le spectacle. Dans le meilleur des cas, celui-ci parvient à mélanger ampleur, variété et intensité dramatique. Bourrin et rien de plus, Roland Emmerich n’a jamais réussi le sans-faute, notamment au niveau de l’intensité dramatique. La faute à des personnages qui par manque de réalisme peinent à impliquer le spectateur dans leurs épreuves. Ce n’est certainement pas avec ses personnages à lui que Devlin allait hausser le niveau : ils sont encore pires que ceux de son confrère… Plutôt que d’être au premier plan, l’action est toute entière à leur à service, que ce soit pour les glorifier (les héros), pour les châtier (les méchants) ou pour l’inévitable “séquence émotion” (aussi factice que le reste… et d’ailleurs Devlin aussi nous ressort le coup du chien miraculeusement sauvé). Plutôt que de placer des personnages crédibles dans des situations extraordinaires, Devlin confronte des personnages super-héroïques dans des situations… qui ne cassent pas trois pattes à un canard. Ainsi, même en se contentant du strict minimum “emmerichien”, Geostorm ne donne pas satisfaction. Et cela parce qu’au lieu de faire un pur film-catastrophe, Devlin a choisi de l’hybrider avec de la science-fiction, le tout sur fond de “techno-thriller”. Ainsi, le gros de la crise climatique a eu lieu avant même que l’intrigue ne démarre : ce sont les raisons qui ont conduit à la création du projet “Dutch Boy”, et qui à travers de quelques plans ne forment que l’introduction. Certes, il dissémine ensuite ici ou là quelques scènes relevant de catastrophes climatiques, mais d’une part elles repoussent les limites du grotesque (le gel qui envahit Copacabana à Rio en poursuivant les baigneurs en maillot de bain… pire que le gel du Jour d’après) et d’autre part -et c’est encore pire- ces événements relèvent moins d’une nature devenue incontrôlable que de la malveillance d’un grand méchant restant à démasquer. Le propre du cinéma catastrophe est de soumettre l’humanité, ou au moins une partie de l’humanité, à des aléas naturels. En justifiant ceux-ci par l’existence d’un méchant de chair et de sang qui appuie sciemment sur un bouton, le réalisateur se tire une balle dans le pied et réduit son film à une sorte de James Bond de bas étage. Vu le niveau général et vu la composante spatiale de l’intrigue, on songe ainsi à Moonraker. De toute évidence un mauvais James Bond, mais qui avait au moins pour lui de disposer d’un certain humour. Or, d’humour, Geostorm en est totalement dépourvu, se vautrant complaisamment dans les stéréotypes hollywoodiens et usant grossièrement des largesses offertes par les effets spéciaux numériques pour se prétendre spectaculaire. Le film est bien truffé de scènes d’action, mais celles-ci alternent les scènes “catastrophes” (celle de Rio par exemple) avec des scènes plus typiques du cinéma d’action traditionnel et d’autres encore qui relèvent du tout venant de la science-fiction à gros budgets (les problèmes techniques de la station). Un mélange disparate, indigeste, foncièrement laid et profondément ennuyeux.
La conclusion est vite faite : Geostorm est immonde. Tape-à-l’œil dans ses personnages et dans son traitement du spectacle, il verse en outre dans une intrigue démagogique ayant de forts relents complotistes à base d’homme providentiel venant débusquer le vilain bureaucrate haut placé voulant détruire l’humanité. Aussi peu subtil qu’une théorie QAnon, ce film incarne tout bonnement ce que son époque, cinématographiquement et socialement, a de plus affreux à proposer. S’il est heureusement loin d’avoir marqué les esprits, ayant fait un flop au box office, il n’en reste pas mois qu’il s’agit probablement de l’un des trucs les plus affreux à avoir vu le jour ces dernières années. Notons enfin qu’il a embarqué dans son naufrage des acteurs autrefois réputés, comme Andy Garcia et Ed Harris (histoire de faire comme les films-catastrophe d’antan, bardés de noms connus ?), et qu’il fut produit par un Jerry Bruckheimer qui, même à son échelle, est clairement sur la mauvaise pente.
Bon ok, la critique est pire que celle pour Independance Day. Geostorm se fait lyncher, comme un partisan de Trump à une réunion des black panther.
Mais à la différence de tous les films de Emmerich, jamais je n’ai eu des envies de meurtres envers les personnages de Géostorm.
J’ai vu White House Down, et je n’avais qu’une envie c’est que les méchants gagnent tellement je trouvais insupportable les gentils et ça se répète dans tous les films de Emmerich. Il a un talent pour te faire détester ses personnages positifs, comme la fille du héros que tu espères se faire descendre.
Pareil pour The Patriot, où j’ai fini par être pour les anglais, Independence Day Resurgence où je souhaitais que les extraterrestres gagnent etc…
J’attendais rien de Geostorm. J’ai vu le nom de Devlin et je me suis dit qu’il va faire comme Emmerich, et aussi incroyable que cela puisse paraitre, j’ai trouvé le film divertissant. Ça a été un plaisir de le regarder. Gerard Butler était efficace et ne m’a pas rebuté. Je pouvais croire que le complice de Emmerich fasse mieux que ce dernier sur son propre terrain, et encore c’était avant que je découvre Bad Samaritan, avec David Tennant en psychopathe.
J’ai aimé Geostorm. Le film n’a pas eu le succès qu’il méritait mais cela ne change pas le fait que pouyr moi, Devlin est un réalisateur qui a du talent. Il ne sort pas le patriotisme jusqu’à l’overdose, ses personnages sont pas antipathiques à défaut d’etre sympathiques, l’histoire est intéressante, les scènes d’actions sont bien faites, et Andy Garcia et Ed Harris n’ont pas à avoir honte d’avoir joué dans ce film.
J’ai écrit sur la base de souvenirs vagues du film, mais je me souviens de deux choses : un, que j’ai passé un bon moment ; deux, que Devlin a réussi là ou Emmerich s’est cassé les dents dans ses démos pour effets spéciaux.