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Fast and Furious – Rob Cohen

The Fast and The Furious. 2001.

Origine : États-Unis
Genre : Tuné
Réalisation : Rob Cohen
Avec : Paul Walker, Vin Diesel, Michelle Rodriguez, Jordana Brewster, Chad Lindberg, Rick Yune, Matt Schulze.

Passionné de voitures, de mécanique et, surtout, de vitesse, Brian Earl Spinner aimerait se confronter aux meilleurs lors des courses automobiles organisées illégalement dans les rues de Los Angeles. Et à ce petit jeu-là, le meilleur porte un nom : Dominic “Dom” Toretto. Un soir, Brian décide d’y aller au culot et participe en mettant sa voiture en gage. Alors qu’il pense avoir course gagnée, il finit par se faire doubler par Dom, qui confirme une nouvelle fois son statut. Mais Brian n’a pas tout perdu. Alors que des patrouilles de police viennent gâcher la fête, il sauve la mise à Dom, s’offrant ainsi son respect. Désormais intégré à sa “famille”, il tombe sous le charme de Mia, la soeur de Dom. Ce qui ne va pas sans occasionner quelques accrochages avec Vince, un ami de Dom, qui l’a pris en grippe depuis le début. Il va jusqu’à le soupçonner d’être un flic. Dom ne sait plus trop qui croire et finit par s’en remettre à la version de Brian. Sauf que ce dernier est bien flic. Il agit sous couverture dans le but de démanteler une bande de voleurs de matériel Hi-Fi qui pourrait bien être Dom et ses amis.

Devenue l’une des franchises les plus lucratives du cinéma américain, la série des Fast and Furious s’est imposé comme le vaisseau-amiral de Neal H. Moritz, producteur aux dents longues qui voulait aussi sa part du gâteau au sein du marché du cinéma à grand spectacle. Il a démarré sa carrière en catimini au début des années 90 avec Juice, et ce n’est qu’à partir de Souviens-toi… l’été dernier en 1998 qu’il trouve son identité. Il va désormais concentrer son travail de producteur sur l’élaboration de films à l’attention des adolescents, tous genres confondus. Et qu’aime un adolescent ? L’adrénaline générée par la vitesse, des gros bolides et des filles bien roulées. Oui, ça paraît quelque peu primitif dit comme ça mais il suffisait de voir les grilles de départ des courses automobiles jusqu’en 2018 pour comprendre que même une fédération internationale n’hésitait pas à réifier les femmes dans le seul but de valoriser leur produit. Et tout ce qui touche à l’automobile de manière générale demeure profondément machiste. Fast and Furious s’engage à fond dans cette voie, opposant deux hommes qui rivalisent de rodomontades pour savoir lequel des deux est le plus rapide. Dans ce contexte, les femmes servent de decorum, arpentant l’asphalte dans des tenues suggestives et, pour certaines, s’offrant en guise de trophée. Et si dans un souci louable de parité, Letty, la copine de Dom, a le droit de participer à une course – qu’elle remporte ! – et Mia de s’éclater au volant d’un bolide pour en mettre plein les yeux à son mec, elles n’en demeurent pas moins au second plan. Fast and Furious vise à être un véhicule pour ses stars masculines, non féminines. Paul Walker, pour commencer, qui après The Skulls : Société secrète – déjà de Rob Cohen – reste sous le giron de Neil H. Moritz. Mais la véritable attraction du film porte un nom à la portée ironique. Sortant tout juste de Pitch Black, Vin Diesel enchaîne sans le savoir avec ce qui deviendra son deuxième personnage totem, le voleur au grand coeur Dominic “Dom” Toretto.

Fast and Furious, dont le titre fait écho au film de courses automobiles The Fast and the Furious réalisé par John Ireland en 1954, est le fruit de l’imbrication de différents éléments. Le déclic provient d’un article paru dans le magazine Vibe intitulé Racer X et qui évoque cette nouvelle génération de jeunes intrépides qui foncent à toute berzingue dans les rues de New York au volant de leurs bolides japonais customisés. Un point de départ ensuite enrichi par la reprise des principaux éléments de 260 Chrono de Peter Werner (1987) qui voyait un jeune flic joué par D.B. Sweeney infiltrer le gang de voleurs de voitures dirigé par Ted Varrick (Charlie Sheen), puis enluminé en lorgnant du côté de The Legend of Speed de Andrew Lau (1999), qui se déroule justement dans ce milieu des courses de voitures clandestines dans les rues de Hong Kong. Un cocktail voulu explosif pour en mettre plein les mirettes et qui mise sur le côté chamarré de ces petits bolides bichonnés dans les moindre détails parcourant les rues de Los Angeles à fond les manettes. Le cahier des charges est assez simple : de la vitesse, des courses poursuites et un peu de tôle froissée. La mise en scène de Rob Cohen est à l’avenant : gros plans sur les visages des conducteurs grisés par la vitesse entrecoupés d’inserts sur le levier de vitesse, la pédale d’accélération et le compteur de vitesse. Les courses en elle-même n’ont rien de spectaculaire, se contentant de n’être qu’un équivalent motorisé du mythique 100m en athlétisme. L’éloge de la vitesse pure prime sur la dextérité au volant. Et le film d’en rajouter une couche avec l’usage d’un artifice, préfigurant en quelque sorte le DRS utilisé en Formule 1 depuis une douzaine d’années, qui semble faire tutoyer la vitesse de la lumière aux conducteurs. Fast and Furious prône un tout technologique qui rend ce loisir fort onéreux auquel s’ajoutent les sommes mises en jeu pour chaque course. En ce sens, ces courses clandestines ne diffèrent guère du milieu professionnel puisque celui qui aura injecté le plus d’argent dans son véhicule verra ses chances de l’emporter multipliées. Le mérite dans tout ça ? Absent. Mais c’est pourtant là-dessus que se joue la réputation de chacun. Et puis il y a les à-côtés délictueux, où chaque attaque de semi-remorque nécessite une conduite sûre et des réflexes élevés de la part des assaillants. Leurs véritables talents de conducteurs se déploient ici dans ce que Rob Cohen voudrait présenter comme le clou du spectacle. Or en terme de dramaturgie et d’action, Fast and Furious n’arrive pas à la cheville de Mad Max 2 sur lequel cette attaque d’un semi-remorque en plein jour lorgne éhontément. Cette scène est filmée à l’épate avec la volonté de ne pas verser dans une violence exacerbée pour rester bien propre sur soi. C’est qu’au milieu de tout ce tape-à-l’oeil et de m’as-tu vu, les bons sentiments prévalent. Il ne faudrait pas inculquer de mauvaises valeurs aux adolescents.

Si Fast and Furious avance masqué quant aux véritables motivations de Brian – son statut d’infiltré ne nous est révélé qu’après son intégration au sein de la bande de Dominic Toretto – il ne cache rien de son envie de dédiaboliser la figure de ce même Toretto. Il incarne le chef de clan dont l’autorité ne souffre – presque – aucune contestation. L’attitude peu amène de Vince à l’égard de Brian, qu’il soupçonne presque aussitôt d’être un flic, témoigne moins d’une intuition folle que d’une jalousie exacerbée. Non seulement Brian fait du gringue à Mia, qu’il convoite en catimini, mais en plus il s’attire aisément les bonnes grâces d’un Dom très vite conquis. En somme, le nouveau venu marche allègrement sur ses plates-bandes avec la bénédiction du “patron”. Ses soupçons permanents visent à apporter un peu de tension à la mission de Brian, qui se résume en réalité à une courte scène. Dom paraît définitivement conquis par celui qui n’a pas hésité à braver la police pour le sortir d’un mauvais pas. En homme d’honneur, il n’aura de cesse de le ménager. C’est un peu ce que vit son personnage à l’échelle du film. Présenté par le FBI comme un dur à cuire qui a fait de la prison pour meurtre, Dominic Toretto montre un visage différent à Brian, n’hésitant pas à lui révéler les sentiments qui l’animent au moment d’évoquer la mémoire de son père et les raisons qui l’ont amené à tuer un homme. Dominic est un homme tourmenté sur lequel pèse la responsabilité de sa bande d’amis. Il n’y a que durant les 400 mètres d’une course qu’il se sent enfin libre et apaisé. Les courses de voitures, la griserie de la vitesse agissent sur lui comme un baume à ses tourments intérieurs. Dans ce contexte, le mauvais bougre serait plutôt Brian qui trompe son monde avec un bel aplomb lorsque en face on lui oppose une belle sincérité (Mia) et une solide amitié (Dom). Un double jeu qui lui occasionne bien des noeuds au cerveau sur l’air du “il faut savoir choisir sa famille”. Fast and Furious prend ainsi des airs de tragédie grecque (toutes proportions gardées) lors d’un dernier acte qui multiplie les dilemmes moraux à l’issue inévitable.

Fast and Furious est ce qu’on appelle un sleeper. Un film dont le succès surprend les attentes pour devenir un véritable phénomène. Matrix en son temps en a été un. Et effectivement, rien dans le contenu de ce qui n’est finalement qu’un petit film d’action aux personnages unidimensionnels ne pouvait laisser présager un tel destin. En revanche, de manière consciente ou non, le film atteste du déclin de l’industrie automobile américaine. La grande majorité des voitures du film sont de marques japonaises (Nissan, Mitsubishi, Toyota, Mazda) et le seul modèle 100% américain (une Dodge Charger R/T 2e génération) est utilisé pour raviver les souvenirs d’un temps bel et bien révolu.

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