Fast and Furious 7 – James Wan
Furious Seven. 2015.Origine : États-Unis
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Si l’on trouve une véritable franchise cinématographique qui perdure depuis le début des années 2000, c’est bien celle de Fast and Furious. Là où nous avions les Stallone et Schwarzenegger dans les années 80, nous retrouvons ici des Vin Diesel et Dwayne “The Rock” Johnson au devant de la scène, même si leurs prestations sont loin de marquer les esprits cinéphiles comme il y a une trentaine d’années. Car c’est bien là le problème, en particulier depuis le quatrième épisode, la saga des Fast and Furious se suit, se ressemble, se consomme sur le moment puis s’oublie, à tel point que les épisodes semblent interchangeables. Ils se ressemblent tous, se contentant d’enchaîner des actions toujours un peu plus folles par rapport aux chapitres précédents.
Mais ce n’est pas le pire : au fil des numéros, le nombre de personnages augmente, et des vérités apparemment acquises dans les films précédents se révèlent souvent des leurres. En fait, ce ne sont que de vulgaires pirouettes scénaristiques amenant à faire venir de nouveaux gros méchants dans l’histoire. Ou de faire revenir des gentils, c’est selon… Quelques exemples, après nous nous plongerons un peu plus dans ce septième opus. Tout d’abord, le personnage de Letty (Michelle Rodriguez) était censé mourir dans le quatrième film. Son chéri Dom Toretto (Vin Diesel) l’apprenait en partant à la chasse au méchant bandit. Letty, en mission d’infiltration pour le compte de Brian (Paul Walker), encore policier à l’époque, serait décédée dans sa Plymouth Road Runner après avoir été poursuivie par le membre d’un gang l’ayant découverte. Mais non ! Letty n’est pas morte dans sa voiture après l’accident, le vilain méchant ne lui a pas tiré une balle dans la tête, car l’explosion de la voiture l’a projetée… et l’a rendue amnésique ! Du coup, ni une ni deux, Letty a servi de sbire aux méchants avant que Dom ne la retrouve et parvienne à la ramener vers lui. Autre pirouette : le personnage asiatique incarné par Sun Kang, Han, apparu dans le troisième film (Fast and Furious : Tokyo Drift), mourait au terme d’une collision pendant une folle poursuite dans les rues de Tokyo. Finalement, le personnage revenait dans les épisodes suivants sans plus d’explication. Le spectateur lambda hésitait alors entre un nouveau personnage incarné par le même acteur, ou, plus délicat, acceptait sans réfléchir davantage que Tokyo Drift se déroulait après les épisodes suivants. Ce que certains dialogues semblaient confirmer (le personnage désirait quitter les USA pour revenir à Tokyo, notamment au début du quatrième opus où il n’apparaissait que lors de l’introduction). Mais, rebondissement des scénaristes, c’est lors du final du sixième chapitre, précisément au moment du générique de fin, que l’on apprend que l’accident qui a tué son personnage a en fait été provoqué… par un nouveau méchant, Shaw, frère de celui arrêté dans cet épisode, qui désire prendre sa revanche en envoyant ce message meurtrier à Dom Toretto. Évidemment, ce nouveau personnage introduit ne peut être qu’une star du film d’action qui va rejoindre tardivement la franchise, puisque ce n’est autre que Jason Statham. A partir de là, l’on se dit que tout devient possible. Et la série d’emprunter un chemin digne des séries télévisées à rallonge, où chaque nouveau chapitre ajoute des personnages et des éléments plus ou moins effleurés lors des films précédents. Ça fleure bon le filon qui pourrait s’étendre à l’infini, et peu importe que les péripéties et les rebondissements frisent l’improbable et partent dans tous les sens au fil des films. Pour l’heure, nous en sommes (déjà) au septième film. Fast and Furious serait bien capable de dépasser la saga de notre bon vieux Jason Voorhees, puisque sept films en treize ans, c’est quand même pas mal.
Dom Toretto, Brian O’Conner et leur clique de pilotes virtuoses que rien ne peut arrêter se mettent cette fois au service d’un mystérieux agent du gouvernement, interprété par un certain… Kurt Russell ! Non seulement ce nouvel opus ajoute un grand méchant d’envergure, Statham, qui sera pourtant très sous-employé, mais il en profite également pour nous mettre là où on ne l’attendait pas une bonne vieille gloire de la belle époque. De ce personnage, on ne pourra guère en savoir plus. Il s’agit juste d’un nouveau coup commercial visant à rameuter plus de public, notamment celui adepte des années 80 où ce brave Kurt avait bien sévi. Cela ne peut être que bon pour une franchise déjà bien friquée… De là à rapprocher les Fast and Furious des Expendables, il n’y a qu’un pas, peut-être pas si grand.
La trame de cet épisode ? Elle tient sur un ticket de métro plié en huit. L’agent du gouvernement, incarné par Russell (Monsieur Personne… l’homme sans nom ??), demande l’aide de Dom et de son équipe de choc pour mettre fin aux agissements d’un mercenaire qui vient de voler un programme informatique très important, tout en kidnappant sa créatrice. Une fois la mission accomplie, il l’aidera à stopper le grand méchant Shaw ( Statham donc ). Mais le tireur d’élite fou, qui désire toujours venger son frère, est bien entendu dans le coin. Alors, quoi de mieux que de se poursuivre sur des routes escarpées et de régler ses comptes à coups de gros moteurs V8, de coups dans la gueule et de gunfights pour mettre tout le monde d’accord ?
Vous l’avez compris, ce septième chapitre décide de faire encore moins dans la demi-mesure que les précédents, n’hésitant jamais à en faire (beaucoup) trop pour satisfaire le spectateur avide de jeux vidéo addictifs. C’est bien simple : plus les épisodes défilent, plus les péripéties virent à l’invraisemblable total. Quoi de mieux pour rejoindre le convoi des méchants que d’arriver en parachute avec sa voiture, customisée en tout-terrain increvable au préalable ? Quoi de mieux que de se mettre bien en vue pour se faire canarder par des méga-armes automatiques qui, outre de trouer les pare-brises et la carrosserie des bagnoles, ne semblent affecter ni les pilotes ni les moteurs ? Même une chute (volontaire), limite suicidaire, de Dom Toretto en voiture, qui vient de libérer la hackeuse, afin d’échapper aux méchants qui l’encerclent, semble ne rien faire. Le véhicule saute en effet à fond les ballons de centaines de mètres avant de se ramasser à la petite cuillère au sol. Mais Dom, c’est Dom, quoi, alors évidemment il n’a rien, pas une égratignure. C’est pareil pour les vitres traversées lors des bastons, les multiples coups dans la gueule, les chocs en voiture, les accidents divers, qui semblent n’affecter personne. Même le fait de dévaler une montagne pleine de reliefs monstrueux et comptant un arbre tous les dix centimètres ne semble pas pouvoir arrêter des voitures qui n’ont décidément plus rien à envier à des vaisseaux spatiaux, aussi customisées soient-elles. Une descente énorme qui se termine par une minuscule route près d’un gigantesque précipice ? Ben un bon coup de frein et c’est gagné, les véhicules reprennent leur route comme si de rien n’était. Bon, d’accord, la voiture de Dom, c’est une Dodge Charger, muscle car de légende, mais quand même… La chose qui fait à la base 1650 kilos, customisée en 4×4, doit aisément dépasser les deux tonnes. Mais ce n’est pas grave…
Alors voilà, Fast and Furious 7 se rapproche de plus en plus des films de super-héros, où les cascades et les morceaux de bravoure divers sont la plupart du temps illustrés par des trucages infographiques qui ne dupent personne. Un peu, ça va, beaucoup trop, bonjour les gros dégâts ! Car nos héros en deviennent bel et bien des super-héros, puisque nous savons d’emblée que, quoi qu’il arrive, il ne leur arrivera rien, et qu’ils sortiront vainqueurs. A quand un crossover entre les Fast and Furious et les X-Men ? Ne parlons pas trop fort.
Si la saga, ayant débuté en 2001 de manière assez sympathique en mélangeant tuning épisodique et polar bourrin, s’était brièvement égarée lors des épisodes 2 et 3 dans le tuning ‘wesh wesh yo man c’est dla balle’, malgré tout assez fun, elle avait commencé à prononcer quelque chose de plus sombre et de plus violent lors des épisodes 4 et 5, coïncidant d’ailleurs avec le retour de Vin Diesel (qui n’avait jamais voulu jouer dans le second, et n’avait fait qu’un caméo à la fin du troisième). Moins de tuning de caisses japonaises (une ellipse intelligente d’ailleurs, où les poursuites de bagnoles tunées sont tout simplement zappées), plus de vraies bagnoles de durs (la part belle aux américaines classiques, même si parfois elles sont aussi customisées), plus de rebondissements brutaux (malgré une bande originale toujours aussi horripilante), plus de vrais méchants, plus de bastons… On pouvait dire que la série avait atteint son âge adulte. Hélas, avec un cinquième chapitre parfois assez violent (quelques bonnes fusillades laissant certains personnages importants sur le carreau), les producteurs se sont sans doute volontairement ralentis dans leur élan. Déjà que quelques brefs plans du premier film avaient dû se heurter à la censure… Alors, comme c’est une saga populaire, que ça rapporte beaucoup beaucoup, il faut se limiter en termes de violence pour ne pas choquer. La voie sombre et dure que semblait prendre la série s’efface donc dès le sixième épisode, même si quelques bastons peuvent encore faire un peu illusion. Pour le coup, ce septième opus confirme définitivement la donne. Même les méchants ne sont pas assez méchants, le pauvre Jason Statham se trouvant bien trop sous-employé (les fans ont dû être déçus, au vu de ce que son arrivée dans la série semblait promettre). Quant à Dwayne “The Rock” Johnson, très présent lors des deux précédents chapitres, il participe ici à peine à l’action. Dommage…
Fast and Furious 7, tout spectacle oubliable qu’il soit, demeure malgré tout regardable. Sans doute à cause de ces bonnes tronches de Vin Diesel, de Paul Walker et de Tyrese Gibson présents depuis longtemps dans la saga, sans compter le minois toujours aussi joli de Michelle Rodriguez. Tyrese Gibson d’ailleurs, toujours aussi bavard et à se plaindre qu’il soit, finit par devenir le personnage le plus sympathique du groupe, voire réaliste : en effet, il est quasiment le seul à avoir la trouille des actions à réaliser et à se dire que tout ça est bien trop gros et irréalisable. Quel homme de sens !!! Le summum de la blague, c’est l’avertissement du générique de fin : “Ne reproduisez pas les poursuites et cascades en voitures réalisées ici, patati patata…” Mort de rire, tout le monde fait ça tous les jours, c’est tellement simple et logistiquement à la portée de tout le monde !!! Un message qui fait figure de gros délire…
Bon, alors c’est vrai qu’en tant que grand amateur de belles voitures sportives, surtout de muscle cars, je regarde toujours avec curiosité chaque nouvel épisode de la série. J’y revois avec plaisir les Dodge Charger, Challenger, Chevy Camaro, etc, et je m’amuse devant ces poursuites improbables dignes d’un Gran Turismo dans lequel les voitures à la (mauvaise) intelligence artificielle auraient toutes bu un coup de trop. Mais là, ça frise tout de même l’excès (de vitesse ? Pardon…). Dire que le décès de Paul Walker lors du tournage (certains plans sont paraît-il truqués, là chapeau, je n’ai rien vu venir) aurait dû stopper net la série ne serait qu’une mauvaise blague. Arrêter là ou se passer d’un personnage majeur, qui plus est le véritable héros de la franchise à la base ? Tout fut bien vite tranché au vu de la sortie plutôt rapide du huitième épisode. Le départ de Paul Walker, à la toute fin de ce septième chapitre, sur une route isolée dans une Toyota Supra blanche, en dit beaucoup. C’est l’adieu d’un comédien cool, mais c’est aussi l’adieu définitif à la crédibilité d’une franchise qui en a trop fait.
Fast and Furious, à partir du 5 voir du 4, c’est de l’action décomplexée et jubilatoire, plus aucune question de vraisemblance, il s’agit de se lancer dans des délires toujours en faisant plus la fois d’après. A la scène ou Torreto soulevant une voiture de plusieurs tonnes à main nues, succède une voiture qui saute d’un bâtiment à un autre. La suspension d’incrédulité peut en prendre un coup, mais il ne s’agit pas de réfléchir à ce l’on voit mais d’être subjugué par cette montée en crescendo.
Il y en a qui parleront de nanar mais FF n’est pas un nanar, tout est contrôlé, rien de raté ne vient contrecarrer le encore plus. Il n’y a pas un côté cheap ou décalé, le second degré est assumé. L’histoire n’est même pas à prendre au sérieux, juste un vaste prétexte pour des scènes complétement dingues et le pari est réussi.