Eternal Sunshine of the Spotless Mind – Michel Gondry
Eternal Sunshine of the spotless mind. 2003.Origine : États-Unis
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Joel et Clémentine se sont aimés, follement. Aujourd’hui, Joel éprouve les pires difficultés à conjuguer cette histoire au passé. Il se morfond, tente désespérément de renouer le contact avec elle, en vain. Elle paraît l’avoir totalement oublié, ce qui le détruit encore plus. Pas autant, néanmoins, que ce qu’il finit par apprendre : Clémentine a volontairement effacé les souvenirs de leur relation amoureuse. Ne pouvant en supporter davantage, Joel se rend au même institut qu’elle pour à son tour ne plus avoir à vivre avec de douloureux souvenirs.
Michel Gondry s’est bâti une solide réputation dans le milieu du clip, notamment grâce à sa fructueuse collaboration avec Björk. Comme bien d’autres de ses pairs avant lui, il se lance dans l’aventure du long métrage avec, toutefois, un atout non négligeable dans sa manche, le scénariste fantasque Charlie Kaufman. Auteur de Dans la peau de John Malkovich et de Human nature, premier film de Gondry, il possède de sérieuses prédispositions pour les récits farfelus mais toujours empreints de mélancolie. Le mélange de leurs deux styles laissent augurer la création d’univers atypiques, aux personnages attachants et qui sortent de l’ordinaire.
Eternal Sunshine of the spotless mind démarre sur la rencontre de deux êtres que tout sépare. Joel se montre aussi effacé et timide que Clémentine est joviale et exaltée. A priori, ils n’étaient pas faits pour se rencontrer, et pourtant ils se sentent irrésistiblement attirés l’un vers l’autre. Un véritable coup de foudre qui paraît avoir été écrit à l’avance tant tout s’annonce parfait. Toute cette partie, qui constitue le prologue du film, bénéficie d’une réalisation soignée. Michel Gondry prend son temps, étire considérablement les scènes entre Joel et Clémentine pour qu’on ne perde rien de leurs hésitations et de l’amour qui les frappe, lequel tisse petit à petit sa toile autour d’eux. Une certaine vérité transpire de ces scènes, celle d’un amour sincère naissant de petits riens, dont on ne se rend compte que bien plus tard de la considérable importance. Ces scènes se distinguent également par l’absence de tout acte démonstratif, pas de baisers, pas d’actes sexuels. Tout passe par leur attitude et leurs regards. Ils s’aiment, ça se voit, et il n’y a aucune nécessité à en rajouter. Cela dénote une certaine pudeur de la part de Michel Gondry, mais aussi sa volonté d’insister sur ces moments de félicité ancrés dans la plus parfaite simplicité.
La rupture de ton intervient lors du générique qui nous montre Joel en larmes. Chagrin d’amour ? Oui, mais pas seulement. Que son histoire d’amour soit finie est une chose, mais qu’il apprenne que Clémentine a entrepris les démarches pour rayer de sa mémoire toute leur vie commune lui est insupportable. Il ne veut plus souffrir, et pour cela, il lui faut tout oublier. Le récit se teinte alors de science-fiction sans jamais perdre de vue l’histoire d’amour qui le sous-tend. Nous effectuons un voyage mental à travers les souvenirs de Joel, un voyage à rebours qui lève le voile sur les différentes étapes de leur vie de couple, dont on ne connaissait que les premiers échanges (à première vue). Et le film de se transformer en un kaléidoscope mémoriel, source de multiples scénettes au sein desquelles Michel Gondry multiplie les effets de style et les images oniriques. Il baigne dans son élément, n’étant plus tenu à suivre un fil narratif strict. Toutefois, il effectue continuellement des allers-retours avec le monde extérieur, s’attachant à des péripéties annexes, qui tournent autour des employés de Lacuna, la société qui propose d’effacer partiellement la mémoire. Des péripéties dispensables, dans la mesure où elles n’apportent pas d’éclairages nouveaux sur l’histoire, ou qu’elles ne sont pas suffisamment développées pour y parvenir. Il se trouve que l’un des employés qui travaillent sur le cas de Joel, est tombé amoureux de Clémentine. Peu dégourdi avec les femmes, il se sert des souvenirs de son patient pour conquérir le coeur de sa belle. Une méthode peu cavalière, certes, mais qui ne fait du tort à personne puisque Joel, comme Clémentine, a délibérément choisi de se délester d’une partie de son existence. En ne souhaitant pas assumer leurs erreurs passées, tous deux s’offrent aux mains d’individus peu scrupuleux, qui n’hésitent pas à la tentation de vivre dans la peau d’un autre. Davantage développé, ce vol de souvenirs aurait pu conférer un ton tragique au film, qui n’aurait pas nui au propos. Michel Gondry et Charlie Kaufman lui préfèrent un ton plus léger, porteur d’espoir.
La narration du film forme une boucle dont la conclusion, bien que pleine d’espérance, réussit à amoindrir toute la magie qu’un prologue plein de justesse avait su insuffler. Le directeur de Lacuna, à l’instar du réalisateur lui-même, joue avec Clémentine et Joel, et transforme en mauvais pantins des personnages (et des acteurs) qui jusque là avaient parfaitement su retranscrire le sentiment amoureux. Eternal sunshine of the spotless mind se révèle n’être qu’une banale bluette sentimentale entre deux personnages qui, à trop vouloir chercher la perfection, ont bien failli tout perdre.