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Elvira, maîtresse des ténèbres – James Signorelli

elvira

Elvira, Mistress of the Dark. 1988

Origine : Etats-Unis 
Genre : Comédie fantastique 
Réalisation : James Signorelli 
Avec : Cassandra Peterson, William Morgan Sheppard, Daniel Greene, Susan Kellermann…

Culte aux Etats-Unis, Elvira est relativement méconnue en France. Ce n’est que justice. Le personnage de l’ex showgirl Cassandra Peterson est né dans l’esprit de producteurs de télévision, qui demandèrent à Maila Nurmi, la Vampira des années 50, de réfléchir à une nouvelle version de Vampira. La participation de l’actrice dura jusqu’à ce qu’on lui refuse le droit d’imposer sa propre protégée. C’est alors qu’intervint Cassandra Peterson, opportuniste, qui pensa d’abord modeler son personnage selon la Sharon Tate du Bal des vampires. Devant le refus des producteurs, elle opta finalement pour la copie conforme de Vampira (devenue Elvira puisqu’avec Maila Nurmi ce fut aussi le nom de Vampira qui se fit la malle) et devint l’hôte de l’émission Movie Macabre sur une petite chaîne de Los Angeles. N’hésitant pas à arrêter les films projetés pour mieux placer ses sarcasmes, elle fit office de précurseur à cette immonde émission qu’est Mystery Science Theater 3000. Sa réputation enfla à coup de bouche à oreille et de produits dérivés, pour finalement lui permettre en 1988 d’avoir son propre film, Elvira Maîtresse des Ténèbres. Dès les premières images, le mépris d’Elvira pour tout ce qui tourne autour du cinéma d’horreur est non seulement flagrant, mais aussi impardonnable. Le film s’ouvre ainsi sur les images de It Conquered the World de Roger Corman (logique puisque Elvira est produit par la New World, qui même pas dix ans plus tôt appartenait au grand Roger), avec son monstre-carotte mal foutu et son Dick Miller époustouflant. Suite à quoi apparaît Elvira, qui est donc hôtesse d’un show horrifique. Un poste qu’elle décide de quitter, pour échapper aux avances de son gros porc de producteur… et parce qu’elle est lassée de présenter ce qu’elle considère être de la merde. Parfaitement. Elle compte plutôt monter son propre show à Las Vegas, mais pour cela il lui faut des gros sous, qu’elle espère bien récupérer en allant cherchant l’héritage d’une tata morte. Hélas, elle ne fait qu’hériter d’une maison délabrée, d’un caniche et d’un livre de cuisine, en réalité un vieux grimoire recherché par un oncle diabolique.

Derrière sa façade de film gothique dépoussiéré, Elvira n’est qu’une comédie adolescente aussi racoleuse que dépourvue de surprises, du moins de bonnes surprises. La fameuse tenue de Vampira est mise au service de cette greluche poumoneuse qui s’empresse vite fait de faire table rase sur tous les relents rétro pouvant tourner autour d’Elvira. En une demi-heure, celle-ci balaie Roger Corman et Dick Miller d’un revers de la main, se met à courir après du fric, débarque dans sa grosse bagnole dans un patelin bouseux forcément indigne d’elle et hérite d’une maison de style “famille Addams” qu’elle fait presqu’illico repeindre en couleurs vives… Et puis si elle a rejeté Corman, elle rend en revanche hommage à Flashdance. C’est à se demander pourquoi continue-t-elle à s’habiller de noir. Tout en elle respire la vulgarité et l’égocentrisme des années Reagan. Jusqu’à son côté sexy, d’une putasserie (et vas-y que je frotte mes seins contre une vitre de voiture, et vas-y que mon cul est en gros plan, tout ceci sans nudité évidemment) totalement opposée aux poses suggestives des traditionnelles égéries de l’horreur. Bien entendu, elle entraîne dans son sillon tous les hommes de la ville, aguichés par le monumental décolleté arboré par la dinde maquillée au rouleau à peinture.

Mais le pire n’est pas là, il réside dans cette démagogie crasse et vaniteuse consistant à faire de Elvira le modèle à suivre pour toute une jeunesse frustrée par une éducation trop puritaine. Eux sont binoclards, s’habillent avec des frusques d’un autre âge et n’osent pas faire la fête. Elvira, en débarquant sans complexe avec sa radio braillant du métal, en ne se laissant pas marcher sur les pieds et en affichant ses pulsions sans retenue en pleine rue, incarne la rébellion personnifiée. Le film s’inscrit sans aucune gêne dans le stéréotypé conflit des générations, entre d’un côté les valeurs de Elvira et de l’autre celles des parents regroupés en ligue de défense de la morale. Bien entendu, le film s’adresse à un public adolescent et prend donc fait et cause pour eux, dressant Elvira en modèle absolu face à des puritains exaspérants, toujours prompts à sortir le bûcher pour brûler les hérétiques (oui oui, ils le font vraiment) et d’une hyprocrisie crasse (les femmes sont en réalité jalouses d’elle -surtout celle qui se fait voler le titre de “plus gros seins de la ville”- et les hommes sont tentés). Plus le film pousse le bouchon du manichéisme plus il apparaît démagogue et donc insupportable. Entre d’un côté cette triste goth bourgeoise qu’est Elvira et de l’autre les ligues de vertu, il ne peut y avoir qu’une solution : le rejet. Mikhail Gorbatchev ayant déjà presque achevé la guerre froide, on ne peut hélas pas compter sur une invasion soviétique pour nous sauver du torrent d’imbécilités débité par le film. Il faut donc supporter la personnalité d’Elvira, évoquant la marionnette de Roselyne Bachelot dans les Guignols de Canal +. Sans-gêne, autosatisfaite de ses propres conneries (elle fait une crête punk à son caniche hihihihi, elle fait boire une potion aphrodisiaque aux puritains hahaha), toujours la réplique pour rire, elle agace plus que de raison. L’étendu de son manque de talent comique sera consacré dans ses superbes commentaires au sujet d’un film projeté au cinéma, à savoir L’Attaque des tomates tueuses (elle ne semble même pas avoir conscience que le film de De Bello est lui-même parodique).

Et au milieu de tout ça se développe la minimaliste intrigue du film, portant sur le grimoire recherché par un méchant personnage. C’est l’occasion pour sortir quelques effets spéciaux. Pas d’autre objectif sinon celui d’asseoir l’autorité de Elvira, qui devient in fine la sauveuse de la jeunesse du monde, et qui est donc libre d’imposer son mode de vie écervelé et arriviste. Le pire dans tout ça étant que le film ne contient aucune once d’ironie envers Elvira. Juste de l’humour primaire et consensuel. C’est bien involontairement que le personnage de Cassandra Peterson apparaît comme la caricature de la poufiasse standard.

Une réflexion sur “Elvira, maîtresse des ténèbres – James Signorelli

  • Peterson

    In fine, ce post a été certainement écrit par un frustré…

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