CinémaDrame

Dersou Ouzala – Akira Kurosawa

dersuouzala

Дерсу Узала. 1975

Origine : U.R.S.S. / Japon 
Genre : Drame 
Réalisation : Akira Kurosawa 
Avec : Maksim Munzuk, Yuri Solomin, Svetlana Danilchenko, Dmitri Korshikov…

En 1910, le capitain Arsenyev revient sur le lieu où, quelques années auparavant, il a enterré un de ses amis. Un ami particulier, rencontré une première fois en 1902, alors qu’Arsenyev était en tant que militaire parti avec ses hommes faire une mission de reconnaissance topographique dans la taïga. Dersou Ouzala, un Golde (une tribu caucasienne) était là, et y vivait de ses activités de chasseur. Les deux hommes s’étaient séparés jusqu’à ce que Arsenyev revienne en 1907, et ne quitte plus Dersou, jusqu’à la mort de celui-ci.

Il y a quand même des films asiatiques qui sont très bien. Et Dersou Ouzala en fait parti. Et je dis ça ni parce que Corman l’a distribué ni parce que le film a été coproduit par la Mosfilm, la compagnie de production étatique soviétique. Du reste, le film marque une rencontre éclatante entre deux cultures : la japonaise et la russe. A l’image des deux personnages principaux, Dersou et Vladimir Arsenyev. Tout les opposait : l’un était un militaire, très urbain, avec une famille et une vie stable. L’autre était un solitaire, sa famille fut décimée dans la misère par la maladie, et il vit désormais du fruit de sa chasse, dans la taïga. L’un représente donc la civilisation, l’autre la nature. Mais pourtant, les deux ont un point commun : un profond respect pour l’homme. Une amitié et un respect infini va naître entre eux. Cette amitié se fera en compagnie des hommes d’Arsenyev qui, si ils ne sont pas hostiles à Dersou, n’ont en revanche pas sa grandeur d’âme, ni celle de leur capitaine. Ce qui explique que les deux hommes vont la plupart du temps rester à part. Comme lors de cette magnifique scène, où ils se retrouvent coincés, perdus en plein milieu des hautes herbes de la taïga, alors que la nuit et une tempête approchent. Vladimir va faire entièrement confiance à son ami, qui va, à l’aide de son naturel instinct de survie, leur sauver la vie à tout les deux.

Du reste, ce n’est pas la seule aide qu’apporte Dersou. Il connaît la taïga, il connait ses dangers. Humains ou non-humains. Il les connait, et il les respecte. C’est que, contrairement à la civilisation, il a un profond respect pour la vie de toute chose. Ainsi, il ne tue que pour sa propre survie, pour manger (et manger est quelque chose de naturel). Il haït une tribu chinoise, pour qui tuer des animaux n’est qu’un simple plaisir. Il laisse toujours son surplus de nourriture sur place, pour que ceux qui viendront après lui (animaux ou humains), puissent en profiter. Et du coup, lorsqu’il tuera un tigre presque par accident, il ne sera plus le même homme. Animal sacré pour lui, cet acte sera le signe de sa déchéance. Du reste, Dersou perdra très vite sa capacité de voir de loin, ce qui, pour lui qui est un chasseur, sera une catastrophe. C’est là qu’Arsenyev va enfin pouvoir rendre à Dersou ce que celui-ci lui a apporté : il va lui proposer de venir vivre avec lui, en ville. Bien entendu, comme on s’y attend, il sera impossible pour Dersou de s’adapter à cette nouvelle vie. La nature y est séparée de l’homme, les règles y sont trop nombreuses, et la vie y est trop compliquée, pour peu de choses. Après nous avoir présenté une vie en totale osmose avec la nature, Kurosawa nous ramène soudain en plein dans la société matérialiste. Nous sommes ainsi amenés à voir quelles contraintes l’homme s’est fixé à lui-même. Des contraintes qui expliquent la perte d’humanisme de notre société.

Bref, il s’agit d’un film sur l’amitié, sur l’homme, sur la prépondérance de la nature. Un film chaleureux, qui utilise autant les croyances occidentales qu’orientales, ou en tout cas des croyances opposées à celles de la société telles qu’on la connait. Le tout pour la plupart du temps dans le magnifique décor de la taïga russe. Et grandement interprété par les deux acteurs principaux. Un film qui mérite véritablement l’oscar du meilleur film étranger qu’il reçut en 1975, et qui de plus peut prendre une autre connotation lorsque replacé dans son contexte : l’amitié entre l’oriental Dersou Ouzala et le russe Vladimir Arsenyev peut être perçue comme un symbole, comme un appel à la paix entre deux nations de tout temps opposées.

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