CinémaHorreur

Death Bell – Yoon Hong-Seung

death-bell-affiche

Gosa. 2008

Origine : Corée du sud
Genre : L’école est finie… définitivement
Réalisation : Yoon Hong-Seung
Avec : Lee Beom Soo, Yoon Jeong-Hee, Nam Gyu Ri, Kim Beom Core…

Alors que la période d’examens vient à peine de s’achever, les meilleurs éléments du lycée de Chang-in sont réunis un samedi matin afin de préparer au mieux la venue des élèves de l’école de Eaton, dans le cadre du programme d’échange. Pour le directeur de l’établissement, il est très important que ces élèves fassent bonne figure. Il désigne donc deux de ses professeurs les plus prometteurs –Mlle Choi et Mr Kim– pour les encadrer. Le cours démarre par une vidéo dont l’image a tôt fait de se dérégler pour laisser apparaître Hye-Young, l’une des élèves dont l’absence venait d’être remarquée, prisonnière d’un aquarium. Une voix résonne alors dans les haut-parleurs du lycée, informant les élèves qu’elle risque la mort par noyade s’ils ne résolvent pas dans un temps imparti l’équation qui figure sur la paroi. Ceci est la première épreuve d’une longue série qui transforme cette journée studieuse en jeu de massacre.

Dans la foulée de Ring de Hideo Nakata (1998), nos cinéma et vidéoclubs ont vu déferler un grand nombre de films d’horreur asiatiques, la plupart nantis d’un fantôme aux cheveux longs, sorte de figure de proue du genre. Qu’on apprécie ou pas cette “nouvelle vague” du cinéma fantastique, force est de reconnaître que les réalisateurs asiatiques ont su, pour les meilleurs, revenir aux sources du film de trouille, parvenant avec trois fois rien à nous faire dresser les cheveux sur la tête. En un sens, ces films renvoient à une manière de faire à l’ancienne, lorsque les plans pouvaient durer plus de 3 secondes et que l’on ne craignait pas d’étirer les scènes au maximum pour en extraire toute la sève angoissante. Un retour à une simplicité louable et redoutablement efficace qui, comme tout cycle, était appelé à prendre fin un jour. Toutefois, Death Bell en conserve quelques réminiscences, pas tant par le rythme et la mise en scène, qui épousent la frénésie désormais en vigueur, que par l’adjonction de plans épars d’un visage féminin au teint cadavérique, laissant à penser que le lycée Chang-in pourrait bien souffrir d’une malédiction. C’est d’ailleurs dans sa volonté de ménager une dimension fantastique à son film que Yoon Hong-Seung se tire une balle dans le pied.

Qu’on ne s’y trompe pas, Death Bell est avant tout un thriller horrifique que l’on pourrait rapprocher d’un Saw, avec lequel il partage ce goût de la machination infernale et machiavélique. Pourtant, dès la scène d’ouverture, Yoon Hong-Seung sème le trouble en nous montrant cette pauvre Ina en prise avec des élèves zombifiés. Et s’il s’avère que ce n’est qu’un rêve, métaphore des angoisses de la jeune fille à l’approche des examens, cette scène trouve néanmoins un écho dans les visions qui s’emparent de Zhao, un camarade d’Ina pour le moins tourmenté. Par l’intermédiaire de ce personnage prétendu fou, le réalisateur assène la mise en garde d’usage, comme quoi tous vont mourir s’ils n’y prennent pas garde. L’établissement serait-il hanté ? Certaines scènes vont dans ce sens (les apparitions de la femme au teint cadavérique, la capture du préposé aux téléphones mobiles, comme happé par une force invisible dans les toilettes, l’attaque dans le dortoir), immédiatement contredites par la nature même de la machination qui repose de toute évidence sur l’ingéniosité technique et l’art de la mise en scène d’un homme en chair et en os dont l’emprise plane sur tout l’établissement.

Un bien mauvais joueur d’ailleurs, qui n’hésite pas à piper les dés d’entrée de jeu, ne laissant aux élèves et à leurs professeurs que le loisir d’assister impuissants à l’hécatombe. Si l’on se fie au postulat de départ, les élèves sont censés mettre à profit leur intelligence pour sauver la vie de leurs petits camarades. Or cette idée ne fait pas long feu, ne survivant pas à la deuxième épreuve dont la résolution dans le temps imparti n’aurait pu de toute manière sauver l’élève supplicié. De fait, l’entêtement un peu vain d’une poignée d’élèves et de leurs professeurs ne vaut plus que pour éclairer notre lanterne quant à la raison de tout ce pataquès meurtrier, dont le voile se lève un peu plus à chaque nouvelle mort. L’intrigue déroule donc son lot de scènes chocs, ne lésinant pas sur les sévices infligés aux élèves. Ceux-ci en prennent pour leur grade, tour à tour noyé, brûlé, scarifié, lessivé, et j’en passe. Il en résulte une atmosphère oppressante et glauque que la caméra pourtant constamment en mouvement de Yoon Hong-Seung (même lors de simples conversations entre personnages !) et un montage cut ne suffisent pas à pervertir. Au contraire, dans les meilleures scènes comme l’attaque du dortoir, elle retranscrit idéalement l’angoisse qui s’empare des élèves dans un maelström de cris et de pleurs dont on ressort exsangue (la musique, tout en stridence de cordes, joue également un rôle non négligeable). Le réalisateur fait preuve d’un indéniable savoir-faire, pas toujours à l’abri de l’ostentation, mais qui tient en haleine jusqu’au bout. Dommage qu’il cède à quelques facilités, comme le retour de Zhao, aussi incongru que peu pertinent à l’image du traitement du personnage dans sa totalité.

Néanmoins, ce léger bémol n’entache en rien une bonne impression d’ensemble, d’autant que Yoon Hong-Seung ne se borne pas au spectacle pur. Tout thriller horrifique qu’il est, Death Bell dresse en parallèle un portrait édifiant du système éducatif sud-coréen. Règne de la compétitivité à outrance, il conduit les élèves à un stakhanovisme effréné relayé par des parents obnubilés par la réussite sociale de leurs rejetons. Une compétition entre élèves encore accrue par l’affichage de leurs résultats aux yeux de tous, via les nombreux écrans qui habillent les couloirs. Dans un climat pareil, être premier revêt une telle importance que les entorses à l’éthique ne sont jamais bien loin, et celles-ci n’émanent pas forcément de ceux qu’on croit. Le constat est glaçant par sa triste réalité, et marque davantage que les exactions du tueur, qui sont elles frappées du sceau du spectacle et de l’exagération.

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