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Bushido, le sabre du Shogun – Tsugunobo Kotani

bushidolesabredushogun

The Bushido Blade. 1981

Origine : Etats-Unis / Royaume-Uni 
Genre : Aventures historiques 
Réalisation : Tsugunobo Kotani 
Avec : Frank Converse, Sonny Chiba, Laura Gemser, Tetsurô Tanba…

En l’an 1854, le Président des États-Unis a envoyé une flotte militaire au Japon pour la Convention de Kanagawa. Menés par le commodore Perry (Richard Boone), les américains doivent rencontrer les émissaires du Shogun (dirigés par Toshiro Mifune) pour signer un traité d’amitié qui permettra aux navires américains de circuler dans les eaux japonaises et aux Japonais de se sortir de deux siècles d’autarcie. Mais la perspective de cette convention ne plaît pas à tout le monde. Ainsi, le prince Yamato (Tetsurô Tanba) reste un farouche partisan de l’isolationnisme et orchestre le vol de l’épée du Shogun, présent adressé au Président américain par la nation japonaise et sans laquelle le traité ne sera pas signé. Pour la retrouver, les nippons envoient une troupe menée par le prince Ido (Sonny Chiba). Quant aux américains, ils n’ont pas la permission de les aider. Qu’à cela ne tienne, le temps presse et les russes menacent de prendre la place des américains. En secret, Perry décide d’envoyer trois hommes en renfort d’Ido : le marin Johnson, le jeune interprète Burr et leur chef, le capitaine Lawrence Hawk (Frank Converse). La mission commence mal : le groupe est très vite séparé. Hawk retrouvera Ido blessé, et les deux hommes se réfugieront auprès de Tomoe (Laura Gemser), une métisse samouraï qui va les aider à pénétrer au château de Yamato gardé par une horde de samouraïs.

Ce serait mentir que de dire que Bushido, le sabre du Shogun n’est qu’une copie de Shōgun, la mini-série télévisée. Le film a commencé à être tourné avant que la série ne soit diffusée. En revanche, on peut admettre que son existence ne soit pas due au hasard : le carton du livre de James Clavell et la perspective de Shōgun, son adaptation, ont certainement eu leur rôle à jouer. Le choix d’un sujet portant sur le choc des cultures occidentale et japonaise est un peu trop proche pour ne pas y voir de l’opportunisme. Et pour faire bonne mesure, pour donner un peu de dignité à ce qui ne pourrait être qu’un film d’exploitation, le réalisateur japonais exilé Tsugunobu “Tom” Kotani et son fidèle (quatrième et dernier film ensemble) scénariste William Overgard se basent sur un évènement historique, la Convention de Kanagawa, et reprennent des personnages existant : le commodore Perry et le plénipotentiaire du Shogun qui n’est pas nommé dans le film mais qui dans la réalité s’appelait Hayashi Akira. Un dernier personnage “réel” est également présent, un pêcheur japonais anglophone, mais il ne sert en gros qu’à faciliter la communication, ce qui n’empêche parfois pas le film de faire un peu n’importe quoi à ce niveau là (des japonais qui se mettent subitement à parler l’anglais -ou plutôt le français en VF-). Mais en dépit de cela, les enjeux du traité sont plutôt bien évoqués et forment une exposition solide, à laquelle succède cette fois un épisode de fiction complet, cette histoire d’épée volée (très certainement reprise de Soleil rouge) qui fait perdre la face aux japonais et les empêche de signer le traité. Dès ce moment, on comprend que même si Kotani essaiera tant que faire se peut de maintenir son film dans un certain standing propre aux films historiques, la volonté de faire une série B sera bien plus forte. A vrai dire, il y avait déjà eu quelques prémices auparavant, avec l’aspect bon vivant de Perry et des américains face aux nippons guindés. Mais avec le vol de l’épée, tout se radicalise. L’américain devient hystérique de ne pas pouvoir accomplir sa mission à cause d’un symbole, et le japonais reste littéralement campé sur ses positions, têtu comme un breton.

Les japonais ou apparentés (je pense à Laura Gemser, dont l’aspect fort peu japonais est expliqué un peu facilement par le métissage… lequel aurait entraîné son ostracisme puis l’engagement comme samouraï pour laver ce “pêché de sang”… mouais), les japonais ou apparentés, disais-je, garderont tout du long cet aspect borné et tributaire du code d’honneur. Ce sont tous les mêmes, à part peut-être le pêcheur (joué par Mako), d’un rang inférieur et empreint de culture occidentale. Gentils ou méchants, ils ont tous la même personnalité, affichant un air grave et toujours prompts à sortir le sabre, y compris pour se faire hara kiri. En plus de se montrer résolument simpliste, Kotani en fait un poil trop, et son film renvoie une vision pour le moins limitée de la société japonaise, très certainement pour ne pas déranger le public américain dans sa perception d’un pays lointain et largement méconnu. Il va sans dire qu’avec une telle monomanie, toute trace de personnalité disparaît, que ce soit chez Toshiro Mifune, Sonny Chiba, Tetsurô Tanba, sans parler des simples hommes de mains. A l’inverse, les américains se montrent bien plus extravertis, et bien que chacun ait une personnalité assez maigre, elles sont toutes différentes et sont libres de s’exprimer grâce à la fausse bonne idée du scénariste de diviser le groupe en trois avant que l’affrontement final ne débute. A tout seigneur tout honneur, le capitaine Hawk, qui incarne la droiture, le courage et l’intelligence de l’armée américaine. Catapulté samouraï par le prince Ido, il n’a même pas besoin de son arme à feu et parvient sans aucune difficulté à se mesurer aux véritables samouraïs, tout en maniant son sabre comme un escrimeur. Nous avons là un héros standard, et malgré une imitation du jeu de Sonny Chiba qui ne lui va pas tellement, Laura Gemser n’est rien autre que l’inévitable demoiselle qui succombera aux charmes de son intrépide partenaire. Un peu plus active qu’à l’accoutumée, certes (elle participe au combat et sauve même la vie de Hawk), mais sa présence dans l’intrigue laisse clairement à désirer. Elle réussira quand même à montrer ses seins, ce qui ne surprendra personne… Surtout que Kotani réussit à déshabiller des actrices dans chacune des trois parties dévolues aux aventuriers américains.

C’est incontestablement dans la partie réservée au gros marin Johnson que le réalisateur se lâche le plus. Car Johnson incarne à lui seul les effets comiques du film. Sa barbe anarchique, sa stature et sa personnalité débonnaire en font le bout en train de service, et les épreuves qu’il traverse sont là pour le rappeler. Il mènera ainsi une révolte de prisonniers américains (parmi lesquels James Earl Jones) au motif qu’il est intolérable qu’on les contraigne à se laver. Et il luttera contre un sumo… Bref, de l’humour assez bas de plafond souvent à base de mandales, ce qui n’est pas sans évoquer les pitreries de Terence Hill et Bud Spencer (fusionnés dans le seul Johnson).
Plus intriguant car à la fois moins débile que la partie de Johnson et moins convenu que celle de Hawk, le cas Burr se veut une plus fine immersion d’un américain dans la société japonaise. Jeté à l’eau et recueilli par une jeune paysanne qui va le soigner, l’interprète va démarrer une histoire d’amour qui, plutôt que l’étalage de sentiments mièvres est en fait une véritable rencontre des cultures ou deux personnes devront apprendre à faire un pas vers l’autre, tout en évitant les pièges de la société qui les entoure et qui voit d’un mauvais œil cette union. Sans être du Dersou Ouzala, c’est une histoire finement conçue, tout en retenue, sans les grosses ficelles des deux autres. Dommage qu’il ne s’agisse que d’un segment secondaire, ce qui la condamne à être trop rapidement négociée.
Et puis pour terminer, tout le monde se regroupe et combat les méchants pour retrouver l’épée, avec les actes de bravoure qui s’imposent. Rien de très original là dedans, ce n’est que le versant “Hawk” qui prend définitivement le dessus pour séduire même les japonais. Les amateurs de chambara n’auront rien de spécial à se mettre sous la dent, les batailles étant très convenues, sans chorégraphie et sans effusion de sang (même pour les décapitations). En revanche, les décors naturels permettent de donner un peu plus de relief à ce règlement de compte typique.

Je ne voudrais toutefois pas conclure cette critique en laissant penser que Bushido, le sabre du Shogun est un film résolument mauvais. Les défauts y sont fort nombreux, bien entendu (et voir deux acteurs comme Mifune et Chiba servir la soupe à des habitués de la télévision américaine comme le très lisse Frank Converse fera grincer des dents), mais on ne peut lui enlever une certaine densité liée à l’éclatement de l’intrigue en plusieurs parties. Ainsi, chacune brise le ton de la précédente, sans quoi la monotonie aurait risqué de pointer son nez. Il n’y a jamais de temps mort, y compris dans ce qui peut apparaître moins important, preuve qu’à défaut d’avoir su comment s’y prendre, le réalisateur s’est tout de même un peu investi dans le projet. Cela se ressent. Et puis il y a Laura Gemser, donc tout ne peut pas être complètement mauvais.

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