Bruce tout-puissant – Tom Shaydac
Bruce Almighty. 2003Origine : Etats-Unis
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Bruce est un mec qui n’a quand même pas de chance. Toute la détresse du monde l’accable. Pensez plutôt : son chien fait pipi dans l’appart, il marche dans des flaques d’eau, il est coincé dans des embouteillages et crotte-de-bique il n’est pas nommé présentateur du journal télévisé… Bien sûr, une telle condition misérable va le pousser, dans un grand élan romantique que ne renieraient pas Coleridge, Lord Byron ou Percy Shelley, à se rebeller contre dieu, en gueulant comme un putois en regardant le ciel. Dieu va lui pardonner, et pour lui prouver que ma foi, ma bonne dame, être Dieu ce n’est pas facile, il va permettre à Bruce de diriger le monde comme il veut, en prenant sa place quelques temps…
Film soi-disant comique, Bruce tout-puissant se base d’abord sur les malheurs de Bruce évoqués plus haut (censés être drôles, il faut croire), sans oublier le boulot de Bruce, où ce dernier est à son grand désarroi cantonné à des postes de journaliste bouffon, similaires d’ailleurs aux rôles de Carrey sur grand écran. Mais contrairement à la réalité, Carrey et son personnage vont envoyer chier ce statut, ce qui visiblement n’a pas grande importance tant le chômage ne lui fait pas peur. A ces péripéties, Bruce va réagir à grand renfort de mimiques impossibles comme Jim Carrey sait malheureusement les faire. A ce niveau-là, au bout de vingt minutes, le film est déjà insupportable. Seule la perspective de voir Carrey prendre la place de Dieu permet au spectateur de garder un semblant d’intérêt pour ce qu’il voit. Car il est vrai que ce pitch, malgré la futilité du personnage principal, a tout de même un fort potentiel comique. Lors de la rencontre avec Dieu (Morgan Freeman, au jeu très fade tendance Horst Tapper dans Derrick), l’humour reste le même. Dieu est d’ailleurs lui-même un grand comique, puisqu’à un moment il rajoute deux doigts à une des mains de Bruce… Oui, bon, bref, suite au passage au statut de Dieu, on aurait pu s’attendre à ce que le film prenne de l’ampleur. Et bien pas de bol. Les gags pas drôles continuent sur leur lancée : Bruce écarte les eaux rouges de sa soupe à la tomate, comme Dieu autrefois l’a fait pour la mer rouge. Et puis Bruce fait du vent pour soulever les jupes des filles, avant qu’il ne fasse littéralement sortir un singe du cul d’un criminel… Puis, pendant que le spectateur passe le temps à faire des mots croisés, tout va changer. Bruce, qui a humilié publiquement le confrère qui lui a piqué le poste de présentateur, va se faire capter par sa copine sortie de Friends en train d’embrasser une bonnasse de collègue attirée par le statut de nouveau présentateur du bonhomme. Donc le couple va rompre. Et Bruce va être très triste, surtout que dans le même temps, le chien fait encore pipi dans le salon. Et en plus Bruce néglige de s’occuper du monde, ce que Dieu doit quand même faire, merde, et donc la planète va partir en sucette. Mais le vrai Dieu, Morgan Freeman, va quand même lui dire que oh, déconne pas, après les gens vont encore pas être contents et vont voter communiste. Donc Bruce va aider tout le monde. Mais du coup c’est le bordel quand même, parce qu’il faut réfléchir avant d’aider à tout va : certains demandent n’importe quoi, comme gagner au loto, ce que tout le monde va faire. Donc les gains sont moindres et les gens ne sont pas contents (ils gagnent 17 dollars ce qui pourtant leur permettrait presque d’acheter le DVD de The Party, mais bon). Ahlalala, c’est vraiment pas facile, d’être Dieu, se dira Bruce, qui par dessus le marché n’arrive pas à se rabibocher avec sa copine, tandis que le spectateur passe le balai dans le salon. Mais bon, Bruce est un bon gars, et s’en sortira, pendant que le spectateur appellera la SNCF pour savoir comment roulent les trains en ce jour de grève.
Il s’agit donc d’un film, léger, très léger, y’en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler. Aucun semblant d’humour engagé ou même provoc, un consensualisme grand-public qui transpire de l’ensemble, et une morale disant que “Oui mais dieu peut pas tout faire” (ben, merde, il est pas omniprésent, en principe ?) et que du coup “vaut mieux que chacun prenne son destin en main sans compter sur lui”. Le tout servi par les pitreries d’un Jim Carrey qui m’insupporte de plus en plus à chacun de ses films. La futilité de ce qui lui arrive et de ses actes ne représente qu’une chose : les problèmes bateaux d’une société petite-bourgeoise, problème dont l’intérêt est plus que relatif. Pour des sujets plus graves, non montrés pour cause de frilosité, prière au spectateur de les imaginer lui-même. Bref c’est mou, on s’ennuie ferme, on ne rit jamais (pas un gag réussi, pour ma part), le sujet est intégralement gâché, la réflexion provoquée est aussi poussive et intelligente que ma dissertation de linguistique en janvier, les acteurs sont énervants… Même les jeux de mots de Ruquier égaieraient plus cette chose qui à force de brasser du vent risque de finir par enrhumer son spectateur.