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Bons baisers de Bruges – Martin McDonagh

bonsbaisersdebruges

In Bruges. 2008

Origine : Royaume-Uni 
Genre : Comédie dramatique / polar 
Réalisation : Martin McDonagh 
Avec : Colin Farrell, Brendan Gleeson, Clémence Poésy, Ralph Fiennes…

In Bruges est le premier long métrage du jeune Martin McDonagh. Ce n’est toutefois pas sa première expérience de mise en scène puisqu’il réalise en 2005 un court métrage intitulé Six Shooter qui lui permet de remporter un Oscar et de travailler une première fois avec Brendan Gleeson (lequel s’est déjà fait remarqué par ses excellentes interprétations dans des films comme 28 jours plus tard ou encore les Harry Potter). McDonagh est en outre un auteur reconnu dans le milieu du théâtre, puisqu’il a signé pas moins de sept pièces dont certaines ont reçus plusieurs prix plus ou moins prestigieux.
Pour son passage au long métrage, il choisit de mettre en scène un scénario dont il est l’auteur, dont l’histoire lui a été inspirée par un voyage à Bruges. Au vu du résultat final, particulièrement brillant, on ne peut que le féliciter de ses choix.

In Bruges (préférons le titre original très sobre qui se révèle parfaitement coller au style du film plutôt que le pesant titre français “Bons baisers de Bruges“) raconte l’histoire de deux tueurs à gages, Ken et Ray, contraint par Harry, leur Boss, de gagner la ville de Bruges, soit disant pour se mettre au vert après un coup qui a foiré. Le duo de truands accepte bon gré mal gré de jouer les touristes dans la ville, dans l’attente d’un coup de fil de Harry qui débloquera la situation.

Voici en quelques mots le synopsis d’un film pleins de surprises. En effet, il ne faut pas se fier à son affiche austère ni à la promo du film qui le vend comme une comédie policière dans la droite lignée de ces comédies policières anglaises qui se contentent de faire du sous-Tarantino à base de situation rocambolesques artificielles et de punchlines envahissantes, comme peuvent l’être les films de Guy Ritchie par exemple. En réalité In Bruges n’a absolument rien de commun avec ce type de film, et plus que cela, le film de Martin McDonagh est tout ce que les pantalonnades de Richies ne sont pas, à savoir drôle, intelligent, habile, tragique et finalement, véritablement unique. In Bruges se démarque avant tout par l’indiscutable talent d’écriture dont fait preuve son auteur. En bon dramaturge, Martin McDonagh maîtrise parfaitement les outils nécessaires au transfert d’émotions dans la fiction et jongle avec une habileté déconcertante entre les scènes hilarante et les passages poignants. Les deux types de scènes s’articulant parfaitement dans une intrigue tout à fait cohérente du début à la fin, où chaque élément se révèle être nécessaire au déroulement de l’histoire. Une histoire qui semble s’être donnée pour but de constamment surprendre le personnage en prenant le contre pied systématique de tout les codes du polar et de la comédie, et ce sur tout les plans. D’un point de vue global d’abord; non seulement en traitant la dimension tragique de son histoire avec beaucoup de sérieux, donnant aux personnages une réelle ampleur dramatique souvent très touchante; mais aussi en accordant une place finalement très réduite aux fusillades, qui seront elles aussi traitées avec sérieux. Ensuite, par une foultitude de détails concernant les personnages et le déroulement de l’intrigue. On remarque par exemple que le seul personnage à avoir une vie familiale normale et stable s’avère être le “méchant” du film, un chef de gang psychopathe ! De même lors de la scène du dîner entre Ray et Chloë, le tueur lui avoue sans détour la nature de sa profession plutôt que de se masquer derrière un mensonge… Et ce ne seront pas non plus les personnages suicidaires qui finiront par se tirer une balle, etc… Le déroulement du film est assez tortueux et ne mènera jamais le spectateur là où il s’y attend. Ce qui revêt souvent un caractère plutôt comique, mais permet également d’introduire une mise en abîme très bien vue, toujours dans l’objectif de faire sourire le spectateur.

Ainsi, le jeune réalisateur ne cède jamais à la facilité du gag ou de la punchline. Il écrit ses dialogues avec soin, faisant naître l’humour du décalage délicieux qui se crée entre les dialogues cocasses, les personnages, les lieux où ils se trouvent et les situations à caractère souvent tragique présentes dans le film. Les répliques font toujours mouche et McDonagh exploite à merveille ses talents de dialoguiste. Une place d’importance est ainsi accordée au scénario, tout de même très sombre puisqu’il est question du meurtre d’un enfant, de désespoir et de suicide, et d’autres thèmes finalement très adultes comme la rédemption, le paradis et l’enfer… En cela In Bruges est un film très mature, qui ne donne jamais l’impression de voir des grands enfants s’amuser avec des revolvers. Au contraire, un soin tout particulier est porté aux personnages et à leur psychologie, ce qui permet de rendre immédiatement crédible les émotions très diverses que le réalisateur tente efficacement de faire passer. Il est secondé en cela par un remarquable casting dont l’élément le plus surprenant est sans conteste Colin Farrell. L’acteur américain, surtout connu pour jouer des rôles de merde dans des bouses hollywoodiennes telles que Phone game ou S.W.A.T. unité d’élite, étonne par son jeu tout à fait crédible. Il se révèle excellent dans le rôle de Ray, le jeune tueur irlandais dont le premier contrat se termine par un accident funeste à plus d’un titre. Naïf et impulsif, Ray est comme un enfant qui vit son séjour à Bruges comme une visite obligée d’un musée ennuyeux. Nostalgique de son Dublin natal, il n’aspire qu’à fréquenter le pub du coin. Mais si les charmes de la Venise du Nord le laissent de marbre, il est en revanche capable de s’extasier devant le tournage d’un film mettant en scène des nains ou de céder aux charmes d’une mystérieuse et jolie brugeoise. Cependant il reste hanté par le désastre de son premier contrat, et ses remords ne tarderons pas à transformer son séjour à Bruges en un voyage au milieu d’un enfer digne des toiles de Hieronymus Bosch. Il peut cependant compter sur Ken, l’autre tueur contraint de se terrer dans la ville Belge.

A l’inverse de Ray, Ken est un truand vieillissant mais affable, qui semble ravi de jouer les touristes dans la vieille ville médiévale. Il ne lâche jamais son guide touristique et se régale des visites de musées et des canaux. Ils forment un excellent duo dont le potentiel comique est parfaitement exploité par le réalisateur qui prend soin d’utiliser les relations entre les personnages comme axe narratif. Avare en scènes d’actions, le film tourne le dos au spectaculaire pour se concentrer sur la psychologie de ses personnages. Les deux tueurs bien sûr, qui apparaissent tout de suite comme très humains et attachants, mais aussi tous les second rôles qui sont loin d’êtres mis de coté. Au contraire, le film nous offre toute une galerie de personnages secondaires savoureux parmi lesquels on croise un acteur nain drogué, raciste et amateur de prostituées, sa dealeuse dont le joli minois ne laissera pas Ray indifférent (ni le spectateur d’ailleurs), un chef de gang psychopathe et grossier mais au code d’honneur très strict, un skinhead maladroit, etc… Tous ces personnages ont une psychologie très fouillée et joueront tous leur rôle dans cette folle histoire tour à tour désopilante et sanglante. Volontairement tournée sur les rapports humains, cette petite comédie noire surprend encore par ces quelques scènes violentes, qui, loin de jurer avec l’ensemble, participent au ton très adulte et mature qu’a voulu donner McDonagh à son film.

Bref, In Bruges est un petit bijou résolument novateur et très habile qui se révèle être une réussite parfaite sur tous les plans. Irrésistiblement drôle et très touchant, le film brille par sa galerie de personnages savoureux et par son ton toujours très judicieux. Un très grand petit film qui ravira les curieux et les cinéphiles.

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