Body Bags (aka Petits Cauchemars avant la nuit) – John Carpenter & Tobe Hooper
Body Bags. 1993Origine : États-Unis
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Body Bags devait à l’origine constituer le pilote d’une série télévisée marchant sur les pas des Contes de la crypte. Soutenu par plusieurs célèbres réalisateurs de films d’horreur qui apparaissent ici bien souvent devant la caméra (Carpenter, Hooper, Raimi, Craven, Corman) et par plusieurs acteurs fidèles au genre (George “Buck” Flower, David Warner, Debbie Harry, David Naughton, Robert Carradine), le projet peut aujourd’hui être vu comme l’ancêtre de nos actuels Masters of Horror, série qui fut d’ailleurs produite par la chaîne cablée Showtime, tout comme Body Bags. Sauf qu’en 1993, le succès ne fut pas au rendez-vous, et que la chaîne décida de ne pas donner suite à la série, le pilote ne demeurant donc qu’un glorieux téléfilm à sketchs réalisé beaucoup par John Carpenter et un peu par Tobe Hooper.
Carpenter semble ici plus que quiconque impliqué, puisqu’outre de signer deux des trois épisodes de l’anthologie, il revêt également la défroque du tenancier de la morgue, personnage comparable à ce que pouvait être le gardien de la crypte dans Les Contes de la crypte, ou encore Freddy Krueger dans sa propre série. Ainsi en tête d’affiche, Carpenter s’amuse à faire le con en observant les cadavres de sa morgue pour en trouver certains specimens dont l’histoire est digne de nous être racontée. L’humour noir est bien entendu de mise, et si certains gags sont déséspérément stupides, d’autres font mouche (la fille aux seins silliconés qui empêche le personnage de Carpenter de la sortir de son tiroir mortuaire). Enfin bon, tout cela est assez classique, et les séquences de la morgue apparaîtront au début, entre chaque épisode ainsi qu’à la toute fin, où il y aura bien entendu un retournement de situation et où Carpenter sera rejoint à l’écran par Tobe Hooper et Tom Arnold. Passons donc aux sketchs.
The Gas Station.
Réalisé par John Carpenter.
L’employée d’une station-essence de bord d’autoroute est persecutée par un tueur en série. C’est tout pour l’histoire, et ça permet à Carpenter de refaire un mini-Halloween, chose revendiquée par la proximité de cette station essence avec la ville de Haddonfield, celle où Michael Myers aime à commettre ses meurtres (et il en était déjà à 5 films à cette époque là, le salaud). Dans un premier temps, les voitures et les clients défilent, certains plus bizarres que d’autres (dont l’ivrogne joué par Wes Craven), ce qui permet à Carpenter d’entretenir le suspense : on sait que le tueur va frapper, mais on ne sait pas qui il sera. Frissons faciles garantis, jusqu’à ce que le vrai tueur ne se manifeste, et avec lui tous les habituels clichés du genre (jusqu’au cadavre -joué par Sam Raimi- enfermé dans le placard), cependant beaucoup moins ennuyants qu’à l’accoutumée, grâce principalement à la durée réduite de l’épisode. Si l’originalité n’est absolument pas de mise, l’épisode est plutôt bien ficelé, et le léger humour noir ainsi que le sanguinolent dénouement relève un peu le goût de ce slasher Total.
Hair.
Réalisé par John Carpenter.
Un homme en passe de devenir chauve (Stacy Keach) se fait implanter des cheveux par un mystérieux docteur proposant une solution miracle. Le miracle aura en effet bien lieu, et il va même dépasser toutes les attentes : les cheveux vont pousser sur tout le corps du héros, qui découvrira que ces cheveux sont en réalité des sortes de mini-serpents extraterrestres accrochés à sa peau !
Une intrigue originale pour ce qui est le meilleur des trois épisodes. Plein d’humour, Carpenter aime à se moquer de son personnage principal et de sa peur de devenir entièrement chauve : il le fera ainsi utiliser toute sorte d’artifices grotesques, allant du postiche à la teinture via la coupe de cheveux concoctée par un coiffeur gay voulant lui rendre une “coupe virile”, et il le fera jalouser les gravures de mode à cheveux longs que l’on trouve dans la rue, au nombre desquels se trouvent également un clébard à poil long, le tout filmé comme une pub pour un shampooing ! Les microscopiques extraterrestres vendus comme des implants capillaires seront donc le paroxysme du ridicule, et avec eux Carpenter nous montrera que le ridicule tue. L’humour prend ici le pas sur l’horreur, et ce sympathique épisode sera en outre doté d’un casting impeccable : Stacy Keach dans le rôle principal, David Warner dans le rôle du miraculeux docteur et Debbie Harry (même si c’est triste de voir à quel point elle a vieilli dix ans après Videodrome) dans celui de l’assistante.
Eye.
Réalisé par Tobe Hooper.
Un joueur de baseball perd un oeil dans un accident de voiture. Heureusement, les médecins lui proposeront de lui en greffer un autre, et il ne sera donc pas resté borgne bien longtemps. Mais l’oeil qu’on lui a greffé fut celui d’un tueur en série nécrophile, et c’est ainsi que l’ambitieux joueur de baseball (joué par Mark Hamill, alors 42 ans au compteur : il y a comme une erreur de casting) se mettra à avoir des hallucinations cauchemardesques le poussant vers la folie psychopathe, au grand dam de sa femme.
Sujet classique pour un Tobe Hooper qui a tendance à se prendre un peu trop au sérieux et qui nous ressort ainsi plusieurs citations de La Bible, le fameux best seller religieux qui se vend sans discontinuer depuis 2000 ans. Bon, on ne peut pas dire que ce segment soit tout à fait mauvais : l’histoire se suit sans trop de déplaisir (on a vu largement pire chez Hooper), même si son scénario reste très classique. Le gore vient un peu pimenter le tout et compense l’idée foireuse servant d’introduction à chaque hallucination, à savoir un écran plan placé de façon subliminale qui nous prévient que ça y est, l’hallucination commence. Dès lors on sait dors et déjà ce qui nous attend et il n’y a plus d’effet de surprise possible. Quant à la folie psychopathe du personnage de Mark Hamill, elle ne va jamais assez loin pour susciter quoi que ce soit. Il faudra attendre la fin et les débordements gores, pour cela. Ceci dit, la plus grosse qualité de l’épisode reste l’apparition de Roger Corman dans le rôle d’un médecin.
Body Bags est un téléfilm relativement moyen, avec un bon épisode entourré d’un épisode moyen et d’un autre assez médiocre. Le fil conducteur de la morgue fait pencher la balance plutôt du bon côté, et voir Carpenter faire le con dans une ambiance colorée (il faut voir la photographie bleu / violet saturée) et au milieu de cadavres assez sanguinolents n’est pas déplaisant.