Blue Crush – John Stockwell
Blue Crush. 2002Origine : Etats-Unis
|
Les films sur le surf ne sont pas très courants. Deux œuvres de fiction ont pourtant marqué le cinéma avec en toile de fond le surf comme courant de pensée. Big Wednesday (John Milius) et Point Break (Kathryn Bigelow).
Blue Crush pourrait être comparé au film de Milius, de part l’importance que portent les réalisateurs à l’amitié. Nous n’irons pas plus loin dans la comparaison. Là où Milius cherchait à faire un film social et politique, ce n’est absolument pas le but de Stockwell. Ainsi, le réalisateur nous présente trois jeunes filles qui vivent ensemble à Hawaï et qui subsistent en faisant le ménage dans un hôtel de luxe. L’héroïne, Anne Marie (interprétée par Kate Bosworth), doit aussi veiller à l’éducation de sa petite sœur, leur mère étant partie avec un homme à Las Vegas. Toutes quatre vivent difficilement, mais s’évadent de leur quotidien grâce au surf. Toutes quatre sont plutôt douées, mais Anne Marie sort du lot. Trois ans plus tôt, un accident l’arrête soudainement dans son ascension vers la gloire. Sa tête heurte les récifs lors d’une compétition, elle frôle la noyade. Depuis, elle n’arrive plus à aller surfer les vagues les plus dangereuses, celles qui se trouvent sur les récifs.
Pourtant, elle n’a pas été oubliée. A tel point que les organisateurs du Pipe Master lui offrent une invitation pour participer à cette épreuve qui s’avère être la plus dangereuse au monde.
A partir de ce pitch pas très original, Stockwell va miser tout son film sur les scènes de surf. Là où Milius nous offrait un film tout en nuance, avec des scènes de surf certes spectaculaires, mais surtout très intimes, grâce à la musique de Basil Poledouris, Stockwell cherche l’efficacité, le spectaculaire. Passionné de surf, il veut offrir des images jamais vues par personne. Sur ce point, c’est effectivement une réussite. Les scènes dans l’eau sont tout simplement les meilleures jamais filmées. On est au cœur de l’action, au cœur de la vague. Les moyens employés sont tout simplement impressionnants. En jetant un coup d’œil sur le making-of, on découvre qu’une caméra a été installée sur un body-board sur lequel surfe un ancien champion du monde. Du coup, on est au plus près des personnages, et ça en jette. Certes, parfois le montage ne nous permet pas toujours de profiter pleinement de l’action, mais c’est surtout dû au problème de la stabilité de la caméra. Dans l’eau, c’est quasiment impossible.
A jouer et à mettre en scène, voilà un film compliqué et dangereux ! Surtout que le choix n’a pas été des plus simples. Ils sont allés au cœur du surf, à Hawaï. Et là où ce fut encore plus compliqué, c’est qu’à Hawaï, tu ne fais pas ce que tu veux dans l’eau et sur les plages. Il ne suffit pas de l’accord des autorités locales, il faut surtout l’accord des surfeurs eux-mêmes, les natifs de l’île qui protègent leur île et leurs vagues comme un trésor. A tel point que le réalisateur est obligé d’engager des célébrités locales pour pouvoir filmer sans problème. Mais là où ça devient vraiment intéressant, c’est que Stockwell se permet de critiquer ouvertement l’attitude de ces Hawaïens qui vont jusqu’à menacer ceux qui viendraient surfer sur des spots qu’ils se réservent exclusivement.
A ce propos, il faut savoir que le surf est un sport qui observe de nombreuses règles. Par exemple, la priorité sur les vagues. A Hawaï, un natif de l’île aura toujours priorité sur un étranger. Seul Kelly Slater (originaire de Floride), celui qui a été champion du monde 9 fois (dernier titre en 2008) passe avant tout le monde.
Stockwell, malgré un script très maigre et plutôt inintéressant, va essayer de développer ses personnages. Deux actrices sortent du lot, Kate Bosworth et Michelle Rodriguez (Eden), qui ont les meilleures scènes, autant physiques qu’intimes. Les deux amies sont confrontées à un problème, Anne Marie n’arrive pas à vaincre sa peur et fuit son entraînement en passant du temps avec un quaterback rencontré à l’hôtel. D’ailleurs, les deux actrices ont fait des choses exceptionnelles sur ce tournage. Elles qui n’avaient jamais surfé ont subi un entraînement de championnes ! Bien évidemment, sur les scènes les plus difficiles, elles sont doublées, mais la plupart du temps, elles réussissent des prouesses incroyables ! Tout à leur honneur. A noter d’ailleurs que l’équipe technique a refusé d’user d’effets 3D. Tout est réel. Bien sûr, quelques effets d’incrustations sont visibles, mais c’est juste pour chipoter.
On regrettera donc le traitement des personnages, complètement anodin qui ne présente pas vraiment d’enjeux. Bien qu’on essaye d’y insérer de réels enjeux psychologiques, la peur de l’abandon, la peur de mourir, la peur de décevoir, c’est traité de façon bien trop éphémère pour que ça prenne vraiment. Dommage, parce que ce film avait tout pour devenir un classique du film de surf. Alors je le concède, les plus jeunes réussiront à trouver leur compte avec cette philosophie du dépassement de soi, mais ça ne trompe pas les plus regardants, c’est trop superficiel. Reste que l’esthétique en générale est superbe (autant les filles, que les vagues). Et, sans doute aurais-je dû le signaler plus tôt, mais voilà un film qui présente le surf sous le regard des femmes ! Et ce n’est pas rien ! Parce que si effectivement c’est une discipline qui se développe de plus en plus depuis quelques années, ça reste intéressant de traiter ce sujet, ne serait-ce que pour mettre en avant le fait que les femmes peuvent aussi surfer les vagues les plus dangereuses du monde. Certes, les hommes restent les plus nombreux, mais c’est un film qui a le mérite de présenter un sujet jamais traité. A ce propos, de nombreuses surfeuses sont venues participer au tournage.
Au final, le film ne se regarde que pour ses scènes de surf superbement mises en scène. C’est le film d’un amateur de surf, qui n’hésite pas à mettre ce sport en valeur, et à montrer qu’à Hawaï, c’est un art de vivre. Il n’en reste pas moins que si vous enlevez le surf, il ne reste rien. Le surf n’est là qu’un prétexte au film quand dans Point Break ou Big Wednesday il était une religion, il reliait les personnages à leur être profond. Dans Blue Crush, n’importe quel sport pourrait faire l’affaire, pas dans les autres.
Ainsi, on regrette que le surf ne soit pas plus mis en valeur, ailleurs que sur les planches à travers ses images, certes superbes. On regrette aussi ce scénario pour adolescents, avec des personnages traités toujours de façon superflue. Dommage.